Conséquence, un plan social est engagé et 29 personnes de ce site, spécialisé dans les pièces complexes en acier et en fonte pour l’industrie mécanique, se retrouvent au chômage.
Sa sortie du redressement judiciaire il y a quatre mois avait laissé entrevoir quelques espoirs. Mais, l’entreprise n’a pas respecté son plan d’étalement de la dette auprès de l’Urssaf, qui l’a assignée devant le tribunal de commerce. « C’est une catastrophe, même si nous étions préparés à cette conclusion », a réagi Didier Caminade, maire de Cuzorn et président de Fumel communauté.
Pour mémoire, le 3 mars 2015, le tribunal de commerce de Chambéry (Savoie) avait validé le plan de reprise de ce site métallurgique, qui prévoyait la suppression de 106 emplois sur un total de 136. Avec à sa tête, un ancien directeur du site, Francis Pozas, comme propriétaire de la société, qui n’employait plus alors que 42 personnes. La région et le département avaient à ce moment-là débloqué chacun 200 000 euros d’avances remboursables pour faciliter la reprise.
La fin d’une histoire débutée en 1847
« Après Tarkett et la fonderie Rybaki, c’est un gros coup encore pour l’emploi sur le Fumélois. Mais je ne suis pas étonné, c’était voué à l’échec au vu du plan de continuation », estime José Gonzalez, ancien salarié de l’usine, qui fut à la pointe du combat syndical.
Ces dernières années, deux plans sociaux avaient déjà engagés, en 2014, avec 67 emplois supprimés, et en 2015, avec la suppression de 87 postes. Créé en 1847, ce site métallurgique de Fumel a compté jusqu’à 5 500 emplois directs et indirects. Il a subi deux dépôts de bilan en 2003 et en 2009, ainsi qu’une mise en cessation de paiement en 2013.
Nicolas César
L’usine Métal Aquitaine liquidée, 38 salariés licenciés selon la Dépêche
Le tribunal de commerce d’Agen a prononcé la liquidation de Métal Aquitaine, ce lundi matin. Les 38 salariés étaient au travail, lorsqu’ils sont appris la nouvelle. C’est la fin de 171 ans d’histoire.
Ils sortent au compte-gouttes, seuls ou en petit groupe de deux ou trois. Passent une dernière fois le tourniquet à côté du portail bleu de l’entrée, longent le sas et le poste de sécurité, franchissent la grille, le passage piéton et rentrent chez eux. Visages fermés, ils portent un sac en plastique dans lequel ils ont rassemblé leurs affaires. Un sac de course, un sac-poubelle, pour transporter une vie à l’usine.
« On est liquidé ». Le texto de Nicolas Narice, délégué CGT de l’usine Métal Aquitaine de Fumel est lapidaire. C’est à lui qu’est revenu ce lundi matin d’annoncer la nouvelle aux 37 autres salariés de l’usine. « J’ai appelé le greffe du tribunal de commerce à 9 heures. On m’a annoncé qu’on était liquidé. Avec effet immédiat »
Dette à l’Urssaf
Depuis quelques jours, syndicats et ouvriers ne se faisaient guère d’illusion sur la finalité de la procédure judiciaire engagée : « On avait compris qu’à partir du moment où l’entreprise n’avait pas respecté le jugement du tribunal après la sortie du redressement judiciaire en janvier, on allait dans le mur. L’audience de mardi 29 mai au tribunal de commerce d’Agen ne laissait guère d’espoir sur le jugement mais on était bien obligé de l’attendre pour savoir. » En cause, le non-paiement de la dette à l’Urssaf : « En plus, ils n’ont pas payé la part salariale de l’Urssaf des deux derniers mois… », souffle encore Nicolas Narice, aux portes de l’usine.
