Vallée de la Blaise, le creuset de la fonderie française
La Haute-Marne est l’un des berceaux de la métallurgie. Depuis le XIIe siècle, hauts-fourneaux et forges ont façonné le paysage et les hommes. Au-delà de quelques entreprises toujours en activité, la commune de Dommartin-le-Franc abrite Metallurgic Park et le Conservatoire des arts de la métallurgie. Deux lieux d’interprétation et de mémoire dans cette vallée réputée pour ce « lourd » savoir-faire.
Des forges dans la Marne dès le XIIe siècle
Au départ, il y avait du fer. Des gisements à faible profondeur, facilement exploitables. C’est ainsi qu’autour de Saint-Dizier sont nés les premiers hauts-fourneaux et forges. L’atelier originel a vu le jour à Wassy, dans la vallée de la Blaise. Ce cours d’eau divague du nord-ouest de Chaumont jusqu’en périphérie de Saint-Dizier, où il se jette dans la Marne. Là, en 1157, les moines de Clairvaux coulent les premières fontes, produits de la fusion du fer. En 1264, c’est au tour de Dommartin-le-Franc, plus au sud. Les villages de Brousseval, Montreuil-sur-Blaise, Doulevant-le-Château, Sommevoire… se développent eux aussi autour des hauts-fourneaux. Les forêts alentour fournissent le bois pour alimenter les fours ; l’eau de la Blaise sert à les actionner grâce à la force hydraulique.
Prospère vallée de la Blaise
L’activité devient majeure au fil des siècles et dans les années 1850, en pleine révolution industrielle, la Haute-Marne produit 2 000 tonnes de fer et compte 85 hauts-fourneaux, selon l’association pour la Sauvegarde du patrimoine métallurgique (ASPM). C’est à cette période que les fonderies locales atteignent l’apogée de leur notoriété. Alors que les bassins lorrains s’orientent vers une production plus industrielle, des ateliers locaux se spécialisent dans la fabrication de pièces décoratives. Ils fondent des œuvres qui appartiennent toujours au paysage urbain de nos grandes villes. Les fontaines Wallace, les entrées « Guimard » du métro parisien, les chevaux ailés du pont Alexandre III et même des éléments de la statue de la Liberté, à New York, ont été fondus dans la région. On en trouve dans plusieurs villes de France (Bordeaux…) et même dans 70 pays à travers le monde ! Selon l’ASPM, la ville de Rio de Janeiro recenserait ainsi près de 200 fontes d’art et monuments fabriqués en Haute-Marne. Des conventions de partenariat ont même été signées entre le territoire et la métropole brésilienne pour l’accompagner dans un inventaire complet de ces pièces.
Une activité qui se fait rare au XXIe siècle
Après 1925, l’activité régresse. Les mines locales de fer ferment. Assoupie, la vallée de la Blaise ne compte plus désormais que deux fonderies, l’une à Sommevoire, l’autre à Brousseval. Mais si l’on intègre les six autres ateliers encore ouverts au nord de Saint-Dizier, environ 2 000 personnes travailleraient toujours dans ce secteur en Haute-Marne. Et même 8 000, si l’on compte les activités dérivées : les forges (de nos jours concentrées autour de Chaumont), la coutellerie et les instruments chirurgicaux (à Nogent et à Langres).
Parcours muséal immersif à Dommartin-le-Franc
En revanche, la mémoire est entretenue. Et pour y plonger, il faut se rendre à Dommartin-le-Franc. Dans les anciens bâtiments industriels de la « fonderie du haut », l’ASPM a créé Metallurgic Park, un parcours muséal immersif dans l’univers d’un haut-fourneau. La visite emmène ainsi dans différents espaces, la halle à charbon, la tournerie-maréchalerie… avant de découvrir à l’écran la vie ouvrière des fondeurs et d’assister à une coulée virtuelle « son et lumière » devant le haut-fourneau. On apprend entre autres ce qu’est une soufflerie à air chaud, un four Wilkinson de deuxième fusion, une gueuse – qui servait à fabriquer des barreaux et de la tôle -, l’affinage… On est renseigné sur l’organisation passée des fonderies, qui avaient un propriétaire-notable à leur tête et un « directeur d’usine », le fameux maître de forges. On y obtient confirmation que les familles de fondeurs, communauté soudée par le dur labeur du haut-fourneau, se mariaient entre elles. Mais au fait, pourquoi un tel engouement pour la fonte, jadis et encore de nos jours ? « C’est une matière qui possède une plasticité et une fluidité extraordinaire, en plus d’avoir un excellent rapport qualité-prix », synthétise Élisabeth Robert-Dehault. La présidente de l’ASPM sait de quoi elle parle. Fille, petite-fille et arrière-petite-fille de fondeurs, elle a eu d’autres aïeux maîtres de forges et a été l’épouse d’un industriel… de la fonderie.
