La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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lundi 24 Avr, 2023
Catégorie : Automobile

SAM, la vie d’après : « C’est très difficile de faire le deuil de la SAM »

par Audrey SommaziRémy Gabalda TOULECO

Entre petits boulots et déceptions, les anciens fondeurs de la société aveyronnaise de métallurgie racontent leur parcours du combattant de salariés licenciés au cœur d’un bassin économiquement sinistré.

Mauricette Carles est pressée, nous dit-elle, en sortant de sa voiture rouge qu’elle gare devant le four de cuisson qui fait office de vestige planté sur un parterre de pelouse, devant l’entrée de la direction de la société aveyronnaise de métallurgie (SAM), une fonderie automobile installée sur la petite commune de Viviez (Aveyron). Il est un peu plus de midi en ce début de mois de janvier pluvieux et grisâtre. Mauricette, surnommée Mimie par ses anciens collègues, doit déjeuner et nourrir ses trois chiens en un laps de temps réduit.

« Ce four est un rebut recyclé en pot de fleurs. Il est comme nous. On nous a aussi recyclés tant bien que mal », soupire-t-elle. « À chaque fois que je le vois, j’ai mal au cœur. » De ses trente-quatre années passées à la SAM comme agente de production, dont vingt-sept à travailler les nuits, il reste une profonde amertume et une colère sourde. « C’est du gâchis pour le profit. Les plus gros (industriels, NDLR) nous font crever, ils ne savent plus ce qu’est l’humanité et ils engrangent. Et on nous demande de vivre sur notre territoire… Savoir qu’ici tout est vide, c’est triste », se désole-t-elle, les larmes aux yeux.

Le 26 novembre 2021, après un feuilleton judiciaire long et éprouvant, le tribunal de commerce de Toulouse scellait définitivement le sort de cette entreprise fondée en 1973, en décidant l’arrêt immédiat de son activité. Comme les 332 autres salariés, Mauricette a été licenciée. Dans le cadre du fonds spécial pour la reconversion des salariés de l’automobile, décidé en 2021, elle aurait pu bénéficier du rachat des trimestres pour partir en retraite anticipée. Or, ce n’est pas le cas. N’ayant pas pu valider sa carrière longue, en raison d’un manque de cotisation, elle a dû se résoudre à chercher un nouvel emploi. « Je ne voulais plus aller à l’usine. Mais, à 59 ans, en tant que femme on n’a pas grand-chose. Je suis alors allée vers l’aide à la personne. Le ménage, je sais le faire. »

Cinquante-sept salariés ont signé un CDI

Depuis le 8 août 2022, Mauricette Carles démarre ses journées à 7 h 45 et enchaîne les visites au domicile des personnes âgées dépendantes installées à Firmi, Viviez et Boisse-Penchot, ces petites villes et villages implantés dans l’ancienne vallée sidérurgique de Decazeville en déclin économique. À 19 heures, elle regagne, enfin, son domicile. Sur les rotules. Une soupe et elle s’endort, le moral en berne. « Je n’ai personne à qui parler et je ne fais que pleurnicher. C’est difficile. Certaines nuits, je ne dors pas bien. Cette proximité avec la vieillesse me touche énormément. Je suis face à une réalité », admet-elle. Mais la dynamique Mauricette Carles n’est pas du genre à se laisser abattre. « Je me booste, je ne suis pas la plus à plaindre. J’ai un travail, relativise-t-elle pour se donner du courage. « Mais, il me tarde d’arrêter et, en même temps, j’ai peur de me retrouver sans rien, car j’aime me sentir utile. »

Parmi les anciens salariés, ils sont 205 à avoir retrouvé le chemin de l’emploi ou de la formation. Mais seuls cinquante-sept d’entre eux ont signé un CDI. « Je trouve ce chiffre insuffisant », critique Ghislaine Gistau, ex-responsable de la qualité en production, et représentante de la CGT, entrée à la SAM il y a vingt-sept ans. « Pourtant, on nous avait dit et redit que ça n’allait pas être compliqué de retrouver un CDI », ajoute Mme Gistau, amère, qui, après un bilan de compétences, a entamé la phase d’après la SAM. Depuis le 1er septembre, elle est employée dans une administration, à Decazeville, pour une durée de trois ans. « C’est un gros changement et c’est intéressant. J’aime ce que je fais et j’acquiers de nouvelles compétences. Mais il y a un mais. Ce n’est pas la SAM. J’ai la nostalgie de cette boîte. C’est très difficile de faire le deuil », admet Ghislaine Gistau, devant l’entrée du personnel de l’ex-fonderie assourdissante de silence. (…)
Audrey Sommazi

Sur les photos : L’enseigne de la SAM // Mauricette Carles, dite Mimie, devant un ancien four de la SAM // Ghislaine Gistau, ex-représentante de la CGT à la SAM. Crédit : Rémy Gabalda- ToulÉco.

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