Des coulisses qui, pour certaines, sont labellisées “Entreprises du patrimoine vivant”, marque de reconnaissance que l’Etat a mise en place pour distinguer les entreprises françaises – artisanales ou industrielles – au savoir-faire d’excellence. Les secteurs plébiscités sont l’agroalimentaire (40 %) et les vins et spiritueux (20 %), domaines depuis longtemps rompus à ce type d’accueil. Viennent ensuite l’artisanat (17 %), les industries technologiques, notamment celles spécialisées dans l’aéronautique et les énergies (15 %), et enfin la mode et les cosmétiques (8 %). Selon Cécile Pierre, secrétaire générale de l’association Entreprise et Découverte, “si 90 % des entreprises sont des PME, désormais de plus en plus de grosses sociétés proposent ce type de visites.”
Plaidoyer pour le goût
Pour celles qui jouent le jeu, les retombées sont importantes, que ce soit en matière d’image, de commercialisation – 95 % disposent d’une boutique –, mais aussi de communication interne à travers la valorisation du savoir-faire de leurs collaborateurs. Pour Véronique Britto, directrice commerciale de la conserverie artisanale Azaïs-Polito à Sète, accueillir les entreprises s’inscrit dans une action de militantisme du goût : “Nous sommes la dernière conserverie de la ville et la quatrième génération à la tête de cette petite société familiale spécialisée dans les plats cuisinés à base de poissons, en particulier la soupe. Depuis cinquante ans, nos produits sont élaborés dans le respect des traditions sétoises. Nos poissons sont achetés aux criées de Sète et d’Adge, nos préparations sont réalisées à la main et nos recettes se passent de père en fils. En recevant les groupes, nous leur faisons partager notre expérience.”
Conserverie familiale, Azais Polito témoigne de traditions culinaires toujours bien vivantes.
Cette tendance s’ancre dans la mouvance du “made in France”. Désormais, le consommateur, soucieux de ne pas acheter “idiot”, veut connaître la provenance des produits et les secrets de fabrication. Surtout si la production se passe à deux pas de chez lui. La sortie, en 2016, du Guide du Routard de la visite d’entreprise (Hachette) répond à cette nouvelle forme de tourisme, l’ouvrage répertoriant près de 400 sociétés françaises indexées par secteurs d’activités et classées par région.
“Certaines d’entre elles sont plus dynamiques que d’autres, constate Cécile Pierre, déléguée générale de l’Association de la visite d’entreprise (AVE). C’est le cas par exemple de la Seine-Saint-Denis.” Vincent Chartier, responsable de la promotion du comité du tourisme de ce département, explique de son côté que “la Seine-Saint-Denis a été pionnière en matière de tourisme industriel. En 1998, à la création du comité du tourisme, nous avons souhaité d’emblée valoriser les sites de tourisme d’affaires et d’agrément, puis mettre en valeur tous les acteurs du territoire”.
Le “93” possède en effet un important patrimoine industriel et un tissu économique très dense avec la présence de grandes sociétés telles que la RATP, Aéroports de Paris, les Archives nationales, Placoplatre, PSA, la Cité du Cinéma, Météo France ou encore L’Oréal.
Pour valoriser ce potentiel, le comité du tourisme a établi un certain nombre de partenariats. Mathilde Christnacht, responsable du développement, précise : “Afin de faire connaître au plus grand nombre nos richesses économiques, nous avons choisi d’amener les visiteurs au cœur de l’activité d’une société tout en leur permettant d’échanger avec le personnel des entreprises.”
Voir l’envers du décor, découvrir les procédés de fabrication : ces initiatives connaissent aujourd’hui un franc succès. Les entreprises indiquent leur possibilité d’accueil et le comité départemental du tourisme (CDT) se charge de la communication, de l’accompagnement et de l’encadrement des groupes, les visites étant commentées par un salarié de la société.
Pour répondre aux demandes émanant du tourisme d’affaires, le CDT s’est doté d’un département spécialisé qui organise des visites à la carte. “Actuellement, nous sommes dans une dynamique de “learning expedition”, c’est-à-dire la découverte d’autres cultures d’entreprise.
Nous avons le potentiel, à nous de montrer que nos industries peuvent servir de modèle à d’autres”, explique Vincent Chartier. Dans ce cadre, le département met aussi l’accent sur les chantiers en cours comme les dépollutions de sites, la modernisation de la gare du Nord, la réhabilitation de la halle SNCF de Pantin ou encore la construction de la future station de métro Mairie de Saint-Ouen qui s’achèvera en juin 2018.
De la même manière, d’autres collectivités locales proposent aux groupes de découvrir en avant-première les dessous d’un projet. Le Val-de-Marne fait ainsi valoir ses grands travaux auprès des incentives. Courant 2018, les petits groupes pourront exceptionnellement découvrir sur le terrain l’avancée des travaux de la ligne 15 Sud du Grand Paris Express, dont la mise en service est prévue en 2022. à Champigny-sur-Marne, ils sont reçus à la Maison du Métro par un agent de proximité qui leur présente ce projet de métro automatique de 200 km, leur dévoile les maquettes des futures gares de Champigny Centre et de Bry-Villiers-Champigny, et leur fait visiter le centre technique de Champigny.
