Le blog des expert de la métallurgie – Métalblog – Isabelle LacosteTM
Passerelle métallique Simone de Beauvoir – Crédit photo Feichtinger Architectes David Boureau.
Aujourd’hui, il suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte que le design est omniprésent : dans nos intérieurs, dans la rue, dans les transports, dans les infrastructures… Et cet engouement profite aussi au domaine de la fonderie. Cet article présente les évolutions du design, les atouts des matériaux de fonderie et des applications types dans différents secteurs.
Le design industriel apporte de la valeur ajoutée
Chaises conçues pour l’extérieur.
Le design industriel est un complément naturel à la recherche et développement. Il met la technologie au service de l’homme, l’humanise en prenant en compte des critères comme le plaisir, l’esthétique voire l’éthique. Un objet au design particulier doit répondre non seulement à des critères de forme, d’esthétique, de fonctionnalité, d’innovation technologique, mais également à des critères économiques, environnementaux et sociétaux. Il apporte incontestablement à un objet ordinaire une valeur ajoutée. D’ailleurs, de nombreux bureaux d’études ont leur propre designer intégré ou font appel à des cabinets de design ou à des designers en freelance.
La fonction d’estime de l’objet
Poignée de mitigeur en alliage de zinc chromé satiné- Crédit photo ETIF.
Il appartient au designer de mettre en valeur les qualités de l’objet perçues par le consommateur et déterminantes lors de l’acte d’achat. Les choix du designer, qui ne laissent rien au hasard, sont fondés sur cette « qualité perçue » par le consommateur qui résulte d’une perception souvent très subjective de l’objet plus que d’une appréciation objective de ses qualités intrinsèques. Elle dépend davantage de la fonction d’estime de l’objet que de sa fonction d’usage. Contrairement à la fonction d’usage qui, en analyse fonctionnelle, est le service rendu par le produit du point de vue de l’utilisateur et est perçue généralement de la même manière quel que soit l’utilisateur du produit, la fonction d’estime traduit la partie subjective du besoin et est liée au goût de l’utilisateur. Un consommateur pourra choisir une chaussure parce qu’elle est étanche (fonction d’usage) mais aussi parce que c’est une marque ou qu’il la trouve belle (fonction d’estime).
Le retour vers des matériaux authentiques
Serre-livres en aluminium moulé poli.
L’attrait ou la beauté de l’objet, qui résulte, entre autres, d’un choix de formes, de couleurs d’aspects, paramètre essentiel du design industriel, répond, à une attente réelle des consommateurs. De nature subjective, elle est souvent en phase avec les aspirations profondes des personnes ou les attentes dominantes de la société. Le produit doit alors évoquer ou rappeler ces aspirations. L’objet tend, de nos jours, à illustrer son histoire de fabrication, ses racines. Par exemple, le béton teinté dans la masse n’est plus revêtu. Le chêne montre ses veines grâce à un fort éclaircissement. Il semble que notre époque soit marquée par un certain retour à l’authenticité et aux matériaux naturels. Ainsi le béton est prisé par certains designers et fait son entrée dans la décoration intérieure de la maison. L’objet doit donc traduire son appartenance à la nature. Ceci explique un certain engouement pour les matériaux tels que le bois, les métaux, le verre, la céramique, etc… L’emploi de métaux moulés participe donc de cette volonté d’évocation nouvelle.
La pièce moulée offre une grande liberté de forme
Les procédés de fonderie peuvent donc apporter, à plus d’un titre, une forte valeur ajoutée au design du produit tout d’abord en termes de liberté de forme et d’esthétique, critères importants pour le designer industriel. Les techniques concurrentes de la fonderie (laminage, forgeage, extrusion…) peuvent s’imposer lorsqu’on privilégie des formes simples. Au contraire, lorsqu’il s’agit de formes complexes, pour des raisons esthétiques mais aussi pour des raisons fonctionnelles, la pièce moulée a toute sa place et montre souvent sa supériorité.
Des matériaux cuivreux aux multiples patines
Piano à queue Pleyel.
