La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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samedi 05 Sep, 2015
Catégorie : Selon la presse

La promotion d’un produit d’exception dans un marché confidentiel

« Que Dieu tout-puissant vous bénisse, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. »A la minute où le père Peter Nicola, curé de Salem en Allemagne du Sud, achève sur un ample signe de croix sa bénédiction du bronze en fusion, l’équipe d’André Voegelé est sur le qui-vive. Sur un signe du maître fondeur, la poche fumante bascule lentement. Une rivière de métal porté à 1.150° centigrade ondoie vers une ouverture pratiquée en contrebas dans le sable, protégée de quelques briques. L’alliage de 78 % de cuivre et de 22 % d’étain va garnir en quelques minutes le moule de terre cuite mêlée de paille et de crottin de cheval. Il est enfoui dans le sable pour résister à la pression. Chaque détail compte : le crottin est indispensable pour prévenir les fissures dans l’argile.

Coulée dans le respect de la tradition chrétienne vendredi 10 juillet à 15 heures, en souvenir de la Passion et de la mort du Christ, la cloche sera libérée après une semaine de refroidissement de sa fosse de sable avant de passer à la finition et au polissage. D’une masse de 1.150 kilogrammes, accordée en mi-bémol 3eoctave, Emilie-Carissime sera baptisée en la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi, qui l’attend avec impatience. Fourniture de la cloche et de son joug de chêne, transport et installation tout compris sont revenus à 38.000 euros à la communauté. La plus ancienne cloche d’Alsace, celle de Saint-Georges à Haguenau fondue en 1268, a connu vraisemblablement la même histoire.

« La fonte de cloches est très spectaculaire mais ne représente que de 10 % à 15 % de notre activité. Nous produisons de 20 à 30 coulées par an. Nous faisons beaucoup de restauration de carillons, d’horloges et de cadrans, de maintenance et de restauration dans les clochers », tempère André Voegelé. Sourire en coin, il ajoute : « La foudre travaille souvent pour nous ! »Il est le quatrième du nom à la tête de cette entreprise employant
11 personnes, qu’il dirige avec sa femme Cathie. Fondée par son arrière-grand-père Auguste en 1908, l’affaire débute dans l’installation électrique et sanitaire avant de se spécialiser vers les mécanismes d’horlogerie. La motorisation et l’automatisation des clochers permettent à l’entreprise de proposer des mécanismes imitant parfaitement les sonneries manuelles d’autrefois. Mais la grande affaire reste la fabrication des cloches elles-mêmes. La fonte attire en général les paroissiens, qui ont financé l’instrument, et un prêtre. Mais la confection minutieuse du moule, exactement comme au XIIIe siècle, demande infiniment de soins et de patience. Le noyau d’abord puis la fausse cloche sont tournés au juste profil au moyen d’une planche à trousser, les motifs sont rapportés à la cire.

C’est le dessin de ces courbes et la masse de métal mise en jeu qui détermineront la note de la future cloche. Car chaque cloche s’inscrit dans un accord bien précis en harmonie avec ses soeurs dans le clocher : « Dans notre quartier de Koenigshoffen, les deux clochers, le catholique et le protestant, ont harmonisé leurs carillons », note André Voegelé. Contrairement aux techniques contemporaines, le moule de terre et de paille est perdu et retourne à la nature. Mais cette pratique évite le coûteux recyclage des sables de fonderie. Le fondeur strasbourgeois, l’un des quatre qui exercent encore en France, est très attaché aux traditions qui font de chaque cloche une pièce unique. Les siennes sonnent en France mais aussi dans toute l’Europe et jusqu’en Bolivie ou au Vietnam.

André Voegelé prend le temps d’ouvrir son atelier et d’expliquer longuement son métier. « Je développe aussi les fontes au pied des clochers. C’est tout à fait réalisable avec un four construit sur place en quelques heures, pour des cloches jusqu’à 500 kilogrammes. Nous le ferons en septembre à Montcusel, dans le Jura, et à Fameck, en Moselle », annonce l’artisan d’art, détendu après la coulée d’Emilie-Carissime. Le maître fondeur a notamment fabriqué ainsi des dizaines de cloches en 2000 dans un atelier temporaire au mont Saint-Odile, haut lieu chrétien de l’Alsace.

A ses yeux, cette pratique crée du lien social dans la communauté et facilite la promotion d’un produit d’exception dans un marché confidentiel : « Ainsi, le sujet est plus facile à présenter pour les maires qui financent. La cloche exerce encore une grande fascination sur le public », dit-il.
Retrouvez les articles parus de la Série d’été sur www.lesechos.fr
ANTOINE LATHAM – DE NOTRE CORRESPONDANT À STRASBOURG

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/27/07/2009/LesEchos/20473-075-ECH_andre-voegele–un-siecle-d-art-campanaire.htm#jeiC3x1csvqtBW3j.99

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