L’ancienne fonderie est une installation classée pour la protection de l’environnement. C’est-à-dire surveillée avec attention par les services de l’État. Réalisé en 2012, un diagnostic d’un bureau d’études spécialisé dans l’environnement a mis en évidence (entre autres) la présence de 15 500 tonnes de sable de fonderie contenant de l’aluminium, du cuivre et du phénol ainsi que la présence d’hydrocarbures dans le sol, sans parler d’arsenic dans les eaux souterraines. Plus inquiétant, le site, entre la Loire et l’Authion, est en zone inondable.
Les jeunes font du paintball, les Gens du voyage de la récupération
« Ce n’est pas beau à voir, se plaint un riverain qui a emménagé sur la levée de la Belle Poule il y a deux ans. L’endroit est pourtant magnifique très fréquenté par les touristes, surtout l’été, grâce à la Loire à vélo. » Le patron d’une entreprise voisine, Édouard Mougel (Fluid-system) s’interroge. « J’ai signalé à la mairie que des jeunes faisaient du paintball dans ces lieux qui restent dangereux. C’est une vraie déchetterie. »
Deux familles de Gens du voyage vivent à proximité depuis plusieurs semaines. Du linge est étendu et une remorque est chargée de matériaux de récupération. Le conducteur s’avance. Sait-il que le site est interdit d’accès ? « Ce n’est pas dangereux. Enfin, on ne sait pas trop… », dit le ferrailleur. « Il n’y a plus grand-chose à récupérer. Beaucoup se sont déjà servis. »
Le site est régulièrement visité. En 2017, l’inspection des installations classées note (base de données Basol, ministère de l’écologie) dans son rapport « la présence de zones polluées » et pourtant « la protection de la décharge se détériore de plus en plus ; le site faisant l’objet d’actes de vandalisme depuis 2013 ».
De larges ouvertures ont été taillées dans la clôture qui fait le tour de l’ancienne fonderie.Les propriétaires ne répondent pas à la demande du maire
Le maire des Ponts-de-Cé, Jean-Paul Pavillon, est parfaitement conscient du problème. « Ce n’est pas un site orphelin. Il a un propriétaire. Et c’est toute la difficulté car sinon la préfecture pourrait intervenir. Il appartient au groupe GM Les Ponts-de-Cé et au mandataire qui a géré la liquidation. Il faudrait qu’ils vendent le site mais ils n’ont jamais répondu à nos demandes. »
À qui revient l’obligation de dépolluer le site ? Au propriétaire s’il est identifié. C’est-à-dire au mandataire judiciaire de GM Les Ponts-de-Cé, Jean-Claude Pierrel à Paris. Mais lui, comme les propriétaires de l’entreprise liquidée, semble être aux abonnés absents.
D’ailleurs, selon le rapport de 2017 « la liquidation ne dispose pas des sommes nécessaires pour faire face aux obligations découlant des dispositions légales et réglementaires environnementales ». Est-ce vrai ? On peut s’interroger (voir plus bas). Reste à trouver un promoteur qui prendrait, lui, en charge la dépollution du site. À moins que l’État, sous la pression des riverains et de la commune, en assume la charge. Aux frais du contribuable…
Derrière la fonderie, les pratiques douteuses de financiers
Qui sont les propriétaires de l’ancienne fonderie de l’Authion ? À sa liquidation, le site appartenait à GM Les Ponts-de-Cé. Jérôme Rubinstein en était le directeur. Ou plutôt le prête-nom de son beau-père, Michel Coencas, président du club de Valenciennes lors du match truqué VA-OM (1993), proche de Bernard Tapie et spécialiste comme lui de la reprise d’entreprise. En 2018, ce dernier a été accusé d’avoir tapé dans la caisse d’entreprises qu’il contrôlait pour régler des dettes de jeu via une myriade de sociétés-écran, d’hommes de paille et de comptes bancaires étrangers.
