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vendredi 01 Déc, 2023
Catégorie : Actu flash

Le Rafale, « l’invendable » avion de combat qui s’est transformé en carton commercial

Un Rafale Marine sur le pont du porte-avions Charles-de-Gaulle, en mars 2022.

Par Florian Maussion LES ECHOS –

Autrefois moqué pour ses échecs à l’export, l’avion de combat français a renversé cette mauvaise fortune en quelques années. Depuis 2015, sept pays se sont portés acquéreurs et cette liste pourrait s’allonger rapidement. En parallèle, l’armée de l’Air française poursuit sa mutation vers le « tout Rafale ».

Le Rafale, c’est l’histoire d’un avion autrefois invendable devenu en quelques années un « best-seller ». Longtemps boudé à l’export, l’avion de combat français est devenu un incontournable sur le marché des avions de combat, où il s’est affirmé comme le concurrent numéro un du F-35 américain.

Mais pour en arriver-là, l’appareil produit par Dassault Aviation a dû traverser nombre de tempêtes. Décrié dès ses débuts – notamment par les généraux tricolores-, le Rafale a eu besoin de trois décennies pour convaincre.

· Un cavalier seul français

L’histoire du Rafale est d’abord celle d’une coopération avortée. Au tournant des années 1980, dans un contexte de course aux armements à outrance entre Américains et Soviétiques, la France, l’Allemagne de l’Ouest, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne s’associent pour concevoir un avion de combat, le futur Eurofighter. Mais le projet achoppe sur les caractéristiques de l’appareil et plusieurs démonstrateurs voient le jour.

La rupture est actée en 1985. Dénommé ACX au cours de son développement, l’aéronef français, rebaptisé Rafale à l’initiative de Marcel Dassault, vole pour la première fois le 3 juillet 1986 à Istres.

C’est un avion dont nous avons le plus grand besoin

François Mitterrand Président de la République

L’année suivante, sa silhouette caractéristique, avec son aile Delta et son plan canard, apparaît au Bourget, où le président de la République d’alors, François Mitterrand, l’adoube en direct sur TF1 : « Quant au Rafale, je peux le dire, il existe, il existera. Sur le plan militaire, c’est un avion dont nous avons le plus grand besoin. »

L’acte de naissance est signé officiellement l’année suivante, mais le nouveau-né ne s’épargne pas une crise de croissance. Vertement critiqué pour ses retards et ses surcoûts, le Rafale, censé entrer en service en 1996, n’intègre les rangs de la Marine française qu’en 2004, puis de l’armée de l’Air en 2006.

· Longtemps moqué pour ses échecs à l’export

Conçu pour être le fer de lance des forces aéronavales françaises, le Rafale devait aussi faire valoir son ultra-polyvalence à l’export. Mais il a surtout débuté sa carrière en multipliant les revers sur le marché.

Dès 2002, la Corée du Sud lui a préféré le F-15 de Boeing et les Pays-Bas le futur F-35 de Lockheed Martin. En 2005, Singapour a infligé un camouflet à l’avion français en choisissant également le F-15. En 2007, le Maroc s’est tourné vers le F-16. Au début des années 2010, le Rafale semble en passe de décrocher son premier contrat à l’export au Brésil. Mais en 2013, il s’incline finalement face au Gripen du Suédois Saab.

Les caractéristiques du Rafale

Envergure : 10,90 m

Longueur : 15,30 m

Vitesse maximale : 1.912 km/h (Mach 1.8)

Motorisation : 2 Snecma M88 à post-combustion

Capacité d’emport : 9,5 t

Versions : Rafale B (biplace), Rafale C (chasseur), Rafale M (marine)

Pour expliquer ces échecs, Dassault met en avant le faible coût du dollar par rapport à l’euro. Mais le principal point fort du Rafale, son ultra-polyvalence, a longtemps été une faiblesse hors de France. Elle l’a rendu vulnérable face à ses concurrents sur des besoins très spécifiques mais aussi plus coûteux et plus complexe, donc plus cher à entretenir et inaccessible pour des nations aux moyens plus modestes.

