La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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mercredi 02 Fév, 2022
Catégorie : Selon la presse

Un banc made in Mayotte grâce à la première fonderie alu de l’île


Le premier banc en bois et aluminium produit à Mayotte

Parce qu’il veut recycler sur place les canettes usagées, Pedro Garcia a investi dans une fonderie, donnant naissance à « Ulalusa ».

Vorace, elle est capable d’ingurgiter 180 tonnes de canettes qu’elle restitue en lingots de pur aluminium. Seulement voilà, le tonnage collecté est encore trop insuffisant pour la nourrir et espérer une production industrielle. En attendant mieux, du mobilier urbain commence à sortir de ses entrailles.

Aluminium, Mayotte, fonderie

« On ne pourra parler d’économie circulaire qu’à partir du moment où un territoire produira à partir de sa propre filière de recyclage ». C’est le responsable territorial Outre-mer de Citeo, Nicolas Moullin, qui s’exprimait ainsi dans nos colonnes. Ce défi de proposer des produits finis à partir de déchets, peu le relève pour l’instant. C’est pourquoi le projet de fonderie d’aluminium mérite d’être mis sous les feux de l’actualité.

Au départ, Pedro Garcia, ingénieur résidant depuis plusieurs années à Mayotte, fait le constat que beaucoup de canettes en aluminium entrent sur le territoire, y sont collectées sous forme de déchets, compactés, et exportés vers d’autres pays. Il a alors l’idée de les récupérer et de les faire fondre. Nous l’avions rencontré alors qu’il venait de décrocher les encouragements du conseil départemental sous la forme d’une subvention de 139.000 euros, pour assurer une phase test et lancer la production. Il achète un four et du matériel, dont un analyseur de métaux qui évalue la composition du métal, en aluminium, fer, etc. Et produit un premier lingot. D’autres suivront, comme il nous l’explique.

« Nous travaillons avec la société Mayotte développement, spécialisée dans les chauffe-eaux solaires, les climatiseurs et les panneaux photovoltaïques, où nous avons installé notre atelier, et le cabinet de conseil Labor et gestion. Après plusieurs essais de fusion, nous avons produit 200 kilos d’aluminium sous forme de lingots, pur à 98%, et 100 kilos de Cuivre, à 99% ». Des métaux purs qui peuvent alors être valorisés sur le marché. Mais pour cela, il faut dépasser un seuil critique de collecte. Or, c’est un comble, pour l’instant, il n’y en a pas assez !


Pedro Gracia avec deux des premiers lingots produits par la fonderie
« 1.400 tonnes d’alu entrent sur l’île »

« En reprenant les déchets en canettes des bars et des restaurants, et ce que collecte ‘Yes Wa Canette’, nous arrivons à 5 tonnes par an au grand maximum. Si nous parvenons à nous accorder avec l’éco-organisme Citeo pour récupérer celles qui sont jetées dans les bornes jaunes, nous en récupèrerons 20 tonnes. Or, il faut 180 tonnes pour lancer une production industrielle. Donc techniquement, nous savons faire, mais nous n’avons pas assez d’aluminium », déplore Pedro Gracia, un lingot en main. Ce sera son bâton de pèlerin pour démarcher ceux qui sont, de prés ou de loin, acteurs de la collecte.

La Cadema, le Sidevam, Citeo, le conseil départemental, la préfecture, les collectivités, les associations… « L’Ademe a fait une étude de caractérisation des déchets en 2017, qui montre que ce sont 1.400 tonnes d’alu qui entrent sur l’île et dont une partie est ensuite envoyée sous forme de déchets à Dzoumogne ». C’est le site d’enfouissement des déchets ultimes, ceux qui ne sont plus recyclables. On sait que beaucoup de bouteilles en plastique, de verres, de cartons ou de canettes sont jetés dans les poubelles des particuliers et ne verront jamais le centre de tri.

La matière est donc là, puisqu’il faut juste un peu plus de 10% de ces 1.400 tonnes entrant pour assurer un recyclage à un rythme industriel. Il faut donc que tous les acteurs s’y mettent et fassent converger leurs canettes usagées vers la fonderie.

Ce serait une valeur ajoutée considérable pour Mayotte. « Après fusion des 180 tonnes de canettes, nous obtenons 150 tonnes net de métal. Au prix moyen de 2 euros le kilo d’aluminium, nous pourrions l’exporter et dégager un chiffre d’affaires de 300.000 euros. Ce serait pas mal », ponctue-t-il de son accent ibérique.

Les canettes, un des déchets les plus polluant sur l’île. Ici une opération de ramassage en 2016
Actuellement, c’est Citeo qui assure l’exportation de canettes compressées, après avoir collecté les déchets en lieu et place des collectivités, nous avait expliqué Nicolas Moulin. Pedro Garcia souhaiterait contractualiser avec lui, « pour notamment récupérer les 80 tonnes de canettes d’aluminium collectés à La Réunion ».

L’exportation des déchets est subventionnée, souligne Pedro Garcia, qui envisage donc plutôt de les transformer sur place, pour produire et exporter des produits finis. Un exemple parfait d’économie circulaire évoqué par le directeur de Citeo…

Pour ce faire, et en attendant cette prise de conscience des acteurs de la collecte, Pedro Garcia a décidé de se lancer, lui et son four, dans la fabrication de produits finis, à base d’aluminium, qui pourraient intéresser des collectivités locales et les particuliers, « ça permet d’engranger des recettes pour payer le fondeur ». Il s’agit en l’occurrence de produire du mobilier urbain. Prototype produit par « Ulalusa », le banc « Ironi be » est a été suivi par deux autres.

Ses pieds sont moulés dans la fonderie à partir de 18 kilos d’aluminium, et l’assise reprend du bois local. Vendu 1.200 euros, il a déjà commencé à séduire, « nous avons eu une précommande d’une entreprise qui voulait changer son hall d’accueil ». Un projet constamment accompagné par le conseil départemental, « ils sont même moteurs ».

Un premier vrai pas vers l’économie circulaire, et si l’objectif est de produire de l’alu en barre, un banc made in Mayotte, c’est déjà un must !

Anne Perzo-Lafond

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