aujourd’hui. Cela veut dire que le site n’est pas attractif. Le 11 janvier dernier, c’était la douche froide pour Jean-Philippe Juin, délégué CGT à la Fonderie alu et les 320 salariés de l’usine d’Ingrandes-sur-Vienne, en redressement judiciaire depuis avril 2021. Pas de candidat à la reprise du site. Mais pourquoi le site historique de sous-traitance automobile du bassin châtelleraudais, doué d’un savoir-faire connu et reconnu dans la fabrication de pièces en aluminium (les culasses pour Renault) ne trouve pas la perle rare susceptible d’investir et de relancer la machine ?
« Des combats sociaux nécessaires mais contre- productifs à long terme »
Au-delà des raisons structurelles et conjoncturelles (lire ci-dessous), l’image de l’entreprise, souvent associée aux blocages, aux grèves, aux conflits sociaux, serait, entend-on dire, un élément pénalisant dans la recherche d’un repreneur. Qu’en est-il exactement ? C’est en tout cas un élément à prendre en considération si l’on se fie à l’expertise du cabinet Roland Berger mandaté alors pour la recherche de repreneurs. « C’est l’un des retours que j’en ai, relève le député de la Vienne, Nicolas Turquois. Par exemple, on apprend que des acteurs d’une fonderie canadienne connaissaient les fonderies du Poitou pour être associées à des grèves. À chaque fois qu’une grève survient, cela a un impact et un effet décuplé sur la rentabilité. Quand l’usine est à l’arrêt, quand on bloque un client, les conséquences peuvent être énormes. » Il nuance : « Il y a une image des fonderies liée à leurs combats sociaux, certainement nécessaires pour sauver leur peau à court terme, mais à moyen et long terme c’est contre-productif car on renvoie l’image de difficulté en terme de régularité de production et de maintien des engagements vis-à-vis des clients. » L’un des événements les plus mémorables à la Fonderie Alu restera le mouvement d’il y a dix ans avec une grève de quatre mois. « Il semblerait que dans l’histoire des conflits sociaux, les fonderies d’Ingrandes soient particulièrement connues. Pour un industriel, c’est un non-sens terrible de bloquer des machines, des productions. » Et le directeur général de la Fonderie Alu, Michel Maire, manager de transition nommé par les administrateurs judiciaires, qu’en pense-t-il ? « Sur la réputation du site, évidemment qu’elle existe. On a accueilli une personne récemment et il y avait des drapeaux rouges à l’entrée, un peu moins heureusement dans l’usine. Disons que ça ne facilite pas les choses mais ce n’est pas le point handicapant principal. C’est un élément additionnel. »
« À double tranchant mais on défend nos emplois »
De son côté, le délégué syndical, Jean-Philippe Juin, porte-parole de l’intersyndicale, se défend, sans surprise, de ces accusations de « mauvaise réputation ». « Les administrateurs judiciaires, l’État… nous disent que d’avoir des conflits sociaux à répétition donne une mauvaise image de marque des Fonderies, que ça peut rebuter certains. A contrario, nous disons que l’investissement des salariés et des organisations syndicales sur l’avenir du site, c’est aussi une façon de marquer l’intérêt qu’on porte à nos emplois et à l’industrie sur Ingrandes. Évidemment, c’est à double tranchant mais on pense qu’il vaut mieux avoir des salariés qui sont intéressés à l’avenir du site et font des propositions concrètes. »
Le concret, c’est le 1er mars prochain. On saura alors si un candidat de dernière minute se sera positionné pour reprendre la Fonderie Alu. En faisant fi de l’image véhiculée par les différents mouvements sociaux au fil des ans.
Denys FRETIER