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Par : piwi
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dimanche 02 Fév, 2014
Catégorie : Economie

Sous-traitance à l’international : un modèle à réinventer

Le processus de sous-traitance s’est indéniablement développé dans la dernière décennie, pour s’imposer comme le business model à suivre. Pour réduire les coûts bien évidemment, les salaires dans les pays en développement ou émergents et leurs règlementations très souples de l’emploi permettant une économie salariale évidente, mais aussi pour externaliser les coûts, étant bien évidemment plus avantageux de dépendre d’entreprises extérieures qui assurent elles-même le maintien des effectifs. A ces économies, rajoutons aussi les économies en matière de maintien des stocks pour accompagner un processus de just in time et de stocks zéro promus par les plus grands groupes. Même les entreprises de haute technologie et d’informatique telles qu’Apple et Motorola ont succombé à ce modèle, et sous-traitent l’ensemble de leur production, même à plus haute valeur ajoutée, dans les pays asiatiques. Pourtant ce modèle s’essouffle. Pour trois raisons principales.
Un espace de non responsabilité


Tout d’abord car, comme l’a démontré la tragédie de l’écroulement de l’immeuble du Rana Plaza au Bangladesh en avril 2013 et ses plus de 1.100 victimes, il est devenu très difficile, le long d’une chaîne de production qui inclut de plus en plus d’acteurs, de cerner les responsabilités respectives. Bien au contraire, a émergé une tendance claire à mettre la responsabilité sur les autres. Ainsi, dès qu’un problème surgit, les grands groupes rejettent la faute sur leurs sous-traitants qui leur auraient dissimulé les véritables conditions de travail, les producteurs locaux blâment les pouvoirs publics et leurs mesures d’inspection inadéquates, alors que les syndicats et représentants des salariés sont souvent totalement exclus de cette chaîne de fournisseurs. Les ONG ne jouent pas toujours leur rôle de prévention des risques mais se cantonnent souvent à un rôle d’accusateurs une fois le drame survenu. La vérité est qu’un espace béant de non-responsabilité s’est développé parallèlement à la croissance des chaînes de production. Le corollaire en est une dégradation des conditions de travail et environnementales.
« 66 % des sous-traitants asiatiques des g… ne rémunèrent pas les heures supplémentaires aux taux légaux, avec aussi une moyenne d’heures hebdomadaires du travail entre 70 et 80 heures. »
• Daniel Vaughan-Whitehead, citant un audit effectué en 2012
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon un audit effectué en 2012 au sein des pays asiatiques, 52 % des sous-traitants des grands groupes utilisent une double comptabilité sociale pour échapper aux audits. 20 % ne respectent pas le paiement du salaire minimum local, et 66 % ne rémunèrent pas les heures supplémentaires aux taux légaux, avec aussi une moyenne d’heures hebdomadaires du travail entre 70 et 80 heures, soit bien au-dessus du maximum autorisé. Plus de 60 % de ces sous-traitants n’ont pas de représentants syndicaux ou de comités d’entreprises. Autant d’abus que l’on peut retrouver aussi sur le volet environnement. Ce constat a conduit l’Organisation Internationale du Travail à sélectionner « le travail décent dans la supply chain » dans ses prochaines discussions.
Un risque grandissant de perte de réputation
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Dans un monde de communication instantanée, les risques associés à ce modèle de sous-traitance sont de plus en plus élevés pour les marques. Il aura fallu plus de dix ans à Nike pour se remettre des cas de travail d’enfants relevés chez ses sous-traitants dans les années 90. Suite à cet incident le géant américain avait investi massivement dans la responsabilité sociale des entreprises. Il faudra aussi quelque temps à des groupes comme Benetton pour redorer leur réputation après ses labels retrouvés sous les débris du Plaza. Les marques sont maintenant sous pression dans un nombre grandissant de domaines : santé-sécurité au travail, surtout après la tragédie au Bangladesh, mais aussi salaires, avec une vaste campagne internationale des ONG en 2013 pour un Living wage ou minimum de subsistance.
Une augmentation des coûts et une pénurie de travailleurs qualifiés
L’auteur
• Daniel Vaughan-Whitehead est responsable de la politique des salaires et des conditions de travail au sein de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à Genève.
Il exerce également en tant que professeur à Sciences-Po à Paris et a mis en place un réseau international en faveur du salaire équitable (fair-Wage.com).
Face à cette pression sur les conditions du travail, ainsi qu’une pénurie de la main d’œuvre dans certains pays émergents, les coûts salariaux augmentent inexorablement, à l’image de la Chine où les salaires réels ont augmenté de 10 % en moyenne par an sur les quinze dernières années. De même la main-d’œuvre qualifiée se fait-elle de plus en plus rare, avec des pénuries par exemple en Chine et au Vietnam, face auxquelles les entreprises, de par la pauvreté de leurs politiques de ressources humaines, se trouvent de plus en plus dépourvues. Une faiblesse qui ne peut que générer une baisse de la qualité pourtant essentielle face à la concurrence. Ces lacunes pour les grandes marques ont un coût, de même que les conflits sociaux qui résultent de conditions de travail jugées inacceptables. Un pays comme le Bangladesh aura été caractérisé en 2013 par des grèves presque tous les jours de l’année. Un groupe comme H&M aura dû en 2013 reporter du Bangladesh à d’autres pays voisins comme le Cambodge ou la Chine sa production de millions d’habits.
Quel modèle pour le futur ?
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Face à ces pressions, nombre de grands groupes ont décidé de se tourner vers d’autres pays qui bénéficient encore de bas coûts salariaux, dans quelques pays d’Afrique tels que l’Ethiopie, ou sur de nouveaux marchés comme Myanmar, perpétuant un modèle basé sur une course aux plus bas coûts salariaux, et encourageant encore un nivellement par le bas. D’autres marques commencent à remettre en cause ce modèle de sous-traitance, en rapatriant leur production, par exemple vers les Etats-Unis pour les grandes marques de chaussures de sport, mais aussi pour des entreprises de haute technologie comme le géant américain Apple ou encore le géant chinois d’ordinateurs Lenovo. Du côté français, Rossignol a relocalisé une partie de sa production qui était jusque-là produite à Taiwan, ou encore le producteur de vélo Veloscoot de Chine en France.
Ces mouvements de repli ne peuvent cependant que laisser les pays en développement, qui ont pourtant jusqu’ici servi de zones à profits astronomiques et de tremplin de croissance, au dépourvu, avec des conséquences économiques et sociales désastreuses. Une sortie par le haut pour les grands groupes consisterait plutôt à aider leurs fournisseurs de ces pays à améliorer leurs conditions de travail, y compris leurs politiques de salaires et de ressources humaines, pour en faire une pièce maîtresse de leur stratégie de développement durable. L’annonce récente de H&M de placer le paiement d’un salaire équitable comme une condition future parmi ses sous-traitants, de même que des conditions environnementales améliorées, quitte à augmenter ses prix, est un signe encourageant dans ce sens. Dans ce cas, les grands groupes iraient jusqu’au bout du modèle de sous-traitance pourtant essoufflé pour le transformer, l’améliorer, et en réduire les risques, lui donnant ainsi un deuxième souffle.

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