Sur le plan esthétique, les métaux cuivreux (laiton, bronze, cupro-aluminium, cupro-nickel) utilisés en fonderie présentent de réelles qualités décoratives car ils sont naturellement colorés et possèdent des tonalités variées et chaudes. De plus, ils se prêtent mieux que la plupart des autres métaux à la coloration artificielle (patine).
Presque tous les tons de gris, vert, rouge, bleu, jaune, brun et noir peuvent être obtenus par immersion. Les patines de brun foncé, bronze antique, canon de fusil, cas particuliers de coloration qui donnent au métal un aspect à la fois coloré et vieilli sont le fait de traitements de surface typiques des métaux cuivreux.
L’acier moulé pour les structures
Viaduc de Millau.
L’acier moulé tire également son épingle du jeu. Il est utilisé en particulier dans l’architecture par exemple pour les nœuds d’assemblages du Centre Georges Pompidou, de la passerelle Simone de Beauvoir ou ceux du stade Charlety (Paris).
Il peut recevoir une kyrielle de couleurs, de brillances, de reliefs par des traitements de surface et des peintures.
L’aluminium anodisé prend des colorations très variées
Finitions par anodisation de pièces en alliage d’aluminium – palette des couleurs possibles Crédit photo CTIF.
Signalons aussi l’anodisation de l’aluminium qui offre un fort potentiel de choix pour le design tout en améliorant la résistance de la surface. Par immersion dans un bain d’électrolyse contenant un acide sulfurique ou chromique, l’aspect superficiel de l’aluminium peut prendre différentes couleurs : gris, noir, bleu, rouge, jaune, or,… Les nuances de teinte obtenues varient également en fonction de l’alliage et de l’état de surface initial (brut, poli). Dans d’autres cas, l’anodisation est utilisée pour assurer un meilleur accrochage de la peinture et permettre à la pièce moulée de bénéficier d’une palette encore plus large de finitions.
Les pièces en alliage de zinc
Interrupteur en alliage de zinc moulé Zamak.
Les pièces en zinc très largement employées dans les équipements de sport, le mobilier, l’automobile, le luxe font souvent l’objet d’un traitement de surface pour renforcer leur attrait. Les traitements de surface les plus courants sont électrolytiques pour le cadmiage, l’étamage, le nickelage ou le chromage. Par ailleurs, la cataphorèse allie une coloration en noir à une meilleure résistance à la corrosion. Le cuivrage, quant à lui, permet d’obtenir une couleur rouge, un aspect brillant ou mat, offrant une facilité de polissage et diverses patines possibles. L’emploi de revêtements à base de polymères connaît aussi un large développement. Ces derniers présentent la propriété de résister à la corrosion et des qualités décoratives. La peinture époxy peut être appliquée sur tous les métaux moulés. L’épaisseur typique est de l’ordre de cent micromètres. Dans d’autres cas, le revêtement est choisi et mis en œuvre de différentes manières : pistolet électrostatique, lit fluidisé, trempé, trempé à chaud.
La fonte brute ou émaillée
Corbeille Flore en fonte avec couvercle en aluminium.
La fonte se prête bien à être revisitée par les designers. Très utilisée pour les ustensiles de cuisine ou le mobilier urbain, elle trouve aussi sa place dans le mobilier intérieur (piétements de table, appareils de chauffage, …). A l’état brut, la fonte présente un éclat métallique gris mat qui évoque une certaine rusticité. Puis, sa surface rouille assez rapidement, cet aspect peut d’ailleurs être recherché, le phénomène de corrosion s’arrêtant ensuite spontanément.
L’émaillage est parfois retenu car il peut être décoratif avec une large palette de couleurs ou constituer une forte barrière contre la corrosion à froid ou à chaud ou encore conjuguer les deux. L’émaillage étant fragile, il importe de prendre des précautions contre les chocs. Les besoins en matériaux évitant la prolifération des bactéries pourraient relancer ce traitement.
