On est en 1953, la France est à la veille de se convertir aux joies de la société de consommation. Et cet engin qui siffle comme un petit train va devenir une arme de libération des femmes. Pour celles qui travaillent à l’extérieur comme pour celles qui restent au foyer, fini les longs mijotages. Ces heures passées en cuisine pour réussir blanquettes, petit salé aux lentilles et autres. Avec Cocotte-Minute (la marque est rachetée par SEB en 1965), on compte désormais en minutes.
Françoise Bernard superstar
Depuis Denis Papin et sa machine à vapeur, on savait bien que la pression (qui fait monter la température et donc accélère la cuisson) était idéale en cuisine. Problème : il arrivait aux autocuiseurs en acier d’exploser sous l’effet d’impuretés dans le métal. L’adoption de la fonte d’aluminium, et l’invention d’un couvercle doté d’une soupape et de trois points de sécurité y remédieront. Mais cette innovation n’aurait pas suffi à populariser la Cocotte-Minute. L’astuce de SEB, raconte son actuel directeur général délégué, Bertrand Neuschwander, « c’est précisément de ne pas avoir présenté sa cocotte comme une nouveauté exclusivement technologique. C’est le livre de Françoise Bernard, et l’assurance d’un résultat parfait, qui ont été décisifs ». A des années-lumière d’un Raymond Oliver, qui incarne alors la haute gastronomie étoilée sur les écrans de la chaîne unique de télévision, cette ancienne secrétaire de direction (Andrée Jonquoy pour l’état civil), au physique rassurant de mère de famille, avait déjà fait découvrir aux Françaises les bienfaits de la margarine Astra sur les ondes de Radio Luxembourg.
Son livre « Les Recettes faciles », offert à chaque acheteur de la cocotte, revisite et adapte au nouvel appareil les grands standards de la cuisine ménagère, rôti de porc pommes boulangère, poires au vin, boeuf bourguignon… Il s’en écoulera 10 millions d’exemplaires. Le groupe SEB a fait, depuis, travailler des chefs tendance comme l’Anglais Jamie Oliver. Engagé dans le combat contre la « malbouffe », celle des cantines scolaires notamment, il partage avec Françoise Bernard, à deux générations d’écart, le goût des plats familiaux sans chichis.
Progressivement la Cocotte-Minute devient synonyme d’autocuiseur. De 130.000 pièces commercialisées en 1954, les ventes bondissent à 800.000 dix ans plus tard, pour culminer exactement à 1.727.733 unités en 1975, l’année de tous les records. Outre ses avantages « gain de temps », elle a le mérite d’économiser les kilowattheures. Un plus indéniable bien avant que les considérations sur le développement durable n’entrent en ligne de compte !
Et puis la cocotte a su évoluer au fil des années. Elle s’habille d’acier Inox (indispensable pour se vendre en Italie), revêt des décors colorés. Pour rallier les réfractaires qui trouvent malaisé le système d’ouverture, la cocotte adopte le couvercle à manche baïonnette. Ce sera le modèle Sensor, apparu dans les années 1980, qui contribuera à la populariser partout dans le monde, notamment en Asie. En 1994, Clipso fait perdre à la cocotte son sifflet, remplacé par un système d’ouverture automatique. En plus de sa discrétion, ce nouveau modèle diffuse moins les odeurs et sa manipulation en est encore simplifiée, un clic suffit pour la fermer.
Cadeau aux copains divorcés
En près de trois quarts de siècle, la Cocotte-Minute a vu débarquer bien des concurrents. A commencer par l’universel micro-ondes, les mijoteurs électriques, les cuit-vapeur… Et récemment, le Compagnon, le robot SEB préparateur culinaire capable, en plus, de cuire. Ou bien encore Nutri Cook Connect, le multicuiseur qui préserve les propriétés organoleptiques des aliments (vitamines, sels minéraux…). Intelligent, il tient compte des goûts de l’utilisateur, du nombre de convives et de ce qui reste dans le réfrigérateur…
Mais si, comme l’explique Bertrand Neuschwander, « la cocotte continue à aussi bien se vendre, c’est qu’elle répond à des attentes multiples. Avec un seul appareil, vous pouvez réussir un nombre étonnant de plats. Y compris des desserts, comme les flans à la portugaise. » Utilisateur lui-même (il ne craint personne sur le poulet basquaise), la cocotte est le premier cadeau qu’il offre « aux copains qui divorcent ».
Valérie Leboucq
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/journal20150708/lec1_idees_et_debats/021175276044-la-cocotte-minute-arme-de-liberation-massive-1135478.php?elzp1H2QjZ6og8ZC.99#xtor=EPR-7-%5Bmatinale%5D-20150708-%5BProv_%5D-1677695%402
J’ai vraiment du mal avec le terme « fonte d’aluminium »…
Et, bien avant la cocotte, il y avait le (ou la?) bien connu(e) « auto-thermos »…
Plus de 600 000 ont été fabriqués (ées) depuis 1926…
Et la fabrication continue dans une fonderie Française… qui va bien…
http://www.autothermos.fr