La fonderie et Piwi

MENU
Par : piwi
107
0
jeudi 08 Mai, 2025
Catégorie : Economie

Armement : les ambitions sans limite du géant Rheinmetall

Armement : les ambitions sans limite du géant Rheinmetall

A la suite de la guerre en Ukraine, Rheinmetall est devenu le plus gros fabricant d’obus de l’Occident. Le groupe investit massivement en Europe et prévoit de doubler son chiffre d’affaires d’ici 2027.

Maintenance d'un char Leopard 2A4 dans l'usine Rheinmetall d'Unterlüss, en Basse-Saxe.
Maintenance d’un char Leopard 2A4 dans l’usine Rheinmetall d’Unterlüss, en Basse-Saxe. (Axel Heimken/AFP)

Par Emmanuel Grasland   Publié le 7 mai 2025

Certains jours, les tirs s’enchaînent toutes les cinq à dix minutes. Le haut-parleur égrène le compte à rebours. Puis il y a le bruit sourd de la détonation, qui résonne pendant une dizaine de secondes. C’est à Unterlüss, à une centaine de kilomètres au sud de Hambourg, que se trouve le plus grand champ de tir privé d’Europe. Un espace de quinze kilomètres de long sur trois kilomètres de large, où le géant allemand Rheinmetall teste ses obus et ses pièces d’artillerie.

Rheinmetall fait partie des entreprises dont l’activité a été massivement transformée par la guerre en Ukraine. Ce fabricant de munitions et de véhicules blindés a vu la demande pour ses produits exploser, alors que l’Europe peine à fournir des obus à Kiev et que Berlin cherche à moderniser une Bundeswehr sous-équipée. En trois ans, le carnet de commandes est passé de 24,5 milliards d’euros à 55 milliards. Le chiffre d’affaires de la société de Düsseldorf a doublé pour atteindre près de 10 milliards d’euros.

Mais ce n’est rien à côté du cours de Bourse. Depuis l’invasion de l’Ukraine, la valorisation de Rheinmetall a été multipliée par 15, dépassant les 60 milliards. L’élection de Donald Trump et le désengagement des Américains en Europe ont accéléré le phénomène. L’action a bondi de plus de 140 % depuis janvier. Rapporté à l’Ebitda, le titre est deux fois plus cher que ceux de Thales ou de Leonardo.

Chiffre d’affaires de 30 milliards en 2030

Il faut dire que Rheinmetall se considère comme le plus gros fabricant de munitions d’artillerie du monde occidental et que ses perspectives de revenus défient l’entendement. Le rival du franco-allemand KNDS prévoit de doubler son chiffre d’affaires d’ici deux ans, à 20 milliards d’euros, et envisage ouvertement les 30 milliards en 2030.

« Une ère de réarmement a commencé en Europe […] Elle nous apporte des perspectives de croissance, comme nous n’en avons encore jamais connu », a expliqué le président du directoire, Armin Papperger, en mars.

Rheinmetall juge même possible de générer 50 milliards d’euros de revenus à l’horizon 2030 si, lors du sommet de l’Otan de juin, l’organisation demande aux pays européens d’investir 3 % de leur produit intérieur brut dans leur défense contre 2 % aujourd’hui.

Des techniciens de Rheinmetall travaillent sur un canon de 120 mm d'un char Leopard.
Des techniciens de Rheinmetall travaillent sur un canon de 120 mm d’un char Leopard.Axel Heimken/AFP

En plein essor, le groupe construit des usines en Roumanie, en Hongrie, en Lituanie et discute de nouvelles installations en Pologne, au Danemark ou en Estonie. Au total, Rheinmetall compte dix usines en train de sortir de terre ou de doubler leur production en Europe. Mais c’est à Unterlüss que le groupe a investi le plus l’an dernier.

Dans ce village de Basse-Saxe de 3.600 habitants, un bâtiment est en train de sortir de terre au bout de la « rue Rheinmetall » : une usine d’obus de 155 mm, d’une capacité de 350.000 pièces par an. Un investissement de 600 millions. « L’objectif est d’augmenter nos capacités de manière à pouvoir produire au moins 1,1 million d’obus par an d’ici à 2027, tout en disposant de réserves de capacités suffisantes », explique un porte-parole. En comparaison, le français Nexter devrait atteindre une capacité de production de 100.000 unités en 2025.

