Oui, La mesure la plus impressionnante est sans doute leurs résultats après amortissement. Ils sont négatifs en 2020, ce qui signifie que les entreprises ont dû emprunter pour simplement renouveler le capital qu’elles ont dû déclasser, leurs amortissements annuels en somme. C’était déjà arrivé en 2009. Mais rapportés à la valeur ajoutée des entreprises, ces résultats sont les plus mauvais depuis 1984, quand le gouvernement d’alors avait dû prendre le tournant de la rigueur après les largesses intenables accordées au début du premier septennat de François Mitterrand.
La baisse de la production a aussi été très inégale, avec par exemple un bond du commerce en ligne et un effondrement de la restauration. Est-ce inédit ?
Pas tout à fait. Dans les récessions précédentes, l’industrie avait beaucoup plus reculé que les services – à l’inverse de cette fois-ci. Mais il faut remonter à 1964 pour retrouver une aussi forte dispersion des performances entre secteurs. A l’époque, la construction était en plein boom, pour créer les logements destinés aux nombreux rapatriés d’Algérie. Et la production d’autres secteurs, comme celle des matériels de transport, avait connu un bref coup d’arrêt.
Le commerce extérieur de la France s’est fortement dégradé en 2020. Le déficit avait-il déjà été aussi important ?
D’abord, je voudrais souligner que cette dégradation est inhabituelle. En temps de récession, la balance commerciale a tendance à s’améliorer, car les prix du pétrole baissent. Ils ont bien baissé cette fois-ci… mais les recettes du tourisme et des exportations d’avions ont encore plus chuté. Et la position française a reculé dans d’autres secteurs comme l’automobile, l’agroalimentaire et la pharmacie, indiquant sans doute une dégradation de sa compétitivité. Du coup, la balance courante de la France devrait afficher un déficit de 2,6 % en 2020, davantage que le déficit de 2,1 % de la surchauffe Mitterrand en 1982. Il faut remonter à 1951 pour retrouver un déficit encore plus massif. Dans le contexte très différent de l’après-guerre, où le pays n’avait pas encore terminé de reconstruire son appareil productif et dépendait encore beaucoup des Etats-Unis.
Un autre déficit s’est aussi beaucoup creusé, celui des finances publiques.
Oui, le gouffre du déficit public aura atteint 9 % du PIB en 2020, une profondeur auparavant atteinte seulement en temps de guerre. Du coup, la dette publique culmine à 115 % du PIB, du jamais vu depuis la fin de la seconde guerre mondiale en 1945. Elle était alors descendue autour de 180 % du PIB, après avoir culminé à 270 % l’année précédente. A l’époque, cette dette avait été très vite résorbée – elle revient à moins de 50 % du PIB dès 1948 – grâce à une croissance très forte et une inflation encore plus forte. Cette fois-ci, je doute que nous ayons l’un ou l’autre. Mais la politique de la banque centrale rend cette dette soutenable : en 2020, la BCE a acheté 1.000 milliards d’euros de dette publique, face aux 1.200 milliards émis par les pays de l’euro. Là, il n’y a pas de précédent !