« Patron voyou », « cynisme froid », « décision inique », « exécution à la veille de Noël » :
le groupe Renault est accusé d’avoir fait capoter un projet de reprise de la Fonderie de Bretagne, à Caudan, dans le Morbihan. Des attaques que conteste le constructeur automobile. 350 emplois sont menacés.
Après une visioconférence avec le Ministre délégué à l’Industrie Marc Ferracci, la direction de la « Fonderie de Bretagne », a annoncé ce 20 décembre 2024 l’échec des négociations pour la reprise du site de Caudan dans le Morbihan.
« La Fonderie de Bretagne froidement exécutée par Renault Group à la veille de Noël », selon la direction
Selon FDB, le groupe automobile a refusé de valider les termes d’un projet de reprise par le fonds Private Assets.
« Cette décision inique condamne la faisabilité du projet de reprise et va provoquer à très court terme la fermeture de l’entreprise, la perte de 350 emplois et le démantèlement d’un actif industriel de grande qualité », », a tancé la direction du site, en faisant part de « son profond dégoût et sa colère face au cynisme froid de Renault », qui « exécute froidement « La Fonderie de Bretagne » à la veille de Noël. ».
La réaction de Jérôme Dupont, le directeur de la « Fonderie de Bretagne »
Ancienne filiale de Renault, FDB avait été vendue en 2022 au fonds d’investissement allemand Callista Private Equity, au terme, déjà, d’une longue lutte sociale. Mais le groupe automobile est resté le principal client de la Fonderie, représentant 95% de son chiffre d’affaires en 2024.
En grave déficit, FDB, dont les salariés produisent des pièces en fonte pour les suspensions comme pour les échappements, a entamé en juillet des négociations avec le fonds d’investissement allemand Private Assets pour sa reprise.
Ce fonds, déjà propriétaire d’un groupe de fonderies en Allemagne et en Espagne, Procast Guss, s’était engagé à apporter 11 000 tonnes de production au plan de charge, selon la direction de FDB. Mais, après une ultime réunion de négociation lundi, « il manquait de la visibilité sur les volumes commandés par Renault pour les années 2025, 2026 et 2027 pour finaliser un accord », a souligné la Fonderie de Bretagne.
« Renault refuse d’apporter suffisamment de visibilité », selon le Ministère
Contacté par l’AFP, le cabinet du ministre de l’Industrie a également indiqué que Renault « refusait d’apporter suffisamment de visibilité sur la part de marché de leurs commandes. Or cette visibilité est nécessaire pour permettre tout projet de reprise industrielle ».
« Renault doit désormais faire face à ses responsabilités et assumer les conséquences des décisions qui seront prises », a ajouté l’entourage du ministre démissionnaire Marc Ferracci.
Renault renvoie la balle
« Les engagements de Renault Group étaient connus de tous les acteurs depuis des semaines », a rétorqué Renault auprès de l’AFP, imputant l’échec du projet de reprise « au désengagement soudain de Private Assets, alors que tous les acteurs avaient fait un effort ».
Le groupe au losange souligne ainsi avoir « confirmé son engagement à hauteur de 35 millions, soit 65 % du financement » et avoir « toujours soutenu la Fonderie de Bretagne via des commandes et la couverture de pertes ».
« Patron voyou » selon la CGT
À l’annonce de l’échec des négociations, la numéro 1 de la CGT Sophie Binet a quant à elle qualifié Renault de « patron voyou » qui « laisse fermer des entreprises industrielles très solides, sachant que ça fait quatre ans qu’on travaille sur la diversification et qu’il y avait tout un réseau d’entreprises qui elles, contrairement à Renault, s’étaient engagées ».
Sur le site morbihannais de Caudan, le délégué du syndicat CGT, Maël Le Goff a, lui aussi, dénoncé la politique du constructeur.
« Renault a décidé de délocaliser sa production en 2021. Ils ne veulent pas s’engager sur des volumes, car ils se sont déjà engagés avec des fonderies à l’étranger. Après des années de lutte, c’est compliqué à absorber », a ajouté le syndicaliste, décrivant des salariés partagés entre « la haine, les pleurs, le dégoût, le silence et la révolte ».
« Du cynisme » selon les élus bretons
Dans un communiqué commun, Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne, et Fabrice Loher, président de Lorient Agglomération, maire de Lorient, et ministre il y a encore quelques jours, ont également dénoncé le « cynisme dévastateur » du constructeur automobile.
« Renault doit assumer publiquement cet abandon et prendre ses responsabilités » a indiqué Fabrice Loher qui « salue les efforts consentis pour trouver un avenir à ce site industriel aujourd’hui modernisé », et appelle à « rester engagés pour une reconversion ».
Ce désengagement marque « une trahison inacceptable envers les salariés et le pays tout entier », commente de son côté Loïg Chesnais-Girard, le président de région. « J’appelle à une prise de conscience collective et à une mobilisation immédiate pour préserver ce qui reste de notre industrie et pour éviter que d’autres drames similaires ne se produisent. Notre avenir industriel mérite mieux que ce renoncement irresponsable ».
Cynisme, c’est encore le terme employé par le député écologiste de Lorient, Damien Girard : « le groupe aux résultats records net de 2,3 milliards d’euros en 2024 condamne 300 emplois industriels bretons, 300 familles. Cette décision avant les fêtes de fin d’année est non seulement irresponsable, mais aussi purement cynique ».
Héritière des Forges d’Hennebont, créées en 1860, la Fonderie de Bretagne est implantée à Caudan depuis 1965.
(Avec l’AFP)