Logements, écoles, équipements publics, services et commerces il fallut tout construire ou rénover, pour accueillir les travailleurs et leurs familles venus des campagnes morvandelles, du sud de l’Europe et du Maghreb.
Reste d’elle le long vaisseau de béton qui barre encore le paysage des bords d’Arroux à l’Ouest de la ville, réindustrialisé sous le nom de Parc d’Activités de Saint-Andoche.
Subsiste aussi la mémoire ouvrière de cette industrie si particulière, si grandiose et si pénible du feu et du métal en fusion, d’une époque où les ouvriers travaillaient 48 heures par semaine en postes tournants de jour et de nuit pour fournir le secteur du bâtiment en pleine expansion.
OMC_Autun_Presentation_Nous_Ideal_30032013Une mémoire et une culture toujours vives, une décennie après la fermeture définitive, mais que personne n’avait encore eu l’idée de recueillir pour la fixer.
C’est le travail qu’a réalisé la Commission « Culture dans les quartiers » de l’Office municipal de la culture d’Autun présidée par Michèle Chazal.
Des entretiens avec neuf salariés (directeur, ouvriers « en bleu » du cœur de la fonderie ou de l’entretien, employés « des bureaux ») qui ont déjà donné lieu à deux restitutions, sous forme de promenades-lectures dans le quartier Saint-Andoche et maintenant à ce livre.
Organisés de manière à suivre la chronologie de l’évolution de l’usine depuis le projet d’installation (« … on aurait préféré Dijon, explique Georges B chargé par la filiale française du groupe américain de la première visite sur le terrain, mais on avait comme Président à l’époque un ancien Dolois qui disait : Dijon, c’est une grande ville, je connais, tandis qu’Autun, c’est la petite ville, c’est un évêché, c’est une ville calme… ») jusqu’à la fermeture et la dernière manifestation de protestation dans les rues d’Autun (« Y’avait même pas 100 personnes ! Alors, elle est où la solidarité ?… J’ai trouvé ça minable » se désole encore Alain B dix ans après).
Des témoignages qui font toucher l’ambiance, décrivent la dureté du travail, les risques (avec des décès dramatiques survenus sur les machines et aujourd’hui les malades de l’amiante), mais aussi la solidarité dans les équipes et les bons moments partagés, à l’usine à l’heure du casse-croûte ou sur les terrains de foot corpo.
Il est évidemment aussi question des luttes pour le maintien de l’outil de production, devenues quasi régulières à partir de 1975 et » l’abandon » par l’actionnaire américain. L’occupation de la mairie avec la séquestration du maire d’alors et de l’interception sur l’autoroute du député apparaissant comme les hauts-faits d’armes de cette contestation.
La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à une étude du docteur en histoire contemporaine Jean-Philippe Passaqui (professeur au Lycée militaire d’Autun) qui explique pourquoi et dans quel contexte industriel, national et local, le groupe américain Idéal Standard est venu s’installer à Autun.
Où l’on voit un État extrêmement volontariste mobilisé, du Président du Conseil jusqu’aux fonctionnaires locaux, de concert avec les autorités locales, pour sauver, grâce notamment à des subventions, un grand bassin d’emploi frappé par la fermeture des mines de schistes à Autun et de charbon à Épinac.
Où l’on voit aussi un groupe industriel choisir une région à la main d’œuvre abondante, bon marché et réputée moins politisée et syndiquée que celle de la région parisienne.
Une étude qui complète admirablement les témoignages, en les confortant parfois ou en les amendant d’autres fois.
Nous à Idéal…, Témoignages, suivi de Une fonderie à Autun par J.-P. Passaqui