Infos pratiques – Metallurgic Park
13, rue du Maréchal-Leclerc, 52110 Dommartin-le-Franc. Tél. : 03 25 04 07 07.
Centre d’interprétation sur les secrets de la fonte, dans un ancien site industriel du XIXe siècle. Spectacle « bruits et lumières » et vidéos immersives.
Visite du Conservatoire des arts de la métallurgie
Native de la vallée, l’ancienne maire de Saint-Dizier nous entraîne dans le second site mémoriel de Dommartin-le-Franc, le plus émouvant : la « fonderie du bas ». Plus ancienne que celle du haut, elle date du XIIIe siècle mais a été reconstruite en 1773. Équipée également d’un haut-fourneau, son activité s’est poursuivie jusqu’en 1992, année de son dépôt de bilan. « On ne pouvait pas laisser mourir un tel passé comme cela », dit Élisabeth Robert-Dehault, ardente défenseuse du patrimoine industriel local. La fonderie est donc devenue le Conservatoire des arts de la métallurgie. Et sa visite plonge dans un monde qu’on pourrait croire encore vivant… Un univers d’usine, avec de la poussière et du sable noir au sol, résidus d’anciennes coulées de fonte qui chauffaient il n’y a pas si longtemps encore les murs de l’atelier.
Trois salles pour comprendre l’art de la forge
Visite du Conservatoire des arts de la métallurgieLa première salle est captivante. Consacrée aux arts du feu, elle réunit un nombre incalculable de cuisinières, poêles, plaques et façades de cheminées en fonte, autant de souvenirs d’équipements vus dans les maisons de nos grands-parents… La seconde salle présente tout l’arsenal de machines et d’outillage qui était jadis nécessaire aux fondeurs et aux forgeurs pour travailler. « Les rares femmes qui opéraient dans ce milieu étaient noyauteuses ou émailleuses », éclaire la présidente de l’ASPM. La troisième salle, enfin, porte un nom peu commun : le Paradis ! Les ouvriers appelaient ainsi cette halle regorgeant de modèles en plâtre, statues, bestiaire, éléments décoratifs de monuments… Leur utilité était cruciale, ils permettaient de couler ensuite les statues en fonte. On a là sous les yeux l’une des plus étonnantes collections d’œuvres qui rappelle combien, durant plusieurs siècles, la vallée de la Blaise a su marier art et industrie.
Infos pratiques
Conservatoire des arts de la métallurgie. Même adresse que le Metallurgic Park.
Présentation d’objets d’arts du feu, de machines et de modèles en plâtre. Ouvert de juin à nov. du mardi au dimanche durant les vacances scolaires, de 14 h 30 à 18 h 30 et du vendredi au dimanche hors vacances, de 14 h 30 à 18 h 30.
Vos questions les plus fréquentes
Où trouver des informations sur les sites de la vallée de la Blaise?
Tourisme en Haute-Marne tourisme-hautemarne.com
Office de tourisme de Saint-Dizier, Der et Blaise. 4, avenue de Belle-Forêt-sur-Marne, 52100 Saint-Dizier.
Tél. : 03 25 05 31 84. lacduder.com
Où dormir et manger en vallée de la Blaise?
Château du Clos Mortier. Rue des Loyes, 52100 Saint-Dizier. Tél. : 03 25 05 00 63 / 06 84 83 73 77.
chateauduclosmortier.com
Dans une ancienne maison de maîtres de forges, trois chambres au classicisme travaillé, une chambre plus contemporaine et une chambre d’enfant.
À partir de 90 € la nuit, petit déjeuner inclus.
Mais quelle richesse de notre patrimoine ! Incroyable de découvrir ce genre de pépite, merci pour cet article