En dix ans, les Etats-Unis se sont offert plus de 130 milliards de dollars de fleurons français
Le débat s’enflamme à droite comme à gauche : depuis le rachat d’Alstom, les groupes américains ont racheté plus de 1.570 entreprises tricolores.
Mais au-delà de la polémique sur la fuite de fleurons à l’étranger, les Français ont, eux, dépensé bien plus outre-Atlantique.
Par Anne Drif
Dix ans exactement depuis « l’affaire ». La décennie écoulée depuis le rachat des turbines Alstom par l’américain GE n’a pas suffi à faire taire les critiques contre Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie d’alors, devenu depuis président. La vente de la pépite de la filière nucléaire reste le point focal d’un débat toujours vif sur le protectionnisme économique, de la droite à la gauche en passant par le centre.
De fait, Washington a fait de la France – comme du reste de l’Europe – son pré carré, et de très loin : 132,2 milliards de dollars décaissés pour racheter 1.571 entreprises françaises depuis 2014.
Les Suisses et les Britanniques, deuxième et troisième plus gros acquéreurs en France, ont dépensé à peine plus de 58 milliards pour 346 entreprises, et 48 milliards pour 967 respectivement.
La reprise de la branche énergie et des turbines d’Alstom pour les réacteurs nucléaires, qui a cristallisé le procès en abandon de souveraineté, reste à ce jour, côté américain, la plus grosse acquisition jamais réalisée en France ces dix dernières années. Suivent Doliprane, d et le parapétrolier Technip racheté par FMC en 2017 pour être scindé dans la foulée.
Des pertes de contrôle jugées critiques, qui ont poussé Arnaud Montebourg, l’auteur du fameux « décret Alstom » de contrôle des acquisitions étrangères, à appeler à la création d’un délit pénal de « trahison économique ».
Quid, en sens inverse, des Français ? Les plus gros rachats tricolores aux Etats-Unis n’ont pas touché au nucléaire ou au pétrole, mais à des vecteurs clés de l’influence française : le luxe, avec l’acquisition à 16,4 milliards de Tiffany par LVMH ou l’alimentaire, avec les produits laitiers bio de WhiteWave repris par Danone en 2016. Mais, sujets potentiellement irritants à Washington, Air Liquide s’est aussi offert le leader des gaz pour l’industrie et la santé Airgas pour 13,4 milliards, et Sanofi, la biotech de traitement contre l’hémophilie Bioverativ.
Thales a même réussi à racheter la firme de cybersécurité Imperva, passant l’étape d’examen du CFIUS, le tout-puissant organe américain de contrôle des investissements étrangers, « assez rapidement », de l’aveu du patron aux Etats-Unis du groupe français, qui n’en était pourtant pas à sa première transaction.