La rugosité des surfaces, un atout
La couleur ne recouvre qu’un aspect de la question. L’aspect visuel (hormis la couleur) ou la sensation au toucher de la pièce en est un autre. D’ailleurs, la tribologie sensorielle est une science en plein essor. La rugosité des surfaces de la pièce brute de fonderie joue sur l’esthétique. Pendant longtemps, on a jugé qu’elle représentait un inconvénient. Cet aspect rustique revient aujourd’hui à la mode.
De multiples effets de surface possibles
De toute façon, les traitements de surface (polissage, sablage, brossage, grenaillage, galetage, brunissage) permettent d’y remédier en obtenant de multiples effets de surface : du plus grossier (sablage) au plus lisse (polissage, galetage,…), du plus orienté (brossé, pommelé, moleté) ou plus aléatoire (brut), du moins décoratif (aspect originel du métal) au plus décoratif (nickelage, laitonnage). Le chromage décoratif, quant à lui, consiste à déposer du chrome afin d’obtenir des pièces à l’aspect brillant et poli (effet miroir). Cet état de surface est très présent dans les salles de bains. Le nickelage permet d’améliorer l’apparence des pièces en cuivre ou en laiton, de leur donner un aspect brillant et éventuellement poli.
La beauté et l’utilité ne sont pas antinomiques
Rouges à lèvres LipTwins Yves Saint Laurent Crédit photo Yves Saint Laurent.
De plus, le design n’est plus l’apanage des produits haut de gamme. Il s’est démocratisé et concerne aussi les objets de la vie quotidienne. Par conséquent, la valeur utilitaire de l’objet devient plus importante. Le philosophe et économiste Adam Smith (1723-1790) expliquait d’ailleurs que la beauté et l’utilité ne sont pas antinomiques : « L’utilité est l’une des principales sources de la beauté… La capacité d’un système ou appareil à s’acquitter de la fonction pour laquelle il a été conçu lui confère une certaine propriété et une certaine beauté qui en rend la simple pensée et contemplation agréables » (1759).
Les métaux et alliages possèdent de nombreux atouts
Les métaux et a fortiori, les alliages métalliques présentent un certain nombre de propriétés physiques, chimiques et mécaniques qui permettent de fabriquer des produits particulièrement fonctionnels et performants. La technique de fonderie permet de réaliser des pièces à parois épaisses (donc massives) ou minces: elle est particulièrement adaptée par exemple pour le mobilier intérieur – pieds de table ou de siège – car elle procure à l’objet une bonne stabilité. Mais elle se prête également à la fabrication de pièces minces d’objets nomades (ordinateurs portables, téléphones mobiles).
L’utilisateur, au cœur de la préoccupation du designer
Jante automobile en alliage d’aluminium moulé.
Les designers se penchent de plus en plus sur l’ergonomie de l’objet qui répond à une demande croissante des consommateurs pour des raisons sociétales (amélioration des conditions de travail, place grandissante accordée au bien-être, au confort, aux loisirs, à la différence entre les individus, vieillissement de la population, augmentation de la taille des individus…). Elle a pour objectif d’améliorer le bien-être et le confort de l’utilisateur. Elle relève du design car elle replace l’utilisateur au cœur de la réflexion et du processus de conception du produit et contribue à humaniser la technologie par la prise en compte de la sécurité et de valeurs éthiques. Un objet au design particulier peut combiner ainsi des qualités ergonomiques, fonctionnelles et esthétiques.
Le design, très en amont dans la conception du produit
Etant donné la diversité et la complexité des formes obtenues en fonderie, la pièce moulée métallique présente un avantage sur le plan ergonomique qui est valorisé par exemple dans le domaine du mobilier urbain (bancs publics, assises diverses, sièges de TGV) ou dans d’autres secteurs : boîtiers d’ordinateur portable, capotages et boîtiers en magnésium pour téléphones mobiles, appareils photos, terminaux de paiement, mobilier de bureau, décapsuleurs, poignées de porte, poignées de casseroles, ustensiles de cuisine, appareils médicaux, deux-roues, contrepoids de chariots élévateurs … Jusqu’aux années 80, les designers se concentraient essentiellement sur l’aspect artistique, sur le style. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La définition du design industriel se rapproche du domaine de la recherche et développement.
Ouvrage en vente : Le design fond pour le métal