La fonderie et Piwi

MENU
Par : piwi
511
0
jeudi 02 Mar, 2023
Catégorie : Economie

Lithium « made in France » : dans l’Allier,

le projet de mine au banc d’essai

LES ECHOS –
Annoncée le 24 octobre par la société Imerys, l’exploitation d’une mine de lithium, minerai indispensable aux batteries des voitures électriques et à la transition énergétique, doit débuter d’ici à 2028 sur le site de Beauvoir.

  Un projet qui suscite de nombreuses interrogations à l'échelle locale.

La multinationale française Imerys a annoncé le lancement du projet Emili dans l’actuelle carrière du site de Beauvoir à Echassières (Allier).

« Ici, on aura le plus grand cratère d’Auvergne, mais ça ne sera pas un volcan. » D’un mouvement de tête, le naturaliste Xavier Thabarant désigne, amer, la carrière de kaolin à ciel ouvert qui se dessine à l’horizon. Le 24 octobre dernier, la multinationale française Imerys a annoncé le lancement du projet Emili, visant à exploiter le lithium contenu dans le mica situé sous l’actuelle carrière du site de Beauvoir à Echassières (Allier).

 « On va piller l'intégralité du sol, tout ça pour quelques tonnes de lithium », déplore ce passionné de nature 
  fermement opposé à l'exploitation du gisement.
 Quelques centaines de mètres plus loin, les dunes sablonneuses de kaolin et de wolfram de la forêt domaniale 
 des Colettes témoignent du passé minier de la région. Avec près de 760 hectares classés Natura 2000, cette 
 forêt, reconnue comme l'une des plus belles hêtraies d'Europe, abrite de nombreuses espèces animales et 
 végétales dont certaines sont protégées.
 Malgré l'engagement d'Imerys à ne pas déborder sur la forêt des Colettes, Xavier Thabarant n'est « pas dupe 
 » et redoute l'extension du site sur cette zone autrefois exploitée. Il a pu exprimer ses craintes à l'occasion des 
 différentes réunions publiques organisées entre mi-novembre et début décembre par Imerys, à la demande 
 des maires des communes limitrophes de la future mine. L'objectif ? « Revenir sur les éléments annoncés et 
prendre note des points de préoccupation qu'expriment les habitants », précise Imerys aux « Echos ».
 « Pourquoi, si vous ne savez rien, vous communiquez massivement ? » Ce lundi soir de novembre, dans la 
 salle polyvalente de Lalizolle, commune rurale de l'Allier située à quelques kilomètres de la carrière, les 
 échanges sont vifs. Powerpoint et échantillons de roche à l'appui, trois représentants du groupe industriel 
 sont venus répondre, « dans une démarche de transparence », aux interrogations des quelque 150 citoyens 
réunis.

En passe de devenir l’une des plus grandes mines de lithium d’Europe dans les prochaines années, avec une production annuelle d’hydroxyde de lithium estimée à 34.000 tonnes, le projet d’une ampleur inédite suscite craintes et interrogations au niveau local. Ce soir-là, Daniela Liebetegger, chargée de la gestion des parties prenantes pour Imerys, prévient d’emblée : « Beaucoup vont être déçus car nous n’avons pas toutes les réponses. » Et pour cause, la mise en service de la mine n’est prévue que pour 2028.

Enjeu majeur de la transition énergétique

Pourtant, le gouvernement, lui, n’a pas tardé à communiquer sur cette future production de lithium « made in France », qui permettrait d’équiper 700.000 véhicules électriques chaque année. Face à son importation quasi intégrale d’Australie, d’Amérique Latine et de Chine, la relocalisation de la production de ce métal alcalin utilisé dans les batteries rechargeables est un enjeu « clé pour notre souveraineté », avait rappelé Emmanuel Macron avant l’ouverture du Salon de l’automobile en octobre dernier.

Une directive européenne prévoit l’électrification du parc automobile d’ici à 2035 afin de garantir la neutralité carbone dans le secteur des transports à l’horizon 2050. « Le projet de Beauvoir, c’est une partie de la réponse française aux défis de la transition énergétique », s’était alors félicité Alessandro Dazza, directeur général d’Imerys.

