(Source Les Echos article de Guillaume Guichard)
Le site nordiste d’ArcelorMittal ne peut produire qu’à 40 % de ses capacités après le perçage d’un haut-fourneau, fin mars. Son redémarrage n’est pas prévu avant fin mai.
Le haut-fourneau accidenté produit en temps normal 10.000 tonnes d’acier par jour.
De mémoire de sidérurgiste, un tel accident n’était jamais survenu en Europe. Le 30 mars en début d’après-midi, le haut-fourneau numéro 4 de l’usine sidérurgique d’ArcelorMittal de Dunkerque a percé. Si l’incendie qui s’est ensuivi a vite été maîtrisé et qu’il n’y a pas eu de victimes, le blindage de la cuve du « HF 4 » (pour haut-fourneau numéro 4) a été troué sur un mètre carré, laissant s’échapper 150 tonnes de matières en fusion.
Deux semaines après, l’installation accidentée n’a toujours pas redémarré. Il faut réparer le haut-fourneau et tout le matériel environnant. Des kilomètres de câble ont fondu, des poutrelles ont été tordues par l’incendie. Les experts sont encore à chercher la cause de l’accident. La direction d’ArcelorMittal n’entrevoit pas de relance de la production avant le mois de mai « a minima ».
10.000 tonnes d’acier par jour
« Avant que les tonnes d’acier ressortent du HF4, il faudra plus longtemps, prévient Jean-Michel Joubin, délégué CFDT. Pour mener sa montée en allure et retrouver une production habituelle, cela peut encore prendre quelques mois. »
En attendant, le site de Dunkerque se trouve privé de près de 60 % de sa capacité de production. Le HF4 accidenté produit en temps normal 10.000 tonnes d’acier par jour. « Nous parlons de pertes de production de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de tonnes », estime Gaëtan Lecocq, délégué syndical CGT.
Comme l’arrêt se prolonge, cela ne sera pas sans répercussion sur les sites aval d’ArcelorMittal ainsi que sur les clients, notamment les constructeurs automobiles. Dunkerque se trouve en amont d’une chaîne logistique de l’acier qui irrigue un réseau français de six autres usines ArcelorMittal de transformation des brames (blocs d’acier) produites par les hauts-fourneaux.
ArcelorMittal fournit les usines automobiles
D’après les syndicats, l’arrêt du HF4 devrait commencer à se sentir sur les sites aval dans les deux à trois semaines suivant l’incident, c’est-à-dire dans les prochains jours. « L’ensemble des autres outils industriels adaptent leur marche en conséquence », indique une porte-parole d’ArcelorMittal.
Ce réseau de transformation fournit notamment en bobines d’acier les grandes usines automobiles du nord de la France de Stellantis, Renault, Toyota, voire approvisionne certains sites allemands.
« L’accident tombe particulièrement mal car notre carnet de commandes, après une période moins faste , commençait à se regarnir, relève Xavier Lecoq, délégué syndical central CFE-CGC. Si l’arrêt se prolonge de deux à trois mois, ce sera très embêtant, surtout pour l’industrie automobile adepte du zéro stock. »
Un monument industriel de 22 ans
ArcelorMittal travaille à réduire les conséquences sur ses usines aval et ses clients en mobilisant ses autres sites français et européens pour importer les brames manquantes, souligne la direction. Encore faut-il que les autres usines sidérurgiques puissent produire les mêmes nuances d’acier, ce qui n’est pas garanti, prévient une source syndicale.
Le HF 4 est un monument industriel âgé de 22 ans. « A sa conception, il était prévu qu’il fonctionne vingt ans, mais il a connu des réfections partielles », explique Laurent Hayez, délégué syndical central chez ArcelorMittal France. L’année prochaine, il devrait subir une lourde remise en l’état afin de le prolonger jusqu’en 2035.
Le HF4 sera alors le dernier haut-fourneau en activité du site de Dunkerque à s’éteindre. L’autre haut-fourneau en activité, le HF3, sera arrêté entre 2027 et 2030, en parallèle du lancement d’une « unité de réduction directe », qui permet de fabriquer de l’acier sans charbon.
Guillaume Guichard
