En contre point de l’article tirés des échos publié sur ce blog concernant l’Etude Deloitte sur l’hydrogène
Article de Jean-Marc Jancovici tiré de son compte linkedin ici reproduit
Deloitte publie un rapport sur « l’hydrogène vert » (disponible là : Etude Deloitte ), qui est repris par Les Echos avec un titre très emphatique. Exit le pétrole, voici l’hydrogène vert !
Rappelons que cet hydrogène vert (car il en existe d’à peu près toutes les couleurs !) est celui produit par électrolyse à partir de sources électriques renouvelables. Le travail de Deloitte évoque une production de 600 millions de tonnes d’H2 vert en 2050.
La production mondiale actuelle, issue des combustibles fossiles et donc pas très verte, est d’environ 100 millions de tonnes : Etude Deloitte Il faudrait donc sextupler cela en 27 ans, soit 7% de croissance par an : ce seul chiffre n’est pas trop effrayant.
Le contenu énergétique de l’hydrogène est de 33 kWh par kg. 600 millions de tonnes d’H2 ont donc un contenu énergétique de 20.000 TWh (1 TWh = 1.000.000.000 kWh). C’est le contenu énergétique de 40% de la production mondiale actuelle de pétrole, ou 50% de celle de gaz. Là ça semble déjà plus impressionnant !
Le rendement de l’électrolyse est d’environ 70%. Pour produire ces 600 millions de tonnes d’H2 il faut donc environ 28.000 TWh d’électricité, soit… la totalité de la production électrique mondiale actuelle, ou environ 3,5 fois la production ENR actuelle en incluant l’hydro (et bien évidemment si on prend cette électricité pour faire de l’hydrogène, elle n’est plus disponible pour ses usages actuels).
La production électrique a certes un peu plus que doublé sur les 27 dernières années. Mais…. cela s’est surtout fait avec du charbon et du gaz !
Parlons argent : le rapport évoque un marché de 280 milliards de dollars pour les exportateurs de cet hydrogène vert. Au vu du contenu énergétique évoqué ci-dessus (40% de celui du pétrole, ou la moitié de celui du gaz mondial), ca semble peu. Accessoirement se risquer à évoquer un prix à la tonne dans 27 ans me paraît un poil osé.
Si l’on se limite à parler coût de revient, il faut alors « prévoir » le coût futur des dispositifs solaires et éoliens qui seront mobilisés. Or, les coûts actuels de production de ces dispositifs sont obtenus dans un monde où l’industrie est extraordinairement productive grâce aux combustibles fossiles (la « productivité du travail » a par exemple été multipliée par un facteur 30 depuis 1830 en France : https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1998_num_53_4_6943 ), et les transports très faciles grâce au pétrole.
Que restera-t-il de cette « productivité » dans un monde dépourvu de combustibles fossiles, ce qui est l’hypothèse implicite légitimant de produire de l’hydrogène « vert » ?
Autre question : pourquoi les pays d’Afrique du Nord ou d’Amérique du Sud affecteraient en priorité leurs ENR à fournir en H2 des européens ou des asiatiques ne souhaitant pas devenir sobres, plutôt qu’à leur propre décarbonation ?
Deloitte évoque 3 points de vigilance pour les pouvoirs publics. Il me semble qu’il manque le principal : faire quelques règles de trois et se poser quelques questions avant de prendre nos paris !