La crise a bousculé l’économie mondiale. Le choc a accéléré le recentrage du pouvoir économique au profit des pays émergents. Le monde développé est – souvent – confronté à une croissance atone ; le Sud monte en puissance et commence à faire jeu égal avec le Nord dans beaucoup de domaines de la technologie et de l’innovation. Ce constat amène les pays riches à un changement de paradigme spectaculaire : il consacre le retour en grâce de l’industrie.
Ces dernières années, la thèse selon laquelle le basculement d’une économie basée sur l’industrie vers une économie de services était inéluctable a fait florès. Comme, en géopolitique, certains annonçaient la fin de l’histoire, d’autres anticipaient une économie sans usines. Considérée comme polluante, sale, associée à des luttes sociales d’un autre âge et à des conditions de travail difficiles, l’industrie s’est vue, ces deux dernières décennies, affublée de tous les maux. Les politiques industrielles qui avaient accompagné les « trente glorieuses » – de l’après-guerre à la fin des années 1970 – ont été mises entre parenthèses.
Elites politiques et économiques se sont mises à croire que l’industrie n’avait plus réellement sa place dans la création de richesse d’une nation moderne.
La crise provoque aujourd’hui un réveil douloureux. La réalité s’impose : sans industrie, difficile de créer de l’emploi, de nourrir la croissance et, finalement, de maintenir son rang économique à l’échelle de la planète. « La France ne sera pas un grand pays si elle n’a pas d’industries », martèle, avec raison, Nicolas Sarkozy dans ses discours.
Cette prise de conscience est tardive, et les dégâts provoqués par la consécration de la société « postindustrielle » sont considérables. En quinze ans, la France a perdu 500 000 emplois industriels. Sur les vingt-cinq dernières années, le poids de l’industrie dans notre économie est resté stable en volume (à 17 %), mais a reculé en valeur (de 21 % à 12 %).
On a cru un temps que la perte serait compensée par la croissance des services. Mais on a un peu vite oublié que l’industrie constituait le premier client des services et que, si l’on faisait disparaître la première, on ne pourrait pas faire prospérer les seconds.
Le discours est le même aux Etats-Unis et dans toute l’Europe : vive l’industrie ! L’Europe économique s’est largement construite ces dernières années au travers du prisme du droit de la concurrence et de la protection du consommateur – au détriment d’un renforcement des champions nationaux et d’une politique industrielle à l’échelle européenne. Pendant ce temps, la Chine, la Corée ou l’Inde s’éveillaient, tandis que l’Allemagne, le Japon et les Etats-Unis consolidaient leur stratégie industrielle.
L’Europe semble enfin prête à instaurer un système de réciprocité dans les échanges. Ce n’est pas du protectionnisme, c’est du bon sens. La naïveté qui voulait que tout le monde sorte gagnant d’une mondialisation heureuse ne semble plus de mise. Il était grand temps.
Article paru dans l’édition du 06.01.11
Enfin un peu de bon sens qui pointe son nez
Jacques W
Beau discours. En retard d’une bonne décénie, mais mieux vaut tard que jamais comme dit le proverbe. La tâche me semble néanmoins difficile à accomplir vu le contexte mondial actuel.