La grande transformation annoncée de l’industrie automobile a-t-elle commencé ? Depuis quelques semaines, les annonces de suppressions de postes se multiplient en Europe. Celle de Volkswagen la semaine dernière , qui portait sur 5.000 à 7.000 emplois, n’était que la dernière en date, après celles de Ford (5.000 en Allemagne, 1.150 au Royaume-Uni, près de 1.000 en France), Jaguar Land Rover (4.500, essentiellement au Royaume-Uni) ou encore Honda (3.500 au Royaume-Uni) et des rumeurs de départs massifs chez A udi . Soit, au total, plus de 20.000, si l’on s’en tient au seul territoire européen.
Changement structurel de l’industrie
Pour la plupart, ces réductions d’effectifs s’étaleront dans le temps et se feront sans licenciements. Mais ces chiffres viennent s’ajouter aux plans déjà lancés ces dernières années : Volkswagen avait par exemple annoncé 30.000 suppressions d’emplois en 2016, sur quatre ans. Et ils ne tiennent pas compte des vastes plans d’économies que les constructeurs s’apprêtent à engager. BMW, qui a annoncé mardi vouloir réduire ses coûts de 12 milliards d’euros d’ici à 2022, s’est contenté d’en traduire l’impact sur l’emploi en 2019 : les départs à la retraite ne seront pas remplacés et l’effectif restera stable cette année.
Pendant des mois, les constructeurs ont lancé des cris d’alarme sur l’emploi. Ils semblent aujourd’hui entrer dans le vif des décisions difficiles – même si les français PSA et Renault semblent pour l’instant épargnés. « Il ne s’agit pas de coupes sombres en réaction à une crise, comme entre 2009 et 2012, mais d’une réaction au changement structurel de l’industrie », souligne Philippe Houchois, analyste chez Jefferies.
Electrification
Si la chute brutale du diesel en Europe touche pour l’instant plutôt les équipementiers, le grand mouvement vers l’électrification commence , lui, à avoir un impact chez les constructeurs. « Il faut moins de monde pour fabriquer le groupe motopropulseur d’un véhicule électrique », rappelle Laurent Petizon, associé chez AlixPartners. Et ce d’autant que les batteries (environ 30 % de la valeur ajoutée d’un véhicule électrique) sont pour l’instant largement fabriquées en Asie. Volkswagen, Audi ou BMW ont évoqué les lourds investissements à engager dans ce domaine pour justifier leurs plans d’économies.
Les constructeurs doivent faire des choix. « Les besoins de surinvestissement liés à l’électrification surviennent à un moment où les constructeurs ne peuvent plus compter sur la croissance pour gagner en productivité », relève Xavier Mosquet, directeur associé au BCG. « Les marchés européens et américains semblent avoir atteint leur taille maximale, et le marché chinois est plutôt en phase de ralentissement ». Jaguar Land Rover , touché de plein fouet par la chute du diesel, a aussi justifié son plan par la dégringolade de ses ventes en Chine.
Complexité de la réglementation européenne
Cette nécessité de sélectionner les investissements explique aussi les décisions de Honda ou de Ford, qui ont engagé des restructurations de leurs activités européennes. Honda a même décidé de fermer son usine de Swindon d’ici à 2022. Ford va de même fermer son site de Blanquefort (Gironde), où il fabrique des boîtes de vitesses, et arrêter la production de certains modèles en Europe. Nissan a aussi décidé de produire son futur X-Trail au Japon et non dans son usine britannique comme prévu. « La réglementation est tellement complexe en Europe que certains préfèrent se retirer », souligne Philippe Houchois. Sans même parler des incertitudes liées au Brexit, qui, même s’ils s’en défendent, ont sans doute nourri les décisions des constructeurs.
Le virage vers l’auto électrique menace 150.000 emplois allemands
Pour autant, faut-il craindre une hémorragie ? « Je ne suis pas inquiet sur l’emploi dans le secteur. Globalement les entreprises affrontent cette transformation alors qu’elles sont en bonne santé », dit Xavier Mosquet. Plusieurs études sont toutefois plus alarmistes. IG Metall a ainsi estimé que le déclin des moteurs thermiques détruirait à lui seul plus de 150.000 emplois en Allemagne, tandis que l’électrification n’en créerait que 40.000.