«Notre force, c’est la polyvalence» sourit-il. L’homme n’est pas peu fier du savoir-faire des salariés de cette entreprise qu’il a reprise il y a un peu moins de 2 ans. «La fonderie a été créée en 1979 par un Parisien qui voulait être proche de Revel et de ses fabricants de meubles, pour y effectuer des dorures et moulures en bronze. À l’époque, on mettait le prix dans les meubles. C’était un achat pour toute une vie». C’était avant. «Puis la société s’est spécialisée dans le bronze ancien avec des scènes de chasse, des personnages rococo.» Là aussi, ce marché a perdu de son importance. «Aujourd’hui, nos clients sont des collectivités, des associations, mais surtout beaucoup d’artistes.» Ici, on fait dans le bronze classique, moderne, contemporain. «C’est un marché compliqué mais passionnant» avoue Nicolas Parc, lui qui, dans une autre vie, était ingénieur dans une grande société. «C’est vrai que j’aurais eu une existence plus sereine en restant cadre. Mais passé 40 ans, j’ai voulu changer de vie, de carrière. J’ai investi mes économies ici. C’est vrai qu’il faut être un peu fou. Mais c’est la vie que j’ai choisie. Et elle me va très bien.» Dans les hangars de la fonderie, la pause-café est terminée.
ON APPREND LE MÉTIER PAR LA TRANSMISSION
«Faire des objets en bronze, c’est toute une chaîne humaine qu’il faut respecter. Chacun sait ce qu’il a à faire et surtout, bien faire. Il n’y a pas d’école qui forme à la fonderie d’art. Le travail s’apprend sur le terrain et par la transmission.»
Dans une pièce, Clarisse Fabre prépare un moule. «Il faut savoir que l’on ne peut rien faire, si au départ, on ne peut pas s’appuyer sur une sculpture en terre cuite ou cru d’un artiste» enchérit le gérant.
Clarisse sourit. «Je suis la comptable de l’entreprise. Mais petit à petit, j’ai pris goût au travail de l’atelier. Alors, je me suis formée ici, avec les autres salariés.» La jeune femme de 26 ans s’occupe des moulages mais aussi en fin de cycle, des patines. «C’est elle qui est en contact direct avec l’artiste pour la touche finale. Il faut comprendre sa vision, ce qu’il veut exactement. Pour cela, Clarisse est très forte» admet Nicolas Parc.
UN MOULE NE SERT QUE 12 FOIS
Dans l’immense hangar sont stockés plus de 2000 moules.
«Tout est rangé par ordre alphabétique. C’est notre bibliothèque.» Attention. L’utilisation est régie de manière drastique. «C’est simple. On n’utilise un moule que 12 fois». Pourquoi ? «Simplement, avant 12, la TVA est à 5,5 % car considéré comme une œuvre artistique. Au dessus, on passe à 20 %. Alors, après ce chiffre, on casse.» Place au coulage de la cire, puis au travail de polissage pour faire disparaître toutes les aspérités. «Il faut que le travail soit parfait. Si on laisse passer un défaut sur la cire, on le retrouve sur nos bronzes.»
Direction une autre pièce de l’entreprise. Deux hommes face à deux bacs. Claude l’ancien et Clément le jeune. Le premier met délicatement les pièces dans de la barbotine pour durcir l’ensemble. Dans le second bac, Clément pose une couche de céramique. Enfin, les œuvres sont mises au séchage. «Il faut savoir que pour certaines créations, il faut neuf couches. En tout, ce sont plus de dix jours de travail» commente Claude. «Regardez, chaque pièce a un trou. Cela permettra de faire couler la cire durant la cuisson.» Cette cuisson est l’instant le plus délicat de cette chaîne humaine. «Il faut faire très attention» note Nicolas Parc. «On dispose les statues dans le four à 300 ° pour extraire la cire. On sort les pièces pour y intégrer le bronze en ébullition.» Puis on repose le tout. Le lendemain, il faut enlever la céramique au marteau pour faire apparaître le bronze.»Vous croyez que c’est la touche finale? Et bien non.
ICI L’HUMAIN EST FONDAMENTAL
Les créations passent alors dans les mains expertes du ciseleur. Chaque pièce lui demande pas loin de dix heures de travail. C’est l’heure d’appliquer les patines et d’éviter que le bronze ne verdisse. «C’est un travail de mains, d’équipes. Une production artisanale qui fait notre force. Chacun ici est polyvalent. Ainsi, la chaîne de fabrication n’est jamais rompue.» Nicolas Parc conclut avec sa pièce d’exposition. «Ici, il y a tous les bronzes que l’on sait produire. Cela va du «classique» avec des scènes de chasse, des trophées pour le Grand Prix d’Amérique, mais aussi des portraits comme celui de Mandela ou plus rare, cette poire à moitié mangée. Les artistes peuvent, avec cet ensemble, percevoir l’ensemble de notre univers, de nos compétences.» Derrière les murs de la Fonderie du Haut-Lauraguais, se cachent des trésors de savoir- faire, des hommes et des femmes qui se transmettent les techniques de la cire perdue pour créer des pièces superbes. Ici,on travaille le bronze, mais avec des mains d’or.
Vincent Vidal