· Désormais à la lutte avec le F-35

Pour le Rafale, le vent a tourné d’un seul coup, mais pas sans raison. L’appareil a acquis ses galons au combat sur plusieurs théâtres d’opération – Afghanistan, Libye, Mali, Irak et Syrie – et démontré ses performances, améliorées à mesure des évolutions apportées par son constructeur. Le contexte de regain de tensions à l’échelle mondiale et de vieillissement des flottes de combat, couplé à la volonté accrue des pays de ne plus dépendre que d’un seul fournisseur, l’a également remis dans le jeu.

L’Egypte et le Qatar ont ouvert le bal coup sur coup en 2015, en commandant chacun vingt-quatre exemplaires de l’appareil français. Doha lèvera une option de douze aéronefs supplémentaires en 2017, tandis que Le Caire en achètera trente de plus en 2021. Au terme d’un processus long de quinze ans, l’Inde a elle aussi franchi le cap, en 2016, en signant un contrat pour trente-six unités.

Le coup d’envoi donné, le Rafale a commencé à enchaîner les succès. Depuis 2020, Dassault a enregistré des commandes de Grèce, de Croatie (pour des appareils d’occasion), d’Indonésie et, surtout, des Emirats arabes unis. Fin 2021, le prince héritier émirati Mohammed ben Zayed a paraphé un contrat portant sur 80 aéronefs pour un montant record de 14 milliards d’euros.

C’est en Europe qu’il est le plus à la peine face au F-35 et à l’Eurofighter. Le Rafale y a perdu toutes ses batailles face au F-35. L’Allemagne, la Belgique,la Finlande, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suisse se sont tous tournés vers le concurrent américain.

· De nouvelles commandes attendues

Le carnet de commande de Dassault comportait 164 Rafale au printemps, dont 125 pour l’export. Et l’année 2023 pourrait encore être riche en nouveaux contrats.

Le prochain pourrait être paraphé par l’Inde. Son Premier ministre, Narendra Modi, sera l’invité d’Emmanuel Macron pour le défilé du 14-Juillet. L’événement pourrait être l’occasion de finaliser une commande de Rafale Marine à destination des porte-avions indiens.

Dassault a également confirmé des discussions avec la Colombie, tandis que l’Indonésie doit valider de nouvelles tranches. La Serbie serait elle aussi intéressée pour l’acquisition de douze appareils.

· La France vers le tout Rafale

La France poursuit de son côté la modernisation de sa flotte de chasse. L’armée de l’air doit recevoir cette année 12 Rafale neufs, après s’être vue livrer, en décembre, son premier exemplaire depuis près de quatre ans. Emmanuel Macron a réaffirmé son intention de passer au « tout Rafale », alors qu’une cinquième tranche portant sur la commande de trente appareils – plus douze pour remplacer des appareils cédés d’occasion – doit être confirmée dans les prochains mois.

Le Rafale lui-même continue de se moderniser. La Direction générale de l’armement (DGA) a qualifié, en mars 2023, le nouveau standard F4. Ce « véritable saut technologique, industriel et stratégique », selon les termes de l’ancienne ministre des Armées, Florence Parly, optimise les capacités de communications de l’avion de combat pour permettre une coordination encore plus poussée avec les autres composantes des forces armées, notamment les troupes au sol.

· Modernisation, avant le SCAF

La France n’en prépare pas moins l’après-Rafale. En coopération avec l’Allemagne et l’Espagne, la DGA a signé, en décembre 2022, avec les industriels – Dassault Aviation et Airbus en tête – un contrat pour lancer les travaux du SCAF, le Système de combat aérien du futur. À l’occasion du salon du Bourget 2023, la Belgique a été admise au sein du programme en qualité « d’observateur ».

Les travaux ont formellement débuté au printemps. Le chasseur furtif sera conçu pour la guerre électronique, fonctionnant notamment avec des drones d’appui au sein d’un cloud de combat. Celui-ci assurera par ailleurs des communications étendues avec le sol, les satellites en orbite et les autres aéronefs en service, dont le Rafale et l’Eurofighter. Son entrée en service est attendue pour la décennie 2040.

 

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