Les Echos –
Alors que la production d’acier représente entre 5 et 7 % des émissions mondiales de CO 2, les industriels européens multiplient les projets pour décarboner leurs procédés industriels très polluants.
Les pistes existent, mais les besoins de financement, et surtout d’énergie verte, sont immenses.
« Acier vert » : les dernières pistes des sidérurgistes
Les géants du secteur travaillent sur plusieurs technologies permettant de produire de l’acier vert, comme l’utilisation de fours électriques ou la réduction directe du minerai de fer avec de l’hydrogène.
La production d’acier par la voie « classique » à base de charbon émet 2 tonnes de CO2 pour 1 tonne d’acier.
Décarboner l’acier est une gageure : il faut pour cela bouleverser un procédé de fabrication utilisé depuis plusieurs millénaires, basé sur l’utilisation du charbon – sans même parler des immenses quantités d’énergie nécessaires.
Relever le défi est pourtant une priorité environnementale, puisque produire une tonne d’acier par la voie « classique » dans un haut fourneau émet entre 1,8 et 2 tonnes de CO2
Cette méthode traditionnelle est aujourd’hui utilisée pour produire 70 % de l’acier mondial, et il convient de faire quelques rappels de chimie pour comprendre la complexité du problème.
De l’énergie partout
L’acier est un alliage métallique à base de fer, auquel est ajouté du carbone en très petite quantité (moins de 2 %). La première étape de sa fabrication est l’obtention de fer quasiment pur : il faut pour cela « réduire » le minerai de fer, c’est-à-dire en extraire l’oxygène. « C’est l’étape la plus complexe à décarboner, car elle nécessite énormément d’énergie ».
« Acier vert » : le défi du siècle de la sidérurgie
ArcelorMittal aligne les milliards pour « verdir » son acier
Dans un haut fourneau, cette réduction est réalisée en chauffant le minerai de fer à près de 1.000 degrés avec du coke (un résidu de charbon brûlé). La réaction chimique ainsi provoquée conduit les molécules d’oxygène à se fixer sur celles du monoxyde de carbone, générant mécaniquement du CO2. Le fer quasiment pur issu de cette réaction devient ensuite de la fonte, qui, chauffée avec de l’oxygène pur dans un convertisseur, donne de l’acier.
Comment réduire les émissions issues de ce procédé ? Les industriels ont déjà travaillé sur l’optimisation de leurs hauts fourneaux, via l’ajout de ferrailles recyclées ou la réutilisation des gaz et de la chaleur induits, par exemple.
Une autre voie consiste à produire de l’acier à partir de ferrailles récupérées, dans des fours électriques. « L’acier a ce grand avantage de pouvoir être recyclé à l’infini sans perdre ses propriétés ».
Recyclage électrique
Assurant déjà 20 % de la production mondiale d’acier (et même 40 % en Europe), les fours électriques n’émettent plus « que » 300 à 700 kg de CO2 par tonne d’acier, en fonction de l’origine de l’électricité utilisée, selon Marcel Genet, fondateur du cabinet Laplace Conseil.
« Cette voie est toutefois limitée, par la quantité de ferraille disponible d’une part, mais surtout par la qualité de l’acier qu’elle permet de produire, car la ferraille récupérée contient toujours des impuretés ». Elle est, de fait, surtout utilisée pour l’acier long.
Réduction directe du minerai de fer
Les efforts des sidérurgistes pour aller plus loin se concentrent donc sur l’opération de réduction du minerai de fer, c’est-à-dire d’extraction de l’oxygène pour obtenir du fer quasiment pur. Ils tentent de réaliser cette réduction non plus dans un haut fourneau, mais via un procédé séparé, pour ensuite fondre l’« éponge de fer » solide obtenue dans des fours électriques.
Certains aciéristes opèrent déjà de telles « réductions directes » (DRI, pour Direct Reduced Iron, dans le jargon du secteur) à l’aide de gaz naturel, notamment aux Etats-Unis ou au Moyen Orient où le gaz est bon marché. ArcelorMittal l’utilise aussi dans une installation à Hambourg, la seule de ce type en Europe.
ArcelorMittal veut produire 600.000 tonnes d’acier « vert » en 2022
Mais l’objectif est bien d’utiliser à terme non pas du gaz naturel mais de l’hydrogène « vert » (lui-même produit par électrolyse grâce à de l’électricité décarbonée). L’oxygène du minerai de fer se combine alors avec l’hydrogène, et la réaction chimique produit non plus du CO2, mais de l’eau (H2O). C’est cette technologie que SSAB a utilisée pour la première fois au monde avec son projet Hybrit en août dernier. Et c’est dans ce domaine que les projets se multiplient aujourd’hui en Europe.
Enfin, d’autres technologies, comme la capture du CO2 ou l’électrolyse, sont aussi à l’étude – sans être réellement matures. « La décarbonation de l’acier utilisera sans doute un mix de toutes ces technologies », indique Faustine Delasalle, directrice du think tank londonien Energy Transitions Commission. La route semble encore longue.