Ouest France –
Imaginées en 1991 voici tout juste 30 ans, les empreintes des vainqueurs des 24 Heures du Mans sur leurs plaques de bronze ont disparu du centre-ville.
Marc Géné, Alex Wurz et David Brabam, victorieux en 2009 avec Peugeot, sacrifient au rituel de l’inauguration de leur empreintes.
Lorsque j’étais au lycée au Mans, je rêvais devant ces plaques sans oser m’imaginer qu’un jour mon nom figurerait sur l’une d’elles. À 15 ans, élève de la Filière Elf au Technoparc, j’aimais les regarder quand nous venions à la Fnac. Aujourd’hui, c’est un rituel des 24 Heures comme la cérémonie du podium.
En 2011, Romain Dumas, auréolé de sa victoire obtenue l’année précédente sous les couleurs d’Audi avec Timo Bernhard et Mike Rockenfeller, confiait au Maine Libre sa fierté de voir son nom serti sur le pavé des rues du centre-ville.
47 plaques depuis 1991
Depuis Martin Brundle, John Nielsen et Price Cobb, l’équipage victorieux en 1990 sur Jaguar, chaque pilote vainqueur a laissé ses empreintes et sa signature sur des plaques de bronze de 72 cm sur 72 cm (en Sarthe, on a le sens du symbole), et pesant près de 80 kg à la sortie des Fonderies d’Antoigné. Une belle idée qu’avait eu alors Bernard Warain, propriétaire de l’épicerie Reignier et président de l’association des commerçants du quartier Saint-Nicolas. Avec Alain Loxq, son partenaire, il était fier de cette initiative. Moi le Parisien Manceau d’adoption, j’étais étonné que le centre-ville ne valorise pas davantage une course de réputation mondiale. Lorsque nous avions soumis le projet à Jean-Claude Boulard, alors président de la communauté urbaine, il avait été emballé. À ma suggestion de plaques en ciment, c’est lui qui a préféré des plaques de bronze dont la fabrication serait confiée à la Fonderie de Sainte-Jamme, raconte Bernard Warain. Depuis, 47 plaques ont été fondues.
« Habituellement les 24 Heures du Mans font notre 13e mois »
Sur les épaules de Jacky Ickx
Chaque année, après le podium, les vainqueurs sacrifiaient volontiers à l’exercice auprès d’un Bernard Warain prêt au cérémonial avec sa galette d’argile encore frais. Et chaque lundi de pesage, l’équipage vainqueur de l’édition précédente venait en centre-ville dévoiler ses empreintes devant des curieux de plus en plus nombreux.
L’ex commerçant se souvient d’une bousculade au moment de l’arrivée de la course dans l’ascenseur qui menait vers l’étage présidentiel de l’ACO. Sa belle matrice bien lisse, bien malléable, reçut les marques de parfaits inconnus qu’il fallut effacer avant le cérémonial officiel. Je me rappelle aussi être monté sur les épaules de Jacky Ickx, trop léger pour que l’empreinte de ses pieds marque l’argile. Monter sur les épaules de Jacky Ickx n’est pas donné à tout le monde. Il y eut aussi l’empreinte corrigée de Marc Géné. À la Fonderie, on a cru que le pilote n’avait pas appuyé suffisamment fort pour laisser en creux tous ses doigts, on a donc complété la main, sans savoir qu’il lui manquait une phalange…
À Saint-Malo, les vainqueurs de la Route du Rhum
Depuis 2019, les plaques de bronze ôtées en raison des travaux du secteur piétonnier du quartier Saint-Nicolas, ne sont jamais revenues. Elles ont été remisées dans un service technique de la ville. Ces pavés dorés des gloires des 24 Heures témoignaient pourtant dans les rues piétonnes d’une course patrimoniale. Les touristes ne s’y trompaient pas.
Paradoxe de l’histoire, tandis que ces signatures ont disparu du Mans, d’autres villes se sont emparées de l’idée de Bernard Warain, comme Saint-Malo, au sol pavé des empreintes des vainqueurs de la Route du Rhum. Nul n’est prophète en son pays.