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vendredi 06 Oct, 2023
Catégorie : Economie

Taxe carbone aux frontières :

Taxe carbone aux frontières : la réforme entre en vigueur et affole les entreprises 

LES ECHOS –

A compter du 1 er  octobre, les importateurs européens de certains produits, comme l’acier ou l’aluminium, devront déclarer leur contenu carbone. Une période transitoire en attendant la mise en place de la taxe elle-même, le 1 er  janvier 2026, que les industriels comptent utiliser pour résoudre certaines failles du dispositif.

La taxe carbone aux frontières sera appliquée à compter de début 2026 à plusieurs produits à fort contenu carbone, comme l'acier ou l'aluminium.
La taxe carbone aux frontières sera appliquée à compter de début 2026 à plusieurs produits à fort contenu carbone, comme l’acier ou l’aluminium. (Franck Crusiaux/Réa)

Par Anne Feitz

Publié le 29 sept. 2023 à 17:21Mis à jour le 1 oct. 2023 à 12:56

Le MACF, c’est parti. Derrière ce sigle obscur, signifiant « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières », se cache une réforme fondamentale pour la décarbonation de l’industrie européenne : l’instauration d’une taxe carbone aux frontières, assortie de la disparition progressive des quotas carbone gratuits. « Il s’agit de donner un prix au contenu carbone des produits importés », rappelle-t-on au sein du gouvernement.

En protégeant ainsi les six secteurs concernés (acier, aluminium, ciment, engrais, hydrogène, électricité) de la concurrence d’industriels extérieurs à l’Europe non soumis aux mêmes contraintes, Bruxelles espère pousser ses propres entreprises à se décarboner effectivement. Car sinon, ils seront tenus de payer d’énormes sommes sur le CO2 émis, lorsque leurs quotas gratuits seront supprimés d’ici à 2034.

Phase de transition déclarative

Adoptée en décembre 2022 dans le cadre du « Green deal » européen , cette réforme entre en vigueur ce 1er octobre 2023 pour une première phase de transition, purement déclarative. La mise en place de la taxe elle-même, et de la suppression progressive des quotas gratuits, est, elle, prévue pour le 1er janvier 2026.

Pour les industriels, cette première phase n’est toutefois pas neutre : concrètement, dès le 1er octobre, les importateurs des secteurs visés par la réforme, mais aussi de produits transformés (boulons et vis), devront évaluer le contenu carbone de ces importations, en vue d’une première déclaration trimestrielle dès janvier 2024. La Commission devrait ouvrir un portail en ligne dans les semaines à venir. Selon le gouvernement, un peu moins de 10.000 entreprises tricolores pourraient être concernées.

« Beaucoup d’entreprises découvrent le sujet, et sont un peu perdues », avance-t-on au sein d’une organisation professionnelle. Si les importateurs sont rompus aux déclarations douanières, déterminer les émissions de gaz à effet de serre, directes et indirectes, associées aux produits achetés est une autre affaire. « La Commission a publié des guides pour les aider, mais cela reste compliqué à mettre en place : il devrait y avoir une certaine souplesse pendant les six premiers mois… », poursuit la même source.

Les informations requises ne sont toutefois pas forcément faciles à obtenir. « Les sidérurgistes ne répondent pas, ou bien seulement partiellement, aux questions de leurs clients sur ces points », témoigne Benjamin Frugier, de la Fédération des industries mécaniques (FIM), dont de nombreux adhérents, acheteurs d’acier ou d’aluminium, sont concernés.

« Nos adhérents risquent donc l’infraction douanière – sans même parler du surcroît de travail administratif ! » Si l’importateur n’est pas capable de fournir, et de prouver, les informations demandées, l’administration utilisera des valeurs par défaut « pénalisantes », reconnaît un conseiller gouvernemental.

Outil de délocalisation

Cette première phase ouvre aussi une période d’observation cruciale pour les industriels. Autant pour les secteurs concernés que pour leurs clients. Les premiers se félicitent d’être bientôt protégés, mais craignent la disparition des quotas gratuits.

« Nous devrons être extrêmement vigilants à ce que l’investissement dans un nombre historique de projets de décarbonation d’acier soit couronné de succès », souligne dans un communiqué Eurofer , l’association des aciéristes européens, qui ne manque pas de souligner la « surcapacité mondiale d’acier de 600 millions de tonnes – plus de quatre fois la production annuelle d’acier dans l’UE ».

Beaucoup de nos adhérents sont affolés.

Philippe ConteT Directeur général de la Fédération des industries mécaniques

La période sera également lourde d’enjeux pour les secteurs aval. « Si rien n’évolue, cette réforme est un excellent outil de délocalisation ! » s’alarme Philippe Contet, directeur général de la FIM. Le MACF conduira en effet à renchérir le prix de l’acier ou de l’aluminium pour les industriels européens. Or leurs concurrents hors d’Europe, qui ne subiront pas ce surcoût, pourront y importer leurs produits transformés sans taxes. « C’est un enjeu énorme pour nos adhérents : beaucoup sont affolés », poursuit Philippe Contet.

Elargir la taxe à d’autres produits transformés

La période transitoire doit permettre d’étendre le champ d’application du MACF à d’autres produits transformés que les vis et les boulons, précisément pour éviter de tels effets pervers. « Nous allons tout faire pour qu’il soit élargi aux composants mécaniques et aux biens d’équipement comportant une forte proportion d’acier », indique Benjamin Frugier. A savoir, par exemple, les produits de quincaillerie, les articles culinaires et d’outillage, les pièces pour bâtiment, mais aussi les composants pour l’aéronautique ou l’automobile. « De nombreux sous-traitants sont concernés », insiste le dirigeant.

Ces « trous dans la raquette », pour reprendre l’expression du député européen (Renew), Pascal Canfin, grand promoteur de la réforme, ont été identifiés et doivent être comblés. « Nos inquiétudes ont été intégrées dans l’équation, mais elle n’est pas pour autant résolue : pour l’instant on nous paie de mots », s’impatiente Alexandre Saubot, le président de France Industrie. La Commission européenne doit faire des propositions législatives en ce sens avant l’instauration de la taxe elle-même, début 2026.

Anne Feitz

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