 Alors que la demande mondiale de lithium, indispensable à la transition énergétique, explose - la Banque 
 mondiale estime que sa production devra augmenter de 450 % d'ici à 2050 pour y répondre -, le projet n'en 
 soulève pas moins quelques réserves. « La question qui se pose est de limiter le plus possible les impacts 
 écologiques, non négligeables, de cette extraction minière », expose Judith Pigneur, docteure en génie 
industriel et experte de l'extraction des ressources pour l'association Les Amis de la Terre France.

LIRE AUSSI :Le marché du lithium en plein doute

De 1817 à nos jours, comment le lithium est devenu indispensable

Pour l'heure, les modalités techniques d'exploitation du site de Beauvoir n'ont pas été déterminées. Difficile, 
donc, de mesurer leurs effets sur l'environnement. Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, souhaite que le 
projet d'Imerys, à 1 milliard d'euros, soit « exemplaire sur le plan environnemental et climatique ».
L'entreprise tient d'ores et déjà à rassurer, en assurant que l'extraction et la concentration - processus de 
séparation des différents minéraux contenus dans la roche - doivent se faire sur le site de la carrière actuelle.
Les produits seront ensuite chargés et acheminés en train jusqu'à l'usine finale de conversion, située sur une 
friche industrielle, dans un lieu qui reste encore à déterminer, à 100 km maximum du site de Beauvoir. 
L'entreprise recourra également à une flotte de véhicules électriques pour l'extraction en souterrain, afin de 
limiter au maximum les émissions de CO2.

Si la filière du lithium n’est pas la plus néfaste d’un point de vue environnemental, plusieurs points de vigilance ont toutefois été soulevés par les citoyens lors des réunions publiques, notamment sur la gestion des déchets et de l’eau. Sur le site minier de Beauvoir, la concentration en lithium oscille entre 0,9 % et 1 %. Pour extraire une tonne de lithium, près de 100 tonnes de roche doivent être sorties de terre. « Qu’allez-vous faire des millions de tonnes de produits solides extraits et qui ne seront pas utilisés ? » lance une habitante de Lalizolle. Imerys précise vouloir les réintroduire sous terre, une fois extraits le lithium et les autres minéraux – feldspath, étain, tantale – que l’entreprise compte valoriser.

Il y aura nécessairement une artificialisation des sols avec une emprise de la mine qui sera plus grande qu’avant (…)

Mais « cela ne peut se faire que partiellement », analyse Judith Pigneur. « Le volume de la roche augmente lorsqu’on la stocke, on ne peut donc pas tout remettre dedans. Il y aura nécessairement une artificialisation des sols avec une emprise de la mine qui sera plus grande qu’avant, en raison des installations de stockage de résidus et stériles miniers. »

Pour le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), cette gestion des déchets est un défi majeur. « Les déchets solides sont une charge importante pour les compagnies minières. Mal stockés et mal gérés, ils peuvent entraîner de sérieux problèmes de contamination par exemple », indique la direction des géoressources.

Etude hydraulique à venir

Autre crainte pour les habitants : la surconsommation d’eau et sa gestion « en circuit fermé ». Alors que l’Allier – comme le reste de l’Hexagone – a subi les durs épisodes de sécheresse l’été dernier, la préservation de cette ressource est un enjeu de taille. En 2018, Imerys, qui exploitait alors la carrière d’andalousite de Glomel, dans les Côtes-d’Armor, avait été reconnu coupable de faits de pollution des eaux remontant à 2013. Le groupe avait été condamné à 10.000 euros d’amende. L’entreprise avait fait appel. S’il est encore trop tôt pour estimer l’impact du projet de Beauvoir sur les nappes phréatiques, ou quantifier les volumes d’eau qui seront utilisés, Imerys a tenté de rassurer en annonçant le lancement d’une « grande étude hydraulique » par le cabinet spécialisé Antea Group pour 2023.