Au coeur du complexe militaro-industriel allemand

L’impact économique va probablement être considérable alors que le groupe est déjà 20 à 25 % moins cher que la concurrence, d’après Morgan Stanley. Les usines de munitions ont des coûts fixes importants, mais elles bénéficient d’un fort effet de levier dès que la production augmente. Chez Rheinmetall, c’est l’activité la plus rentable, avec une marge de 28,4 % en 2024, contre 4,2 % dans l’automobile, 11,2 % dans les blindés et 12,6 % dans les solutions électroniques (systèmes antiaériens, radars…).

A Unterlüss, ce nouveau site de 500 salariés s’ajoutera aux deux usines existantes, dédiées aux munitions et aux blindés. Elles emploient déjà 2.800 personnes. « La société Rheinmetall a toujours été très étroitement liée à Unterlüss. Dès 1899, l’entreprise y a aménagé un champ de tir, qui est l’embryon du site actuel de Rheinmetall », explique Katharina Ebeling, la maire de la commune de Südheide, qui comprend Unterlüss.

Rheinmetall, qui ne nous a pas reçu malgré des demandes réitérées, imprègne le quotidien d’Unterlüss. L’église protestante abrite une croix fabriquée à partir d’une douille d’obus de char Leopard 1 et certaines familles travaillent dans l’entreprise depuis plusieurs générations. La commune, qui a fabriqué des armes durant les deux guerres mondiales, a été bombardée en avril 1945. Près de l’église on peut encore voir un abri antiaérien, où se réfugiait la population. Un camp de travailleurs forcés existait aussi à l’époque.

Il faut dire qu’Unterlüss se situe au coeur du complexe militaro-industriel allemand. Bergen-Hohne, l’un des plus grands terrains d’entraînement de l’Otan en Europe, est à quelques dizaines de kilomètres. Tout comme Munster, la plus grosse base allemande et le siège de son école de blindés, ou la base aérienne de Fassberg. Dans les communes aux alentours, des maisons abritent de grands mats avec des drapeaux allemands, comme aux Etats-Unis.

Projet d’assassinat du Kremlin

Outre-Rhin, l’essor de Rheinmetall, c’est aussi celui de son patron, Armin Papperger. Grande gueule, médiatique, le dirigeant bavarois détonne dans un secteur habitué à raser les murs. « Papperger a souvent énervé le ministère de la Défense avec ses déclarations », raconte un militaire. Lorsque le chancelier Scholz crée un fonds de 100 milliards pour la Bundeswehr en février 2022, il annonce très vite qu’il peut fournir pour une quarantaine de milliards d’équipements, quand les autres s’interrogent sur leurs capacités. Au final, c’est le montant qu’il obtiendra.

Armin Papperger est aussi le premier à évoquer la construction d’usines d’armement en Ukraine. Depuis, le dirigeant de 62 ans a fait l’objet d’un projet d’assassinat du Kremlin et bénéficie d’une protection équivalente à celle d’un chancelier. Sa nourriture est testée. Quand on le rencontre, on ne reste jamais seul, même si l’on va aux toilettes, racontent certains de ses interlocuteurs.

Zone de commentaire !

0 commentaires pour : "Armement : les ambitions sans limite du géant Rheinmetall"

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Dernières publications

𝐀𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐝’𝐡𝐮𝐢, 𝐜’𝐞𝐬𝐭 𝐥𝐚 𝐉𝐨𝐮𝐫𝐧𝐞́𝐞 𝐦𝐨𝐧𝐝𝐢𝐚𝐥𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐚𝐛𝐞𝐢𝐥𝐥𝐞𝐬. 𝐂𝐡𝐞𝐳 𝐅𝐞𝐫𝐫𝐲-𝐂𝐚𝐩𝐢𝐭𝐚𝐢𝐧, 𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐟𝐨𝐧𝐭 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝐝𝐮 𝐪𝐮𝐨𝐭𝐢𝐝𝐢𝐞𝐧.

FERRY-CAPITAIN 🐝 𝐀𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐝’𝐡𝐮𝐢, 𝐜’𝐞𝐬𝐭 𝐥𝐚 𝐉𝐨𝐮𝐫𝐧𝐞́𝐞 𝐦𝐨𝐧𝐝𝐢𝐚𝐥𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐚𝐛𝐞𝐢𝐥𝐥𝐞𝐬. 𝐂𝐡𝐞𝐳 𝐅𝐞𝐫𝐫𝐲-𝐂𝐚𝐩𝐢𝐭𝐚𝐢𝐧, 𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐟𝐨𝐧𝐭 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝐝𝐮 […]

piwi
43
0

Toutes nos catégories

Articles par années

Les partenaire de Piwi