L’UNION – Par Rémi Havyarimana
La dépollution de la friche Focast a commencé à Villeneuve-Saint-Germain près de Soissons (02)
La dépollution des sols et des eaux souterraines de la friche Focast à Villeneuve-Saint-Germain a commencé en novembre dernier. Des riverains concernés par une contamination de l’air ambiant de leur maison ont été contactés par l’Agence régionale de santé.
Le chantier a démarré au deuxième semestre 2023, derrière les hauts murs de l’ancienne fonderie Focast. L’ouverture ponctuelle du grand portail bleu, rue des Monteleux, permet aux curieux de se faire une idée des opérations en cours. Le bâtiment des matières premières de l’ancienne fonderie Focast, qui abritait deux anciens fours et s’étendait sur 860 m2, a déjà été abattu. Un voisin a vu des tas de déchets triés selon leur nature, gravats ou ferrailles, puis emportés par des camions.
Du permanganate de potassium, un puissant oxydant, est injecté dans le sol afin de détruire les polluants
Les hydrocarbures et des solvants chlorés présents en quantité dans sols et les eaux souterraines de la friche, eux, sont encore sur place. Une dépollution, dont le coût est de 3,8 millions d’euros, a débuté. Une dizaine de cuves sont disposées à quelques mètres de l’entrée du site. Des tuyaux rampent sur le sol et plongent dans plusieurs forages, d’une dizaine de centimètres de diamètre. Selon le numéro inscrit sur les cuves, elles contiennent du permanganate de potassium. Ce puissant oxydant est injecté dans le sol afin de détruire les polluants, avaient expliqué lors d’une réunion publique les représentants de Tauw, le cabinet qui avait réalisé le diagnostic de pollution et préconisé cette technique. Selon Tauw, « l’objectif est de réduire les taux de polluant d’au moins 85 % ».Cinq injections sont donc prévues jusqu’en 2025 dans l’enceinte de Focast et, dans un second temps et si cela est nécessaire, rue des Monteleux.
Un petit forage d’ailleurs a été réalisé juste devant la propriété d’Alain. Ce retraité a appris en 2023 que l’air ambiant de sa maison était contaminé au trichloréthylène, un solvant classé comme cancérogène avéré. Une concentration de 108 microgrammes par m3 (μg/m3) « significative d’une incompatibilité sanitaire chronique avérée » a été mesurée en septembre 2022. Utilisé par Focast et présent dans les eaux souterraines, le trichloréthylène remonte par capillarité dans certaines habitations. Au moins quatre autres maisons du quartier sont concernées par ce phénomène de dégazage.
Des analyses de qualité de l’air plus longues prévues chez au moins deux riverains
Après avoir été alertée par une médecin soissonnaise, l’Agence régionale de santé a contacté certains riverains. Alain a reçu un appel puis un courrier de l’autorité sanitaire, en novembre 2023. En plus de préconiser des mesures simples de réduction de l’exposition (aération, allumage en continu de la VMC…), l’ARS estime nécessaire de poursuivre régulièrement la surveillance la qualité de l’air de l’habitation d’Alain. « De nouvelles mesures seront réalisées, sur une durée plus longue d’environ 1 semaine, contre 4 heures précédemment », écrit la sous-directrice de la santé environnementale de l’agence Virginie Le Roux-Montaclair. Le médecin traitant d’Alain a été informé de cette situation. S’il l’estime nécessaire, son patient pourra être orienté vers un médecin toxicologue spécialisé du CHU d’Amiens.
« Moi je ne me sens pas mal, confie Alain. Ils sont déjà venus deux fois faire des analyses d’air, on ne m’a jamais fait d’écrits pour m’informer des résultats. C’est comme si on faisait des prises de sang mais qu’on n’avait pas le bilan. Ce que je sais, je l’ai appris par un voisin et par le journal. »
L’ARS a aussi contacté Claude et Michèle Cwikla, chez qui une concentration de benzène (14 μg/m3) significative, là aussi, « d’une incompatibilité sanitaire chronique avérée » a été mesurée. Selon Tauw, cette contamination ne serait pas liée à Focast, mais plutôt à des produits d’entretien utilisés par le couple. « Nous n’utilisons que des produits bio », s’étonne le couple, en proie au doute. Leu maison fera aussi l’objet d’analyses de qualité de l’air plus longues. Un formulaire à remplir avec leur médecin leur a été envoyé, afin de demander l’intervention d’un conseiller médical en environnement intérieur.
Le quartier de la Croisette-Est compte une cinquantaine de maisons. En 2022, seules 10 avaient fait l’objet de mesures de qualité de l’air ambiant. Le cabinet Tauw avait d’ailleurs recommandé « de procéder à des prélèvements systématiques dans l’ensemble des habitations du quartier ». De nouvelles maisons touchées ont-elles été identifiées ? L’Epflo, en charge de la dépollution de Focast, n’a pas répondu à nos questions.