Le Val-de-Marne recèle un potentiel industriel très intéressant avec, par exemple, le plus grand centre de tri postal de France, à Wissous. Sur un terrain de neuf hectares, la plate-forme industrielle courrier (PIC) de Paris-Sud Wissous gère un trafic quotidien d’une dizaine de millions d’objets. À la pointe de la technologie, la PIC trie le courrier départ et arrivée des entreprises et des particuliers de 10 arrondissements parisiens, de l’ensemble de l’Essonne, d’une partie du Val-de-Marne et d’une partie des Hauts-de-Seine. La visite guidée, ponctuée d’échanges avec le personnel, dure près de deux heures.
Autre lieu fascinant accueillant les groupes : le marché international de Rungis, plus grand marché de produits frais au monde ! Véritable ville dans la ville, il s’étend sur 232 hectares, compte la présence de plus de 1 400 sociétés et emploie 12 000 personnes. Parcourir ses différents pavillons, voir cette fourmilière humaine et sa valse quotidienne de près de 26 000 véhicules est une expérience des plus insolites. À réserver aux lève-tôt, car la visite débute à 4h30 !
Dès les premières heures du jour, des tonnes et des tonnes de fruits et de légumes, de viandes et de poissons, s’échangent au marché de Rungis, “ventre de Paris” qui a succédé au marché des Halles en 1969. © CDT 94 Martine Boisse
Dans une autre région, la Lorraine, historiquement richissime en matière d’industrie, voici une autre visite tout aussi passionnante, celle des ateliers de la manufacture des Émaux de Longwy, qui s’effectue en semaine pour 20 participants et sur demande le samedi, jusqu’à 30 visiteurs. Ce sont les employés qui guident les visites, expliquent leur travail et répondent aux questions. Pendant près d’une heure, les visiteurs découvrent les ateliers, voient les différentes étapes de fabrication, allant de la confection des moules au coulage, à l’émaillage, à la pose de l’or jusqu’au craquelage.
Ambassadrice de l’artisanat à la Française, la manufacture des émaux de Longwy met en valeur le travail de mains expertes.
Secrets d’histoire
Toujours dans la mouvance des grandes entreprises riches d’histoire, à Ingrandes dans la Vienne, c’est la marque Aigle qui lève le voile sur ses secrets de fabrication. L’usine abrite la conception et la production manuelle des célèbres bottes en caoutchouc. “165 ans d’histoire, cela se partage !”, s’exclame Yves Trousselle, directeur responsabilité sociétale et environnementale. La rencontre avec un authentique maître caoutchoutier est un des moments forts d’une visite qui se fait par petits groupes de cinq à 15 personnes.
Ils assistent alors aux mélanges des matières premières, au découpage, puis au moulage et à la cuisson, et enfin au stockage ainsi qu’aux tests réalisés sur l’ensemble des produits. “Les groupes B to B ont également droit à l’explication du logo Aigle, ainsi qu’à la découverte de nos ateliers innovation, recherche et qualité. Pour ma part, j’explique notamment notre politique environnementale et sociétale, engagement qui est très fort chez Aigle”, souligne Yves Trousselle. La visite, qui dure généralement près de deux heures, est limitée à deux jours par semaine, car ce sont les salariés eux-mêmes qui la commentent.
La qualité de ses bottes a fait d’Aigle une marque mondialement reconnue. Ce sont les salariés qui guident les visiteurs à travers l’usine et expliquent leur savoir-faire. Et, du même coup, les raisons de ce succès. © Vincent Leroux
Entre autres lieux historiques, mais en beaucoup plus marquant encore, car évoquant la sueur et la peine des hommes depuis la révolution industrielle, le centre minier de Lewarde est loin de laisser indifférent, même si sa visite est aujourd’hui plus… légère. Situé à huit kilomètres de Douai, il est installé sur le carreau de l’ancienne fosse Delloye de la Compagnie des mines d’Aniche. Le site s’étend sur huit hectares et se compose d’un musée de la mine, d’un centre de ressources documentaires et d’un centre de culture scientifique de l’énergie.
Avec près de 150 000 visiteurs par an, c’est l’un des lieux les plus visités de la région, le centre accueillant les séminaires pour une immersion dans l’univers de la mine. Au programme : un parcours dans les bâtiments de l’ancienne fosse Delloye, une visite guidée dans les galeries, la rencontre-témoignage avec un ancien mineur. “Beaucoup d’émotions remontent… Les entreprises s’appuient sur les valeurs de la mine – le courage, la solidarité et l’entraide – pour faire passer un message à leurs collaborateurs”, remarque Karine Sprimont, directrice de la communication.
Centre historique minier de Lewarde
Le centre historique minier de Lewarde retrace la vie des hommes et des femmes qui, chaque jour, descendaient au fond de la fosse Delloye ou triaient des tonnes de charbon. © P. Cheuva-CHM
Une autre grande marque industrielle française, Peugeot, ouvre les portes de son siège historique. À Sochaux, le musée et l’usine de production Peugeot-Citroën reçoivent ainsi régulièrement des groupes incentive. Par équipe d’une trentaine de personnes, les visiteurs voient les différentes étapes de la production et les lignes d’assemblage. “Pour la grande majorité d’entre eux, c’est une véritable découverte. En discutant avec les ouvriers, ils comprennent les conditions du travail à la chaîne et beaucoup d’a priori tombent”, remarque Laurence Weiss, responsable du service réceptif.
