Article EST REPUBLICAIN du 23/6/2023
Chômage partiel massif à Saint-Gobain PAM : le directeur général appelle l’État à « investir plus sur l’eau »
Jérôme Lionet, ce mercredi, vous avez décidé de lancer le processus de déclenchement de l’activité partielle à Saint-Gobain PAM. Quasiment l’intégralité des 1 800 salariés, presque tous en Lorraine, sera impactée à partir de la fin de l’été. Pourquoi cette décision alors que vous aviez connu une forte croissance en 2022 ?
« Je comprends l’inquiétude que cette décision peut générer chez les salariés. Après un dialogue de bonne qualité avec les organisations syndicales, on a enclenché ce processus car on est dans un changement de conjoncture brutal. Inflation générale, matières premières, fer et coke pour nous notamment, dont le coût a triplé ou quadruplé, prix de l’énergie multiplié par dix, et des projets plus difficiles à financer par nos clients. Au bout de la chaîne, c’est une baisse temporaire des commandes pour nous. »
Qui a arrêté de passer commandes ?
« C’est un peu tout le monde. Sachant que, sur une année « classique », nos commandes proviennent à 50 % du marché français, 35 % de l’Europe, 15 % du grand export, l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud-Est notamment. Nos commandes ont été divisées par deux en quelques mois. En France, la baisse est très significative. Avec l’Italie, par exemple, ça marche toujours très bien. »
Pourquoi l’Italie et pas la France ?
« En Italie, il y a une prise de conscience forte de l’importance de l’eau, notamment pour résoudre les problèmes de fuite. »
Pourtant, Emmanuel Macron a annoncé un plan Eau en avril…
« Ce plan est complètement sous-dimensionné par rapport à l’enjeu de l’eau en France. L’État et les collectivités investissent moins vite dans les réseaux d’eau que n’avance l’usure de ces réseaux. L’eau est aujourd’hui une ressource rare, il faut en prendre conscience. C’est donc grave si un milliard de mètres cubes se perd, comme c’était le cas l’année dernière en France. La qualité des réseaux se dégrade, il faut y réinvestir massivement en France. »
Pour sortir de cette crise de la production que vous annoncez temporaire, c’est donc l’État français qui détient la clé ?
« Je ne suis pas inquiet, pour moi, le problème est conjoncturel. La demande en adduction d’eau est là. Le marché est là. Mais je lance un message : les collectivités ont besoin de nous, de nos systèmes pour rénover leurs réseaux. C’est à l’État de faire en sorte de débloquer les mécanismes qui vont permettre aux collectivités de pouvoir réaliser leurs projets. J’espère que la prise de conscience du gouvernement sera rapide. »
Saint-Gobain PAM et le défi environnemental
« On a une histoire, mais on sait qu’on a des enjeux sur le modèle de production. Sur l’eau et sur les émissions de CO 2. Sur les huit dernières années, on a déjà réduit de 75 % notre prise d’eau. On prenait sur une année 25 millions de litres d’eau dans le canal, on ne prend plus que 5 millions. On a prévu dans les trois prochaines années de réduire encore de moitié. Évidemment, on a aussi des problématiques d’émissions. On fait partie des 50 plus grands sites français en termes d’émissions. On travaille avec le gouvernement sur une feuille de route, pour comment faire évoluer notre outil de production. On sait qu’il faudra le faire. Sachant qu’on a déjà fait installer un four électrique à Pont-à-Mousson, c’est une première étape. Et un deuxième va être installé bientôt à l’usine de Foug. »