Automobile : la production française au plus bas depuis les années 1960
En 2024, les usines françaises n’ont produit que 1,34 million de voitures. La faute à Stellantis, qui opère le plus grand nombre d’usines dans l’Hexagone et a touché le fond l’an dernier.
Les espoirs de voir la production automobile française retrouver ses niveaux d’avant-Covid s’évaporent chaque année davantage. La production de voitures et de fourgons a chuté de 11 % l’an dernier, revenant à un niveau inédit depuis les années 1960, hors Covid, d’après les données définitives des constructeurs obtenues par « Les Echos ».
Avec 1,34 million d’unités produites en 2024, les usines d’assemblage françaises repassent sous le niveau atteint en 2021, alors que l’industrie se débattait avec la crise des semi-conducteurs et les perturbations logistiques. Pire, la production ne dépasse plus que de 40.000 exemplaires celle de 2020 frappée par le grand confinement et les arrêts à répétition.
Cette catastrophe industrielle est exclusivement due à Stellantis. Le groupe américano-franco-italien est le constructeur qui a conservé le plus grand nombre d’usines en France. Or, il a traversé une année noire en 2024 : sa production hexagonale a chuté de près d’un quart (-23 %).
Seuls 565.000 voitures et vans sont sortis des lignes de montage de ses cinq usines hexagonales, contre 737.000 en 2023. Soit un trou de 172.000 voitures, aussi profond que si une usine avait été rayée de la carte. Alors que Stellantis produisait la moitié des voitures « made in France » en 2023, il n’en assemblait plus que 42 % l’an dernier.
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Le groupe a d’ailleurs subi la même reculade industrielle dans l’ensemble de ses sites européens. Sa production y a fondu de 20 % en 2024. Cela traduit notamment une division par deux de sa production de voitures électriques, d’après les éléments obtenus par « Les Echos ». Au total, toutes motorisations confondues, le recul de Stellantis explique 60 % de la baisse de 6,2 % de la production européenne.
Pour parvenir à un tel étiage, le constructeur a enchaîné les déconvenues. Il a continué à concéder des parts de marché à ses concurrents en France et en Europe, où sont vendus les modèles produits en France. En parallèle, le groupe s’est appliqué à réduire ses stocks durant l’année 2024 en jouant sur une baisse des cadences de ses lignes d’assemblage.
Problèmes d’approvisionnement
Il a aussi subi en fin d’année des ruptures d’approvisionnement sur certaines pièces à Sochaux et pour ses véhicules utilitaires assemblés à Hordain. Des péripéties de dernière minute qui lui ont fait perdre quelque 20.000 unités sur ces deux sites, par rapport aux prévisions de production du groupe datant de l’automne.
Le groupe a également été pénalisé par le cycle de vie de ses modèles. Rennes, Sochaux et Poissy ont vu logiquement leur production décroître pour cause de renouvellements attendus des modèles en fin d’année 2024 ou en 2025, de la Peugeot 3008 à la Citroën C5 Aircross en passant par l’Opel Mokka.
Quant à Mulhouse, la chute d’un quart de la production des citadines Peugeot 308, berlines 508 et DS7 e-Tense symbolise le recul de la marque au lion en Europe, à la fois à cause des problèmes d’image liés aux défauts du précédent moteur PureTech et à des tarifs de ventes très élevés.
Renault en meilleure forme
De son côté, Renault s’en sort nettement mieux, avec une production en hausse de 2 %, à 486.960 unités, en incluant les véhicules utilitaires. Son potentiel de production dans l’Hexagone a toutefois été affaibli par les décisions de délocalisation de l’ère Ghosn.
La grande majorité des voitures du groupe sont produites en Turquie (pour la Clio) ou en Espagne (l’essentiel de la gamme thermique de Renault), tandis que Dacia a construit son succès depuis la Roumanie et le Maroc. En France, le site de Flins a été sauvé de la fermeture, mais au prix d’une reconversion dans l’économie circulaire. L’usine a comme prévu cessé d’assembler des voitures après avoir livré début 2024 ses 2.400 dernières ZOE.
La production de voitures particulières en France pour la marque au losange est désormais circonscrite au pôle « electricity » (Nord), qui produit les voitures à batterie. En 2023, la production de l’usine de Douai était restée en deçà des attentes, reflet des difficultés rencontrées par la Mégane E-Tech. La situation s’est un peu améliorée l’an dernier, avec près de 89.930 unités produites, soit près de 40.000 de plus, grâce à l’arrivée du Scénic et la R5 sur les chaînes de montage.
Les quelque 400.000 véhicules restants sont des fourgons et fourgonnettes, qui sortent des usines de Batilly (123.000 Master), Sandouville (137.170 Trafic et assimilés) et Maubeuge (126.000 Kangoo thermiques et électriques).
Le creux de la vague
Toyota suit la même courbe de progression que Renault (+2,1 %, d’après les données du cabinet Inovev), mais avec des volumes moindres. Avec près de 280.000 unités produites (des Yaris et Yaris Cross), son unique base industrielle française, à Valencienne, s’est installée depuis deux ans à la première place des usines françaises, dépassant Sochaux, le site historique de Peugeot.
L’année 2024 représenterait le creux de la vague pour l’automobile française. Grâce à la commercialisation de nouveaux modèles comme les nouvelles Peugeot 3008 et 5008, Stellantis table en interne sur une croissance de ses volumes de production de l’ordre de 20 % cette année, à 678.000 unités. Pas de quoi cependant regagner le terrain perdu l’an dernier. La production de Stellantis en 2025 devrait rester inférieure de 8 % à celle de 2023.
Renault table également sur une nouvelle hausse cette année, grâce notamment à la R5, qui doit faire décoller l’activité à Douai. A Batilly, le nouveau Master doit lui aussi monter en puissance. Enfin, le développement de la marque sportive Alpine devrait à terme doper les capacités de production de sa « manufacture » de Dieppe, où 4.260 A110 ont vu le jour l’an dernier.