Mais, en 1974, en quête de fonds et faute de solution nationale, la famille cède l’entreprise à l’américain Case, qui enterre la marque et ferme l’outil de production. « Poclain était un fleuron industriel français aux pieds d’argile de 6.500 salariés, confesse Laurent Bataille. La leçon que j’ai retenue est de ne jamais appuyer ma stratégie industrielle sur les promesses de politiques. En tant qu’entrepreneurs, nous sommes dans des enjeux de pérennité et de long terme. Les politiques pensent eux à court terme, à la prochaine élection. »
Poclain disparu, il ne reste qu’un monument en forme de pelleteuse rouge au bord d’une route de Crépy-en-Valois, où quelques anciens tentent de maintenir vivace la mémoire industrielle… Jusqu’en 1985. Pierre Bataille ressuscite alors le passé familial en rachetant aux Américains la filiale hydraulique de la marque, avec ses quelque 500 salariés. Il lui redonne son élan. A l’époque, son fils Laurent est salarié de Dumez et « construit des maisons en Irak ». Mais il ne tarde pas à rejoindre Poclain Hydraulics, dont il gravit les échelons.
Sa doctrine d’entrepreneur est un mélange de libéralisme économique, d’indépendance farouche et de politique sociale généreuse. Le capital reste détenu à 70 % par la famille, à 15 % par les salariés et à 15 % par un fonds d’investissement. Mais c’est dans les crises que les hommes révèlent leur vrai visage. En 2007, le carnet de commandes chute de 40 %. Laurent Bataille propose à ses salariés un accord inédit à l’époque : la réduction du temps de travail à 30 heures assortie d’une baisse des salaires comprise entre 5 et 20 %, selon les niveaux de rémunération. L’accord, appliqué pendant six mois, a été signé par tous les représentants syndicaux de l’entreprise et n’a été refusé que par 39 salariés, permettant ainsi d’éviter un plan social. L’attention des personnes, Laurent Bataille n’en manque pas.
Olivier Lauth y travaille depuis 1 an.