Les Echos –
Au terme de son étude de faisabilité, le petit groupe industriel ne relancera pas l’ancienne fonderie d’aluminium située à Decazeville, dans l’Aveyron, qui a été liquidée en novembre 2021. Il n’a pas convaincu Renault de lui acheter des pièces pour le démarrage et n’a pas bouclé le financement du projet.
Le dernier espoir s’est évanoui pour les 333 anciens salariés de la fonderie automobile SAM Technologies mise en liquidation judiciaire en novembre 2021. Le groupe MH Industries, à Vayrac (Lot), réalisait depuis février une étude de faisabilité de réindustrialisation de cette fonderie d’aluminium, en bénéficiant de 1,2 million d’euros de subvention de la région Occitanie et de 200.000 euros de prestations de conseil payées par l’Etat. Il a annoncé, lundi 18 juillet, l’abandon du projet.
« Nous ne sommes pas parvenus à convaincre le groupe Renault d'aider à l'amorçage du projet ; de plus, nous ne sommes pas non plus parvenus à sécuriser le financement total », a déploré dans un communiqué Matthieu Hède, son PDG. En outre, « la conjoncture internationale et son influence sur les prix de l'énergie ont considérablement changé. »
Puis, le 20 juillet, le dirigeant a expliqué dans une conférence de presse que l'étude montrait qu'il était possible de diversifier la production à moyen terme, mais qu'il fallait trouver une activité d'amorçage car la fabrication de nouveaux moules et la mise en route auraient pris plus d'un an. « On a donc proposé de reprendre la fabrication de cinq références de pièces existantes, pour 8 millions d'euros par an, à Renault, qui a trouvé notre travail sérieux lors du premier échange en avril, a déclaré Matthieu Hède. Mais lors du deuxième échange début mai, le groupe Renault a dit qu'il ne veut plus entendre parler de SAM, qu'il a été traumatisé et ne veut plus travailler avec cette équipe. » Un mois plus tard, le 21 juin, 283 anciens salariés de SAM Technologies ont attaqué le constructeur devant les prud'hommes pour demander 15 millions d'euros d'indemnités, au motif qu'il était le seul client de la fonderie.
Dans l’ancien bassin sidérurgique de Decazeville, cette fonderie automobile est en difficulté depuis la liquidation du groupe Arche en 2016. Reprise par le groupe d’aluminium chinois Jinjiang en décembre 2017, elle est retombée en redressement en décembre 2019. Le site fabriquait des carters d’embrayage pour Renault, devenu son client quasi unique. Fin 2021, le constructeur n’a pas voulu s’engager à acheter des pièces au seul candidat à la reprise, Patrick Bellity, ancien PDG du groupe Arche, provoquant la liquidation.
Le Conseil régional d'Occitanie a alors cherché une solution de réindustrialisation auprès de MH Industries. Ce petit groupe de 340 salariés, qui possède une fonderie d'aluminium à Vayrac (Lot) et une usine de traitement de surface et de peinture à Albi (Tarn), a cherché des diversifications dans l'aéronautique, la défense, etc.
« Renault s’est désengagé »
Mais il avait besoin des commandes de Renault pendant les premières années. Or « Renault … s’est totalement désengagé du projet industriel et n’a jamais formulé d’offre claire …, alors même que MH Industries s’était engagé à ne pas prolonger au-delà de cinq ans le lien commercial avec Renault, en faisant une offre compétitive sur un volume d’affaires de seulement 8 millions par an, a déploré Carole Delga (PS), présidente de la région Occitanie. Je regrette que ce projet ne puisse aboutir en raison du manque d’engagement de deux partenaires essentiels : Renault et l’Etat. »
La fonderie automobile française menacée par l’électrique et le dumping
Parmi les 333 salariés licenciés en décembre, « 110 ont retrouvé un emploi, mais seulement 54 en CDI », indique-t-il. Les autres bénéficient d’un contrat de sécurisation professionnelle pendant un an. La SAM, qui faisait travailler 700 personnes à l’orée de l’an 2000, était une survivance de cet ancien bassin sidérurgique qui a perdu 7.000 emplois entre 1960 et 1990.
« Il y a une volonté de Renault et du ministère de l'Economie de faire crever la filière fonderie en France ! », accuse David Gistau. La délocalisation et l'électrification de l'automobile ont mis à mal la filière. Après la fermeture de la Fonderie du Poitou Fonte (292 salariés) en 2021, la Fonderie du Poitou Aluminium (280 salariés) dans la Vienne a été mise en liquidation le 5 juillet et Renault va vendre la Fonderie de Bretagne (285 salariés) au fonds allemand Callista.