Nucléaire : l’Europe à la croisée des chemins ?
Le nucléaire connait un renouveau bienvenu à l’échelle mondiale, en réponse aux défis énergétiques contemporains. En Europe pourtant, il existe encore des obstacles.
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Des conditions favorables
Au niveau mondial, les choses bougent pour le nucléaire. Le bel endormi se réveille sous la pression de multiples évènements.
Il devient d’abord de plus en évident, pour le grand public, que le nucléaire peut être un élément important de relative indépendance énergétique pour les régions n’ayant pas de combustibles fossiles. La guerre en Ukraine en est le révélateur. En outre, la pression médiatique sur le réchauffement climatique, et la véritable panique qu’elle entraîne, conduit à envisager tous les recours, même jusque-là détestés. Le nucléaire est de ceux-là.
Des prix de l’électricité aberrants et volatiles ont également touché les citoyens au portefeuille, ce qui fait fléchir les réticences idéologiques. À la lumière du passé, les gens (et les entreprises) comprennent que le nucléaire assure une grande stabilité des prix, garante d’un développement à long terme.
Le marché des grosses centrales électriques redevient ainsi très actif. Les acteurs sont peu nombreux : dans l’ordre, la Russie, la Chine, les États-Unis, la Corée du Sud et la France.
En Europe, des contraintes encore en suspens
L’Europe se distingue dans son obstination à ne pas lâcher prise dans sa lutte antinucléaire, sous l’impulsion principalement de l’Allemagne.
Même si certaines aberrations ont été gommées, comme exclure le nucléaire des activités décarbonées, alors que c’est le meilleur outil pour ça, le combat n’est pas gagné sur le plan financier.
EDF ne pourra emprunter les énormes fonds nécessaires au renouveau du nucléaire. L’État devra trouver un moyen de financement en contournant le dédale de lois sur la concurrence inadaptées. Et les taux d’intérêts élevés sont un facteur essentiel d’un coût d’investissement à très long terme.
Pour l’EPR, le mal est fait depuis longtemps
Les difficultés des EPR français et finlandais ne sont pas à relativiser : elles dénotent une perte de compétence des industriels concernés, mais aussi de leurs donneurs d’ordre et des autorités de contrôle. Les évolutions réglementaires et normatives, au cours de constructions qui ont duré des lustres, ont ainsi joué un rôle non négligeable. Ceci dit, les réacteurs chinois ont respecté coûts et délais, et ils tournent. Le Finlandais aussi, malgré des ennuis de dernières minutes, mais sur les équipements allemands, il est vrai.
Il y a bien eu les incidents sur Taishan 1, le réacteur chinois. Ils ont été naturellement montés en épingle par les antinucléaires. Il s’agit d’usure anormale de certaines gaines de combustibles. Ce type de problème semble assez classique et accessible à des solutions.
Notons également que Westinghouse, le concurrent américain, a connu lui aussi d’énormes problèmes de reprise de ses activités, pour les mêmes raisons qu’EDF : une perte de compétence.
Mais les pires fossoyeurs de l’EPR sont malheureusement les ministres qui se sont succédés à la tête des entités qui auraient dû au contraire défendre le nucléaire français : Voynet, Royal, Hulot…
De Rugy a même déclaré dimanche 18 novembre 2018 sur une radio grand public :
« Je ne vois pas comment on pourrait décider aujourd’hui de commander de nouveaux EPR alors que la fiabilité technologique et sa sûreté n’est pas démontrée et la compétitivité économique non plus. »
L’EPR de Flamanville entame ses derniers essais pour un démarrage en 2024. Et alors ?
Même si tout se passe bien, cela ne changera guère la situation, ni en termes de sécurité électrique pour la France, ni en termes de perspectives commerciales.
Certes, on aura 1600 MW de capacité en plus ; mais on projette d’arrêter à peu près autant de centrales à charbon. On sera toujours à la merci d’un hiver froid.
Le démarrage de Flamanville ne sera après tout que la quatrième mise en service.
Les vrais enjeux se situent dans l’aptitude que devra avoir EDF à reconstituer les compétences passées. En ce sens, c’est le déroulement du chantier d’Hinkley Point, en Angleterre, qui sera déterminant. Les premiers enseignements sont encourageants : ils montrent tout l’intérêt de construire ces équipements par paires pour augmenter la productivité des opérations.
EDF semble aussi avoir repris de la combativité. L’entreprise a réalisé et continue un exploit dans la réparation des tuyauteries fissurées des centrales existantes. Nul doute que la perspective de la reprise du nucléaire redynamise les équipes.
Mais le chemin vers de véritables perspectives commerciales est encore long, d’autant que les commandes mondiales sont largement affectées par la géopolitique. Il faudra en particulier définir une offre adaptée à la demande, qui ne sera pas forcément l’EPR.
Un futur compliqué, mais radieux ?
En résumé, rien n’est gagné, mais rien n’est perdu non plus. L’équipe dirigeante actuelle d’EDF aura une lourde responsabilité dans la bataille, qui s’exercera au niveau mondial, et, malheureusement, comme on le voit déjà, nationalement contre ses propres autorités de tutelle.