Le groupe dirigé par Carlos Tavares va investir 1,5 milliard d’euros pour l’acquisition de 21 % de la start-up chinoise spécialisée dans les voitures électriques. Une coentreprise contrôlée par Stellantis est créée à l’international.
LES ECHOS – Frédéric Schaeffer (Correspondant à Shanghai)
Oublié (ou presque) le vieux partenaire d’Etat imposé il y a trente ans pour pénétrer le marché chinois. Place désormais à la jeune pousse technologique, agile et ambitieuse, spécialisée dans l’électrique. Stellantis, qui se désengage de l’alliance historique de l’ex-PSA avec DongFeng , a annoncé, ce jeudi, un partenariat avec Leapmotor, une start-up chinoise de l’automobile située à Hangzhou, la ville d’Alibaba.
Le groupe dirigé par Carlos Tavares va investir près de 1,5 milliard d’euros pour l’acquisition d’environ 21 % du capital du constructeur chinois, ce qui en fera l’un de ses principaux actionnaires, avec deux sièges au conseil d’administration.
L’accord porte aussi sur la création d’une coentreprise « Leapmotor International », qui sera détenue à 51 % par Stellantis et qui « détiendra les droits exclusifs de fabrication, exportation et ventes de produits Leapmotor en dehors de Chine ».
Double objectif
« Ce partenariat a un double objectif : d’une part, stimuler davantage les ventes de Leapmotor en Chine, le plus important marché mondial, et, d’autre part, utiliser la présence commerciale internationale de Stellantis pour accélérer de manière significative les ventes de la marque Leapmotor dans d’autres régions, en commençant par l’Europe », indiquent les groupes.
Quasiment absent de Chine avec moins de 1 % de part de marché, Stellantis était depuis plusieurs mois à la recherche d’un nouveau partenaire chinois compétent dans l’électrique et les services connectés. « Leapmotor est une entreprise très orientée sur les technologies mais également très enracinée dans l’automobile », a souligné Carlos Tavares lors d’une conférence de presse à Hangzhou. Et de souligner la « bonne gestion des finances de l’entreprise », son « agilité » et sa « forte volonté de se développer de manière profitable dans le monde entier ».
Atteindre la taille critique
Créée en 2015 par Zhu Jiangming, Leapmotor est exclusivement concentrée sur les véhicules électriques, un secteur représentant désormais plus d’un quart des ventes de voitures en Chine. Avec près de 15.000 véhicules par mois au cours du dernier trimestre, le constructeur est un petit acteur, loin derrière les Tesla, BYD ou d’autres start-up comme Nio, XPeng ou Li Auto.
Dans un contexte de concurrence sanglante, Leapmotor brûle encore beaucoup de cash : la société a perdu l’an dernier 5,1 milliards de yuans (647 millions d’euros), pour un chiffre d’affaires de 12.385 milliards de yuans (1,6 milliard d’euros), en hausse de près de 300 %. Lors de son introduction à la Bourse de Hong Kong en septembre 2022, Leapmotor n’était parvenu à lever que 803 millions de dollars sur le 1,03 milliard initialement attendus. En chute de plus de 9 % ce jeudi en séance, l’action se négociait en dessous de son prix d’introduction.
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Sortir de Chine et atteindre la taille critique est une question de survie pour Leapmotor, avait fait valoir Zhu Jiangming lors du dernier salon automobile de Munich. « Pour survivre, nous devons réaliser au moins 500.000 à 1 million d’unités de ventes annuelles à l’échelle mondiale », avait confié le PDG interrogé par Reuters.
Le marché chinois des véhicules électriques fait face à une compétition féroce, suite au lancement d’une guerre des prix par Tesla l’année dernière. Beaucoup de constructeurs voient leurs ventes décliner, et se retrouvent en situation de surcapacités, renforçant ainsi leur intérêt pour l’international et ouvrant la porte à une large consolidation du secteur. La start-up Byton a déposé le bilan en juillet et WM Motor vient d’en faire autant à Shanghai.
Profitant du salon de Munich pour présenter un nouveau SUV, Leapmotor doit encore largement concrétiser son offensive en Europe. Cela sera l’un des objectifs de la co-entreprise, qui s’est fixée pour objectif la vente de 500.000 unités d’ici à 2030.
« Besoin d’être plus présent sur le marché chinois »
Inversement, « Stellantis a besoin d’être plus présent sur le marché chinois », a indiqué Carlos Tavares. Le constructeur détricote progressivement ses liens avec ses partenaires historiques dans l’ex-Empire du milieu. DongFeng, réduit progressivement sa participation au capital du groupe occidental et la coentreprise DPCA ressemble de plus en plus à une coquille vide. Stellantis ne veut plus d’usines en Chine et a vendu les trois derniers sites de la JV à Dongfeng la semaine dernière. La coentreprise avec GAC , lancée en 2010 pour développer Jeep en Chine, a, elle, été liquidée en fin d’année dernière.
Si Stellantis préfère à nouveau s’appuyer sur un partenaire chinois, le groupe veut croire que les choses seront très différentes du passé. « Dans nos précédents partenariats, Stellantis ne promouvait pas le développement des marques chinoises à l’étranger. Si nous développons Leapmotor à l’étranger, cela renforce la compétitivité de l’entreprise sur le marché chinois », a expliqué Carlos Tavares.
Ce partenariat témoigne de l’avancée technologique des constructeurs chinois dans les véhicules à énergie nouvelle mais aussi des difficultés croissantes des acteurs étrangers présents en Chine. Les constructeurs européens multiplient les partenariats, à l’image de Volkswagen, qui a annoncé cet été un investissement de 700 millions de dollars dans Xpeng, une autre start-up du secteur de la voiture électrique .