La fonderie et Piwi

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Par : Nicolas
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samedi 01 Août, 2020
Catégorie : Wiki fonderie

Fondeurs de bronze : hier comme aujourd’hui, l’antre de Vulcain

La Dépêche –

Deux fois par mois à Blan, dans le Tarn, la Fonderie de bronze du Lauragais coule les sculptures d’artistes ou des reproductions

L’instant de la coulée est un moment toujours délicat, le bronze sortant du creuset à 1 200 °C.

Dans le creuset le bronze passe du rouge à l’or liquide.

Reflets de volcan en éruption sur la carapace argentée protégeant le fondeur penché sur ce moderne chaudron de vulcain….
L’atelier tarnais de 2020 s’efface soudain tandis que semble resurgir de la pénombre une antique liturgie : »Le bronze est maintenant à 1 200 °C, je vais ouvrir le four à 800° ou sont les moules en céramique et les sortir un à un.
Stéphane les dépose sur l’emplacement de la coulée, Frédéric et Abdel versent l’alliage dans les moules, Jérôme les évacue » résume Nicolas Parc, le patron , extrêmement concentré,

Dehors ? c’est la canicule de fin juillet.

Dedans ? le brasier – une demie- heure d’enfer commence comme s’engage un véritable corps à corps avec les lourdes céramiques brûlantes et la matiere en fusion.Nicolas plonge dans la fournaise, une, deux, trois, quatre, cinq fois tandis que du creuset le bronze coule dans le godet de Frédérique er Abdel.

Maintenant près de 80 kg à bout de bras, ils versent de futurs bustes chevaux et morceaux d’éléphant.
morceaux d’éléphant.
via média 7
« Nous coulons environ 30 pièces par mois, 350 à 400 pièces par an », calcule Nicolas. Traits tirés par l’intense effort, ruisselant, attaquant son premier litre d’eau la coulée finie… la fatigue l’abat sur une chaise. Mais le bronze… « C’est une histoire de passion », résume chacun, dans la fonderie, cinq salariés en tout.

Depuis près de 5 000 ans en Europe, l’homme travaille cet alliage de cuivre et d’étain, l’airain des poètes. Avec, il a armé et cuirassé les guerriers d’Homère et fait naître la première épopée d’Occident. Avec, Héphaïstos, dieu du feu en personne, a forgé la panoplie d’Achille, Vulcain, son double latin, martelant sous l’Etna. Avec, l’artiste de la Grèce classique, enfin, a même saisi Zeus lançant la foudre… « Et il fascine toujours. La coulée reste un moment hypnotique dont nous-mêmes devons nous méfier en restant très attentifs. Du bronze qui fuse au sol, c’est très dangereux. Le passage par le four du moule permet, lui, d’éliminer toute trace d’eau : la rencontre avec le métal en fusion serait explosive, cela réduit aussi le choc thermique », explique Nicolas.

Ancien ingénieur, il a repris la fonderie en 2014 et le planning des commandes affiché au bureau dissipe maintenant l’Iliade Mais ses « 4 chevaux, 1 crocodile, 3 ours, 1 Paul Riquet, 1 galop d’or, 1 jockey sprint, 1 spahi… » rouvrent alors un nouveau voyage dans le temps, du XIXe siècle au contemporain.

Voir son œuvre immortalisée dans le bronze reste un couronnement pour le sculpteur. Elle défiera le temps. Mais la voir multipliée dans les salons, c’était aussi la fortune assurée au XIXe, au XXe… pour des reproductions que le XXIe apprécie toujours, témoin la principale activité de la fonderie. Chevaux, cavaliers, chiens d’arrêt, scènes de chasse… « le maillot jaune est la famille de bécasses d’Alfred Dubucand », précise Nicolas, les chevaux de Mêne et les animaux de Barye ayant toujours du succès, aussi.

2 650 € la copie des oiseaux, 2 960 € celle du sanglier pris par quatre chiens : l’occasion alors de prendre un cours.

Le « bronze original » ? Ce sont douze exemplaires numérotés faits à partir du maître modèle de l’artiste. Cher en général. Les « reproductions » ? Elles seront coulées « à partir d’un modèle ancien qui n’est pas le maître modèle ». Abordable. Tandis que l’important est ailleurs, sans doute. Dans les transparences sous la patine, les ombres travaillées pour encore mieux révéler le modelé, les reflets exprimant le fond sous la forme, l’émotion.

Arche abstraite, hiératique buste de femme par des artistes contemporains… Le bronze, c’est trois millimètres d’épaisseur, mais pour quelle profondeur, parfois : le secret aussi de la technique à « cire perdue », depuis déjà quelques millénaires, ce « négatif » obtenu par les modeleurs et mouleurs.

La gangue d’où sort un « brut de fonte » que Frédéric cisèle en joaillier révélant le bijou derrière les imperfections, « en restant conforme à la volonté de l’artiste. » Musicien respectueux de la partition, chirurgien pour la précision, lui-même artiste s’effaçant devant l’œuvre d’autrui, il enlève, comble, reconstitue « jusqu’au grain de peau » et remet « du caractère, de la nervosité dans la pièce », ensuite patinée par Marie, pour achever sa mise en valeur.

Dans un atelier voisin, Charlotte, 20 ans, achève, elle, sa formation. Elle appartient à l’ultime promotion « fonderie » en BTS au lycée Jean-Dupuy de Tarbes. Mais… « Faute d’effectifs, la formation s’arrête », explique-t-elle… La pérennité des savoir-faire : toute la question pour la Fonderie, pourtant classée « entreprise du patrimoine vivant ». Attendant modestement son tour, le buste de De Gaulle qui vient d’arriver y réfléchit…

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