De son côté, Anaïs Le Roy, responsable du tourisme d’affaires à Saint-Nazaire Agglomération Tourisme, note “que les entreprises veulent une visite faisant écho à une problématique qu’elles rencontrent et souhaitent voir comment d’autres la traitent. Les points soulevés sont généralement ceux de la sécurité et de la qualité.”
En Pays de Loire, les grandes filières présentes appartiennent essentiellement aux énergies marines renouvelables (EMR), ainsi qu’à la construction navale et aéronautique. Des visites à la carte sont organisées pour des incentives d’une cinquantaine de personnes maximum. Deux grands pôles sont incontournables à Saint-Nazaire : les chantiers navals STX, avec notamment un département important dans la recherche en matière des énergies renouvelables, et Airbus, avec le deuxième site de production en France, après Toulouse.
Sur place sont assemblées et équipées certaines parties du fuselage des A380 et des A320. Les visiteurs voient les avions avant leur habillage : l’alignement des rivets, la pose de hublots, l’installation des circuits vitaux dans un cockpit… Les plus chanceux peuvent même voir le Beluga, énorme avion-cargo qui vient chercher des tronçons d’appareil pour les transporter à Hambourg ou à Toulouse.
Chantiers navals de Saint-Nazaire.
Se sentir tout petit face aux géants des mers. C’est l’expérience unique proposée par les chantiers navals de Saint-Nazaire.
Il n’y a pas que les géants des mers à être construits à Saint Nazaire. Airbus y assemble aussi certaines parties de ses A380.
La capitale de l’Occitanie trône au cœur d’une région au tissu industriel dense. “Si bon nombre d’entreprises sont ouvertes au tourisme d’affaires comme c’est le cas d’Airbus, certaines accueillent cette clientèle uniquement au cas par cas : EDF Bazacle, Airbus Bizlab, Iot Valley Sigfox, Capgémini, Berger Levrault, des accélérateurs de startup ou encore Véolia Eau, une usine de dépollution des eaux usées qui reçoit de plus en plus de demandes”, affirme Sylvie Rouillon Valdiguié, vice-présidente de l’agence d’attractivité de Toulouse Métropole, en charge des politiques touristiques et de la promotion.
Développement durable
Il est vrai que les entités spécialisées dans le développement durable et l’énergie renouvelable ont la cote. Ainsi, depuis 2015, la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), premier producteur français d’électricité 100% renouvelable, accepte des visiteurs affaires. “Nous avons deux grands vaisseaux amiraux : Génissiat, dans l’Ain, qui comprend un barrage et une centrale et Bollène, dans le Vaucluse, qui compte une centrale hydroélectrique, un parc éolien et deux parcs photovoltaïques. Actuellement, nous investissons trois millions d’euros dans leur rénovation avec, notamment, l’aménagement d’espaces adaptés au public. Génissiat s’ouvrira de nouveau aux groupes début 2018 et Bollène en avril 2018”, avertit Sylvain Colas, directeur de la communication.
Lors de leur construction dans les années 1950, ces deux sites étaient extrêmement innovants. Ainsi Bollène, dont la façade est désormais classée aux monuments historiques, était la plus productive d’Europe et avec la plus grande écluse du monde du monde… De l’archi neuf dans du beau vieux, en quelque sorte.
Carnet d’adresses
Association de la visite d’entreprise Tél. : 01 42 72 10 00 • Internet : www.entrepriseetdecouverte.fr
Agence d’attractivité Toulouse Tél. : 05 34 25 58 20 • Internet : www.toulouseatout.com
Aigle Tél. : 05 49 02 38 98 • Internet : www.aigle.com
Azais Polito Tél. : 04 67 51 89 89 • Internet : www.azais-polito.fr
Centre historique minier Tél. : 03 27 95 82 82 • Internet : www.chm-lewarde.com
Tourisme de Seine-Saint-Denis Tél. : 01 49 15 98 98 • Internet : www.tourisme93.com
Tourisme de Val-de-Marne Tél. : 01 55 09 30 72 • Internet : www.tourisme-valdemarne.com
Compagnie Nationale du Rhône Tél. : 04 72 00 69 69 • Internet : www.cnr.tm.fr
Fonderie Paccard Tél. : 04 50 52 44 98 • Internet : www.paccard.com
Manufacture des Emaux de Longwy Tél. : 0 962 275 942 • Internet : www.emauxdelongwy.com
Marché de Rungis Tél. : 0825 05 44 05 (0,15€/min) • Internet : www.visiterungis.com
Musée Peugeot Tél. : 03 81 99 42 14 • Internet : www.museepeugeot.com
Saint-Nazaire Agglomération Tourisme Tél. : 02 28 540 640 • Internet : www.saint-nazaire-tourisme.com