Depuis 1782, combien sont-ils à avoir travaillé dans l’usine du Creusot ? Nous ne le savons pas exactement, mais assurément plus de 150 000, voire 200 000. L’industrie creusotine a attiré une main-d’œuvre importante, c’est moins le cas aujourd’hui avec l’automatisation des productions, qui demande moins d’ouvriers ou d’ouvrières, mais qui requière qu’ils soient très qualifiés.
Partis de 1 850 ouvriers en 1838, les effectifs ouvriers de l’usine du Creusot croissent très vite. Ils sont 6 365 en 1855 et dépassent les 8 000 en 1863. En 1914, ils sont plus de 12 000. Toutefois, la croissance n’est pas linéaire et connaît des hauts et des bas, selon les conjonctures économiques. Le pic historique se situe en 1918, période à laquelle les effectifs dépassent les 21 000 salariés. Au XXe siècle, ils oscillent selon les années entre 10 000 et 14 000, avant de baisser au début des années 1970. Aujourd’hui, l’industrie creusotine emploie environ 5 000 salariés.
Les ouvriers viennent d’abord des campagnes et villages alentour, puis de l’ensemble de la Saône-et-Loire et plus tard des départements limitrophes. Au XIXe siècle, on ne compte que peu d’étrangers dans les usines creusotines. Ils ne représentent que 2,5 % de la population en 1876. Ce sont essentiellement des Italiens (522 personnes), quelques Suisses (42), Anglais (37) et Allemands (23).
L’ancien président chinois a travaillé au Creusot
L’internationalisation massive de la main-d’œuvre se fait autour de la Première Guerre mondiale, où près de 20 % des ouvriers sont d’origine étrangère. On vient de Pologne, d’Italie et du Portugal pour travailler dans l’industrie creusotine. Durant le conflit, on mobilise même des travailleurs coloniaux que le gouvernement français va chercher en Chine. Dans les vagues migratoires suivantes on retrouve notamment des Espagnols, des Maghrébins ou encore des Turcs.
Au-delà de ces grandes communautés, qui forment aujourd’hui la population cosmopolite du Creusot, les dossiers du personnel de l’usine conservent la mémoire de quelques ouvriers illustres, venus travailler dans la cité bourguignonne. C’est le cas de Sully Prudhomme, le premier écrivain à recevoir le Nobel de littérature en 1901, qui travailla au Creusot entre 1858 et 1860. Tout comme Deng Xiao Ping, ancien président de la République Populaire de Chine, qui a travaillé trois semaines au Creusot en avril 1921, durant ses années d’études en France.
Ivan Kharaba (CLP