L’entreprise compte également beaucoup sur la méthode d’extraction et de broyage souterrains, dans des galeries situées entre 75 m et 350 m sous la surface de la terre, pour limiter poussières et nuisances sonores. La question de la toxicité des produits utilisés pour les étapes de concentration et de conversion du lithium est, quant à elle, renvoyée à plus tard.

LIRE AUSSI : Etat d’alerte sur la dépendance européenne au lithium

La France va ouvrir sa première grosse mine de lithium

L’extension géographique du projet à long terme est, elle aussi, encore hypothétique. Le groupe industriel dit poursuivre les sondages en profondeur et reconnaît prévoir « quelques sondages dans le périmètre couvert par le permis de recherche pour caractériser le gisement de lithium », périmètre qui s’étend au-delà des limites de l’actuelle carrière. « Ça va être l’enfer de vivre ici », entend-on gronder au fond de la salle.

La durée d’exploitation – fixée à 25 ans par Imerys – et notamment la question de l’après-mine interrogent aussi. Certains dénoncent un projet court-termiste, à l’image de Michelle Petit, administratrice de France Nature Environnement dans l’Allier : « Dans la région, on a encore le souvenir de cette extraction minière qui laisse des marques indélébiles. Qu’en sera-t-il après la fermeture de la mine ? Il faut essayer de se projeter au-delà de 25 ans. »

Si, lors de la réunion publique de Lalizolle, chaque point de contentieux est passé au crible, les quelques convaincus présents dans la salle se font plus discrets. « Laissez-les exposer leur projet, voyons », s’agace finalement l’un d’eux après deux heures de réunion, lassé des invectives envers Imerys. Tandis que les esprits s’échauffent, les représentants du groupe tentent de ramener le calme en recentrant le débat sur les potentielles retombées économiques du projet dans la région.

Imerys promet l’emploi, à terme, de 1.000 personnes de façon directe et indirecte dans l’Allier. Une aubaine pour Frédéric Dalaigre, maire sans étiquette d’Echassières, qui reste toutefois vigilant quant aux conséquences environnementales : « Cette exploitation du lithium va entraîner des créations d’emplois et donc, potentiellement, l’accueil de nouvelles familles sur notre territoire, ce qui signifie des enfants en plus dans nos écoles et plus de personnes pour faire tourner nos commerces. »

LIRE AUSSI : »Emmanuel Macron : « Il faut une politique massive pour réindustrialiser l’Europe »
 »
Malgré les réticences locales, Imerys assure mener un projet « responsable », encadré par le code minier et le code de l’environnement et « en conformité avec la norme IRMA », norme mondiale de bonnes pratiques pour une exploitation minière plus responsable. La direction des géoressources du BRGM rappelle aussi que, de manière générale, « la France et l’Europe imposent aux industriels des normes et des réglementations environnementales plus rigoureuses que dans les pays en voie de développement ». D’ici à la fin 2023, l’Etat devra décider s’il accorde à Imerys le droit de valoriser la ressource en lithium sur le site de Beauvoir, en se fondant sur « les éléments d’appréciation nécessaires pour caractériser l’impact environnemental du projet », indique le ministère de la Transition énergétique.

D’après la feuille de route du projet Emili, un premier pilote industriel à échelle réduite devrait être expérimenté en 2024, avant sa mise en service en 2025. En parallèle, « un travail d’étude rigoureux, concerté et indépendant » sera mené sur plusieurs années. Ce soir-là, à Lalizolle, la démarche de communication très en amont de la mise en service de la mine a pour l’instant manqué sa cible. « Mon inquiétude est décuplée », conclut un habitant, déçu. Mais il y aura beaucoup d’autres réunions d’ici à 2028 : Imerys s’est engagé à en organiser sur les territoires concernés tout au long de la mise en oeuvre du projet.

Zone de commentaire !

0 commentaires pour : "Lithium « made in France » : dans l’Allier,"

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Dernières publications


Toutes nos catégories

Articles par années

Les partenaire de Piwi