«Triste, abattu, désespéré»
La sentence était autant redoutée qu’annoncée. « Mais on espérait avoir une semaine ou 15 jours de battement, pour terminer d’usiner les pièces produites, histoire de préparer la fin et faire la paye de mai », explique Michel Freyne, syndicaliste CGT lui aussi. Lucides sur l’état de l’entreprise et l’échéance qui les guettait, les 38 salariés ne feignent pas la surprise. Nicolas Narice renchérit : « Ce lundi, tout le monde est venu bosser à 6 heures. Les machines ont tourné jusqu’à 9 heures. On attendait le jugement. La semaine dernière, on avait préparé les gars en les motivant pour bosser au moins une semaine de plus. Usiner les pièces, livrer les clients, ça permettait de toucher le salaire. Et là ce matin, je leur ai annoncé qu’en fait ça ne servait à rien. On pensait vraiment avoir le temps de se préparer, pas que ce soit aussi brutal et violent. On a pris un gros coup sur la tête, tout le monde est triste, abattu, en colère. Désespéré. »
La paye de mai
En arrière-plan, aussi, l’amertume du dernier plan social de 2015 : « Certains n’ont pas eu le choix de rester », rappelle Nicolas Narice. « Certains postes étaient listés comme indispensables pour faire tourner l’entreprise. Ceux-là ne vont pas partir aujourd’hui avec les mêmes avantages que s’ils avaient quitté la boîte en 2014 ou 2015. » Le délégué CGT, 40 ans, entré à l’usine en 2006, et qui vit là son 6e plan social, reste sur place pour avoir des réponses : « On a rendez-vous ce mardi à 10 heures à l’usine avec la liquidatrice. Les salariés doivent désormais rester chez eux en attendant les lettres de licenciements. Mais on a besoin de savoir comment vont être payés les salaires de mai, toujours pas versés. Et à quoi on va avoir droit. » L’usine a définitivement fermé ses portes lundi après-midi. Sur 38 emplois. Sur une entreprise. Sur une industrie. Sur 171 ans d’histoire locale.
Caminade : «On va raser les bâtiments au plus vite»
Le président de la communauté de communes Fumel Vallée du Lot, Didier Caminade, n’était pas surpris de la décision du tribunal de commerce : « On est allé au bout de ce qui était acceptable. Le plus surprenant, c’est plutôt que le tribunal ait permis à l’entreprise de continuer en janvier dernier car au final, rien n’a changé depuis, si ce n’est de nouvelles dettes. » Le responsable de la collectivité, propriétaire des murs de l’usine depuis 2008, a fait ses comptes : « Il reste encore 1 million d’euros de prêt à rembourser qui ne seront plus couvert par les loyers. Depuis 2008, entre le crédit et les loyers non payés, l’usine a coûté 3,5 millions à la communauté de communes. Depuis cette date, personne n’a jamais investi dans l’usine. Elle meurt à petit feu depuis.»
Projet phovoltaïque, écoquartier…
Quid du site ? « On va raser les bâtiments rapidement pour éviter de continuer de payer la taxe sur le foncier bâti. Pour le reste, des projets ont été évoqués. Un porteur de projet photovoltaïque nous avait contactés. On pourrait aussi construire un écoquartier… Mais ce ne sont que des pistes, rien n’est décidé. » Seul projet sur les rails, celui, touristique, de la Machine de Watt, cette gigantesque soufflerie qui alimentait les hauts-fourneaux et qui sera réhabilitée avec l’aide de la région nouvelle Aquitaine, ainsi que la maison de direction voisine, transformée elle en espace muséal.
Métal Aquitaine en dates
4 juin 2018. Maintes fois annoncée, la liquidation de l’usine a finalement été prononcée hier matin par le tribunal de commerce d’Agen. Sur le carreau 38 salariés, qui rejoignent la cohorte des précédents plans sociaux, dont les deux derniers en date en 2014 et 2015 avaient déjà vu la perte de 67 et 93 emplois. Retour sur 171 ans d’histoire.
1847. Création de la SMP, Société métallurgique du Périgord, sur le site de Fumel.
XXe siècle. Surnommée « l’usine des tuyaux » en raison de la fabrication de conduite d’eau potable en fonte, elle se diversifie et fabrique des plaques d’égout, des candélabres, des haltères ou des bornes-fontaines.
1914-1918. Les « munitionettes » fabriquent 2500 obus chaque jour pour soutenir l’effort de guerre.
1942. Pont-à-Mousson, propriétaire de l’usine, dote la ville d’un complexe sportif : le stade Henri-Cavaillé. L’usine, qui détient le barrage et son usine électrique, une briqueterie, pourvoit à tout.
1970. Selon les sources, l’usine Saint-Gobain-Pont-à-Mousson emploie dans les années 1970 3 000 à 3 500 personnes. C’est le deuxième centre industriel d’Aquitaine.
30 janvier 1977. Le centre Beaubourg est inauguré à Paris. Les 28 tubes de 49 mètres de haut pour 85 cm de diamètre sont une prouesse technique directement sortie de l’usine Saint-Gobain Pont-à-Mousson de Fumel.
1988. L’usine devient la Sadefa (société aquitaine de fonderie automobile).
2003. Les 480 salariés reprennent l’usine sous le nom de Fumel D, jusqu’en 2007.
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2008. L’Italien GianPiero Cola reprend le site qui devient MetalTemple Aquitaine jusqu’aux plans sociaux de 2014 et 2015.
2015. Après deux plans sociaux et 140 suppressions d’emplois, l’usine est reprise par le duo d’actionnaires Pozas-Royer. En 2018, l’usine de Fumel emploie 38 salariés.
Luc TALLET
Triste nouvelle pour cette belle entreprise