Quant à GM Les Ponts-de-Cé, elle est une filiale du groupe Helveticast détenu par le fonds suisse Vista Capital Management. Son propriétaire, le multimillionnaire Lucien Selce, est, selon le magazine Le Point, « un financier, proposant aussi bien la création de sociétés offshore que des placements boursiers ». En 2017, il a dû verser une caution de 11 millions d’euros dans une affaire de délit d’initiés.
_Mandataire judiciaire de Bernard Tapie__
Reste le mandataire judiciaire de GM Les Ponts-de-Cé. Il s’agit de Jean-Claude Pierrel à Paris. C’est lui qui reçoit les mises en demeure de la préfecture du Maine-et-Loire. Sauf que l’homme en question est injoignable au numéro que des collaborateurs nous ont fourni. Pour la petite histoire, il a été le mandataire judiciaire de Bernard Tapie…
Patrick Choletais, l’ex-délégué CGT de la fonderie des Ponts-de-Cé, s’est battu pour la survie de l’entreprise avant sa liquidation. Il s’en souvient avec amertume. « Ce sont des financiers qui reprennent des entreprises pour revendre tout ce qu’elles contiennent et qui les liquident après en se fichant pas mal des salariés. C’est ce qui s’est passé chez nous. Le directeur de l’époque s’était accordé un salaire avec des sommes astronomiques. Et on ne l’a jamais vu dans l’usine. Ce sont des gens qui sont là pour se gaver d’argent. »
Dans ce genre d’histoire, on plonge dans un capitalisme financier très éloigné des berges de la Loire…
En 2008, les ouvriers menacent de faire sauter l’usine
En septembre 2002, Les fonderies de L’Authion, aux Ponts-de-Cé, comptent 200 salariés. Elles réalisent de la fonderie et de l’usinage pour l’industrie automobile. Mais le groupe Valfond, qui possède l’usine, est confronté à des pertes significatives. Début novembre, il cède sa branche fonderie et usinage aux investisseurs André Peronnet et Patrick Migeon, d’APM group.
En juillet 2003, la fonderie compte 190 salariés. Trois débrayages sont organisés. La CGT dénonce les brimades qui se multiplient et les licenciements « déguisés ».
En septembre 2006, la fonderie compte 150 salariés. La direction confirme la recherche d’un repreneur.
En novembre 2007, la fonderie rebaptisée Helveticast ne compte plus que 93 salariés après la reprise du site par Alain Bréa épaulé par des financiers suisses (Vista capital management étant la holding et Helveticast, la structure de pilotage).
En septembre 2008, las des rachats successifs, les ouvriers font grève et menacent de faire sauter leur usine avec des bouteilles de gaz.
En octobre 2008, la fonderie dépose le bilan. Elle est liquidée en janvier 2009. Les salariés sont licenciés et le site devient la propriété de GM Les Ponts-de-Cé.
Les Ponts de Cé, histoire d’un gâchis industriel, humain et environnemental…
J’ai été directeur de cette fonderie de 1994 à 1998 et ce n’est pas ce que nous souhaitions pour cette entreprise et pour les hommes qui y travaillaient.
Malheureusement,ce sont des magouilleurs qui en sont devenus propriétaires.La catastrophe a démarré avec le rachat par Valfond (M.Coencas).
Malheureusement, ce n’est pas la seule entreprise en France qui a connu ce sort.
Dépouillées par des truands. Quel gâchis effectivement.
Piwi salue son ami Daniel Bannwarth.
« j’aurais aimé pouvoir écrire cette histoire notamment avec les victimes mais cela n’a pas été possible,
les acteurs et victimes ont préféré se taire.
Le groupe Valfond a eu jusqu’à 52 fonderies dans son giron. On ne saura jamais pourquoi cette ascension et pourquoi cet effondrement.
On pourrait essayer de compter en les nommant celles qui ont survécu.. »