A chaque quinzaine, en bon père de famille, Victor donnait tout l’argent à Léona. Non pas qu’il ne savait point compter ou qu’il dépensait sans mesure, mais il préférait cette gestion matrimoniale du foyer. Et puis chaque semaine il avait son « dimanche » sur le coin du buffet, sous sa blague à tabac. C’était dans leurs conventions et il ne disait pas merci, c’était son argent il l’avait gagné. Juste un hochement de têteà l’intention de sa compagne pour lui montrer que la transaction était effectuée. La plupart du temps il descendait aussitôt à la cave et cachait « ses sous » dans son panier de pêche. Une boîte métallique ronde lui servait de cagnotte. Il y rangeait ses hameçons pour la pêche au brochet. Et puis, cette fois, cela tombait bien, il lui fallait un nouveau moulinet. Il en avait bien un que René, le mari de sa soeur, lui avait donné mais, lorsque le poisson « filait », cela se soldait toujours par des « touillasses » de fil et il avait loupé plusieurs beaux spécimens « qui devait bien mesurer… dans les… approximativement… » disait-il en écartant ses mains : « comme ça ! », plus de 80 cm les bons jours, et entre 40 et 50 lorsque cela n’avait pas d’importance pour sa renommée de « fin » pêcheur. Le bazar près de l’usine serait encore ouvert, il finissait à 18 h et c’était justement la foire mensuelle, peut-être que Gaston lui ferait un prix ? Nanti de son écot, il partit travailler l’esprit encombré par l’imminence de son prochain investissement. A ce qu’on lui avait dit, il en existait maintenant avec un frein, et même des roulements à billes ! « Ah vraiment l’industrie française n’est pas prête d’être détrônée dans ce domaine ! Dommage que Godin n’en fabrique pas ! » Trois minutes après que le « cornet » de l’usine eut sonné, Victor était déjà presque devant le magasin. Mais, une silhouette connue attirât son regard : « Ah ben ça par exemple ! Marceau ! ». Marceau, son alter ego, de Saint-Quentin, Marceau ! La caserne du 87e à Saint-Quentin. Marceau rempailleur de chaises devenu camelot, photographe des rues ! Venu de si loin par la Micheline et qui commençait déjà à remballer son barda. Juste à côté du petit bazar l’estaminet de « Bébert » offrait une déviation propice qu’ils empruntèrent et d’un pas alerte. Mais… la sortie fut plus délicate, voire même laborieuse. Avec l’âge, et peu habitués aux libations, les deux compères « avaient bien chaud aux étiquettes » et une démarche chaloupée un peu hésitante. La séparation fut encore plus chaleureuse que les retrouvailles, d’ailleurs, beaucoup plus chaleureuse que l’accueil qui attendait Victor au foyer ! Après une séance de remise à l’heure des pendules, de morale républicaine revisitée par les bonnes paroles de Belle-maman : « Nom de d’là ! Si c’est pas malheureux de se mettre dans des état pareils ! » Ce serait la soupe à la grimace et l’extinction des feux prématurée ! A peine 30 minutes s’étaient écoulées que l’on frappe à la porte. C’était Marceau : « J’ai loupé l’train, tu peux pas m’héberger ?
Histoire du Bébert de la fonderie
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Toute ressemblance avec un Bébert de la Fonderie actuel est tout-à-fait fortuite, et n’engage en rien la responsabilité de « La voix du Nord », et à fortiori celle de fonderie-piwi.
Dans mon tout premier djob, le Chef d’atelier fonderie qui avait commencé très jeune à tasser du sable, à fondre de l’acier au four « Mazière »,… un certain « Biscaille », vrai nivernais, avait quitté l’entreprise à un âge de jeune adulte mûr et marié pour reprendre un des bistrots juste à la sortie de l’usine.
Il est vrai que cela « payait » plus que la fonderie d’autant qu’il avait une clientèle assurée par ses anciens collègues ! Il avait adopté un sage principe qui était de toujours accepter à boire, pour ne pas vexer (de plus cela augmentait la recette !) tout en restant très sobre ; il faisait semblant de déguster son verre pour en final le jeter discrètement dans la bonde de derrière le comptoir !
Peu après la naissance de sa première fille (je situe cela vers les années 48/50 car il n’a jamais voulu me la présenter, moi qui à peine plus âgé qu’elle, aurait pu m’y intéresser de près, voire même de très près ; j’étais célibataire à l’époque !), estimant qu’élever un enfant dans une ambiance de bistrot ne permettait pas une bonne éducation, il a réussi à se faire réembaucher par son patron ; il faut dire qu’il faisait partie des très bons, d’ailleurs il prit très vite des responsabilités importantes.
Je n’ai pas pris modèle, je suis allé travailler dans une autre fonderie qui m’offrait plus d’avenir…
Voilà un intéressant débat… Quelle fonderie, quelle entreprise offre réellement un avenir, surtout aujourd’hui ? Que de belles promesses récoltons nous au fil de notre carrière ! N’est-ce pas nous qui créons chaque jour notre avenir par notre expérience, nos succès, nos échecs et les paris que nous aurons tentés ? Ne faut-il pas parfois même accepter de mettre en péril notre équilibre familial pour progresser ? Quel avenir a-t-on lorsque l’on se contente de subir, de se laisser balloter au fil des évènements ?
À titre d’exemple, qu’est devenue aujourd’hui cette fonderie qui promettait tant ?
L’entreprise à Fourchambault existe toujours mais la partie d’usine qu’elle avait reprise à l’Arsenal forges et fonderies de la Marine Nationale à Guérigny est je crois arrêtée depuis un certain nombre d’années, là où j’ai beaucoup contribué à la coulée de la couronne dentée de 6,220 m de diamètre primitif et de son énorme réducteur « bogiflex » accroché qui orientent l’antenne radar à Ploemer-Baudou mise en route spécialement pour retransmettre les jeux olympiques de Münich en 1974 !