On entend ici et là le reproche fait aux industriels français de n’avoir pas assez investi.
Le manque d’investissements serait la cause de tous nos maux et donc à contrario investir à tout va est désormais la seule solution pour réindustrialiser le pays.
Je veux ici rappeler quelques notions simples qui caractérisent l’acte d’investir dans l’industrie avec l’angle de vue d’un sous-traitant automobile.
Il ne faut pas oublier la finalité recherchée.
C’est, maintenir la compétitivité d’une usine afin qu’elle reste référencée dans un panel de donneurs d’ordres qui considèrent qu’elle est apte à concourir dans un marché mondialisé.
Pour que le prix de vente d’un produit fabriqué en France entre en compétition avec ceux d’Europe de l’Est, du Maghreb ou d’Asie il faut écraser le prix de revient en limitant l’impact de la masse salariale sur celui-ci par l’apport massif de l’automatisation.
En maintenant le ratio masse salariale directe sur valeur ajoutée dans un intervalle de 5 à 10% vous aurez de grandes chances de gagner le marché même si vos salaires sont nettement supérieurs à d’autres pays car vous les aurez contraint dans le prix de revient.
En revanche vous aurez un investissement conséquent à fournir en contrepartie par l’automatisation des tâches simples, répétitives et sans valeur ajoutée.
Avant d’investir, comme les pièces automobiles meurent par obsolescence et changement de normes, vous vérifierez si la réutilisation des anciens moyens de production par retrofit peut être une solution adaptée à votre nouveau marché.
On doit investir à coup sûr et de façon mûrement réfléchie car cela engage la trésorerie ou un partenaire financier qui se rappellera à vous si vous avez été trop optimiste.
Investir prend du temps et les retours sont souvent plus longs que l’on ne l’imagine.
Pour investir il faut être deux. C’est une opération de confiance conjointe entre un client qui commande et un industriel qui s’engage sur le long terme.
La rupture de la confiance est souvent fatale.
Il n’y a pas d’investissement magique.
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PATRICK BELLITY__
Bof, bof : taper sur le client en prétextant qu’il faut être deux pour investir, je ne suis pas sûr que cela soit très porteur. Ecraser le prix de vente n’a pas de sens non plus : il y aura toujours un concurrent affamé qui offrira la même prestation pour moins cher, d’autant plus s’il est situé dans un pays à bas coûts…
Le bon investissement c’est celui qui pérénise la société, en allant régulièrement chercher des nouveaux marchés à forte marge, là où il y a encore peu de concurrence.
Pour cela il faut surtout investir dans l’innovation, afin de se différencier. L’innovation process est un aspect qui peut être intéressant, mais dans l’automobile les processus de qualification sont assez longs (et je ne parle même pas de l’aéronautique !).
L’innovation produit est beaucoup plus porteuse, mais aussi plus risquée. C’est là que l’on distingue les dirigeants qui sont sensibles aux signaux faibles du marché, et qui prennent les bonnes décisions stratégiques avec leurs équipes, quitte à marginaliser l’un ou l’autre des clients actuels de la société.
Ca s’appelle « l’anticipation » et ce n’est pas de la science-fiction.
N’est pas visionnaire qui veut.