À près de 500 ans d’existence, les fonderies de Sougland ne cessent d’innover : « cela contribue à l’élan nécessaire d’une réindustrialisation du pays »
Elle est la plus ancienne entreprise des Hauts-de-France, tous secteurs confondus. L’histoire des Fonderies de Sougland aurait pu se conjuguer au passé, mais elle se poursuit dans un secteur très diminué depuis des décennies. Avec sa dernière innovation, elle représentera l’Aisne au salon Fabriqué en France à l’Élysée les 26 et 27 octobre 2024.
481 ans d’existence, presque un demi-millénaire et des histoires, encore, qui s’écrivent. Tout commence au Moyen Âge, Sougland est un lieu-dit sur la commune de Saint-Michel.
Il est concédé sous forme de bail par le monastère voisin, pour y construire une forge et un fourneau. Les moines avaient besoin d’argent pour des réparations à la suite d’un incendie.
Dans la Thiérache, les minerais sont présents en quantité dans le sous-sol, le bois à foison permet d’alimenter le feu. L’eau du ruisseau voisin, le Gland, fait fonctionner les soufflets.
À cette époque, on fabrique des outils pour toutes sortes de tâches agricoles, commerciales ou de construction. Et bien sûr des armes, en quantité, pour les hommes d’Henri IV puis de Louis XIII, alors que les confits sont réguliers et les frontières évolutives.
Un avenir longtemps florissant
L’acier et la fonte ne manquent pas de débouchés, au fil des siècles. Mais les propriétaires successifs restent vigilants, et anticipent. Ainsi, c’est dans cette entreprise que l’on réalise pour la première fois un émaillage de la fonte avec une machine, alors qu’il est jusqu’ici effectué à la main. Une prouesse qui lui vaut un prix à l’Exposition universelle de Paris en 1900.
Coup dur pendant la Seconde Guerre mondiale, après la capitulation française en 1940. Les Allemands pillent les fonderies, s’emparent des machines et de la matière première, très utiles pour la construction de leur armement, mais plus tard, le rebond est possible. L’essor des cuisines individuelles, de mieux en mieux équipées, est une période qui profite aux fonderies de Sougland. L’entreprise se développe sur ce marché d’abord avec les poêles en fonte émaillées, puis les cuisinières en tôle émaillée. L’usine emploie jusqu’à 1 000 salariés, et se positionne en face d’un autre géant, Saint-Gobain.
Anticiper, plutôt que suivre
Mais les dirigeants axonais décident de changer de cap avant de s’essouffler ou même de s’éteindre. C’est un virage à 180°. À la fin des années 60, les ouvriers commencent à fabriquer sur le site des pièces techniques pour l’industrie comme des alliages ou des moules sur-mesure, de quelques grammes à 2,5 tonnes. Au fil du temps, si les effectifs sont devenus plus restreints, mais la renommée s’étend, 20 % des ventes sont réalisées à l’export, avec des clients aussi prestigieux que l’US Navy, et des secteurs aussi variés que le ferroviaire, la robinetterie ou la chimie.
Les crises sont passées au-dessus de l’usine de Saint-Michel, dans une Thiérache pourtant peu épargnée et éloignée des grands centres économiques.
« La clé de cette histoire, c’est la capacité d’adaptation aux évènements de chaque époque, explique Yves Noirot, l’actuel directeur des fonderies. La guerre en Ukraine par exemple : flambée des coûts de l’énergie, on passe à la semaine de quatre jours. Le coût des matières premières s’envole : on propose à nos clients de racheter leurs pièces usagées et de les fondre pour en faire d’autres, donc moins de matière, et des produits moins chers. »
Aujourd’hui, la politique de l’entreprise s’appuie sur trois piliers, selon le patron et meilleur représentant de son enseigne : « défendre le made in France, protéger la planète, et innover« . C’est ainsi que, depuis 2015, les fonderies sont dotées de leur propre service de recherche et développement, dans lequel sont injectés 7 % du chiffre d’affaires. Le barreau PilHot présenté au salon du Fabriqué en France à l’Élysée y est né : c’est un élément de construction des chaudières biomasses qui chauffent de petites villes, universités, centres hospitaliers…
Pour faire face à la fabrication des mêmes pièces à moindre coût en Turquie et en Asie, celles qui sortent de Sougland sont devenues, à force de recherches, plus résistantes, se corrodent moins vite, il faut donc les changer moins souvent. Cela réduit différemment leur prix. Elles redeviennent concurrentielles.
De fonderies de plus en plus reconnues
Les fonderies de Sougland présentes à l’Élysée : « Une reconnaissance d’autant plus importante, pour Yves Noirot, que ce qui est présenté n’est pas un objet grand public, mais industriel, cela contribue à l’élan nécessaire d’une réindustrialisation du pays« .
Moins visible, mais tout aussi important, l’intégration fin juin au plan de relance du nucléaire (baptisé « accélérateur nucléaire »), un ensemble de 30 entreprises hexagonales sélectionnées par la BPI, la banque publique d’investissement pour participer notamment à la construction des EPR (réacteurs nucléaires à eau pressurisée), et contribuer à la souveraineté énergétique et militaire.
« Sans la moindre publicité, nous sommes approchés chaque année par 100 nouveaux clients potentiels, et 20 % à 30 % passent commande. Il y a peut-être quelque chose de spécial dans l’air, ici, à Saint-Michel, ou une certaine capacité à voir l’avenir » dit en souriant l’entreprene