La Fonderie de Bretagne s’accroche pour sortir de l’ornière
LES ECHOS
Un an après sa reprise par le fonds allemand Callista au groupe Renault, la FDB poursuit son plan de redressement qui doit lui permettre, rapidement, de diversifier ses activités. Mais aussi de réduire d’un tiers ses colossales dépenses énergétiques.
Le patient n’est pas encore tiré d’affaire, mais l’hémorragie semble stoppée. Un an après sa reprise par le fond de retournement allemand Callista , la Fonderie de Bretagne (FDB) située à Caudan (Morbihan), recueille les premiers résultats de son plan de transformation. « Nous sommes sur la voie du redressement », assure son directeur général, Jérôme Dupont, même si l’usine n’est toujours pas rentable. Sous pavillon Renault, elle pouvait perdre jusqu’à 20 millions d’euros par an.
Nommé DRH en mai 2022 pour accompagner le rachat, celui-ci a tout de suite cru au potentiel industriel du site. Au point de postuler à sa direction pour conduire le programme d’investissement de 32 millions d’euros financé par le constructeur automobile et destiné à pérenniser l’entreprise, dont l’avenir semblait compromis. Première strate de cette stratégie : la création d’une nouvelle direction commerciale, supprimée depuis 2009. En dix mois, elle a permis de récolter une quarantaine de « contacts commerciaux utiles, dont sept en négociations avancées », détaille le dirigeant.
Certaines parties du process restaient à moderniser. C’est ce qui va nous permettre de gagner en compétitivité.
Jérôme Dupont Directeur général de Fonderie de Bretagne
La dépendance historique de la fonderie envers l’automobile, aux marges faibles, expliquait largement ses difficultés. Le nouvel actionnaire cherche donc à la positionner sur d’autres spécialités, aux cycles différents, afin de faire tourner à plein régime l’outil de production. Quatre secteurs sont visés en priorité : les engins de TP, poids lourds et matériels agricoles, l’énergie et les infrastructures, l’automobile, et les marchés dits « d’opportunité » tels que les pompes ou le mobilier urbain.
Climat « très positif »
Cette diversification impose une modernisation des process. Sur ce point, FDB veut aller vite. Fin 2025, l’usine devrait avoir renouvelé ses fours de fusion moyennant près de 15 millions d’euros d’investissement. Soit presque la moitié environ de l’enveloppe accordée par Renault. Le solde sera consacré à la modification de la fin de chaîne, par exemple à l’amélioration des finitions. « Si Renault a massivement investi dans la ligne [100 millions en dix ans, NDLR], certaines parties du process restaient à moderniser. C’est ce qui va nous permettre de gagner en compétitivité », assure Jérôme Dupont.
En parallèle, FDB a enclenché un plan d’économie drastique. En particulier sur le plan des dépenses énergétiques, poste stratégique pour le site qui consomme 50 GWh d’électricité, l’équivalent d’une ville de 25.000 habitants. En jouant sur l’utilisation des fours, ou en installant des compteurs individuels, il a déjà réduit sa consommation de 8 % cette année. « Cette baisse devrait atteindre 30 % d’ici cinq ans », annonce le directeur général. Avec cette stratégie, Jérôme Dupont croit possible « un retour à l’équilibre dès 2026 et un Ebitda de 8 % en 2028. Les signaux sont au vert ». En particulier, le climat social interne , souligne le dirigeant redevenu selon lui « très positif ».
Les bons résultats de l’usine y sont pour beaucoup : son volume d’affaires devrait atteindre 46,6 millions d’euros en 2023, contre 35 millions environ un an plus tôt. Trente recrutements ont eu lieu cette année, permettant de maintenir les effectifs à 300 salariés, conformément à la promesse de Callista.
Guillaume Roussange (Correspondant à Rennes)
La Tribune
Vendue par Renault, la Fonderie de Bretagne investit 32 millions d’euros pour pérenniser l’activité
Finis les piquets de grève autour de l’usine, la Fonderie de Caudan (Morbihan), cédée pour un euro symbolique au fonds allemand Callista par le groupe Renault, en novembre 2022. Après plusieurs mois de conflits avec les syndicats, le site de production a désormais retrouvé le chemin de l’apaisement.
Portée par une « nouvelle dynamique d’équipe », selon les mots de son directeur général Jérôme Dupont, l’usine, productrice de pièces de fonderie de fonte brutes et pré-usinées pour l’automobile, s’est engagée sur une trajectoire de relance. Visant un retour à l’équilibre en 2026, elle souhaite porter son volume de production de 18.500 tonnes en 2023 à 27.500 tonnes.
Mis en place par Renault, par le biais de trois fiducies, ce plan de transformation – chiffré à 32 millions d’euros d’investissements – est fondé sur quatre axes, avec une priorité consacrée à la modernisation de l’outil industriel et à la diversification. Pour gagner en rentabilité, la fonderie doit entrer sur de nouveaux marchés, autres que celui de l’automobile.
Des engins agricoles au secteur de l’armement
« La Fonderie de Bretagne va mieux, mais elle ne gagne pas encore d’argent. En revanche, la trajectoire de relance a connu une réelle accélération ces derniers mois. Entre 2022 et 2023, le chiffre d’affaires va grimper de 34,9 millions d’euros à 46,6 millions d’euros », fait valoirJérôme Dupont, ancien responsable des ressources humaines, promu il y a deux mois suite au départ de son prédécesseur Jean-René Mouttet.
« Lors de la cession, Renault s’est engagé, via la mise en place de trois fiducies, sur un soutien commercial et financier représentant près de 60 millions d’euros, destiné à financer les pertes opérationnelles, soutenir l’investissement et garantir un volume de production et d’achat de pièces jusqu’à la fin 2025 », explique-t-il.
Appuyée sur une activité tirée à 100% de l’automobile (95% de Renault, 5% de BMW), la Fonderie de Bretagne se donne donc trois ans, échéance à laquelle le chiffre d’affaires est anticipé à 68 millions d’euros, pour parvenir à se transformer et à diversifier son portefeuille de clients.
« Au-delà de l’automobile, la fonderie a produit ses premières pièces pour du matériel agricole (support de pompes), et se trouve en discussions avancées avec sept clients potentiels, en France et en Europe. Les secteurs visés sont l’automotive (pièces proches de l’automobile) pour les camions, les engins agricoles et les infrastructures (défense et matériel militaire, énergie, voies ferrées). Nous développons aussi les marchés d’opportunité, comme le chauffage ou l’hydraulique », précise son dirigeant.
Si tout va bien, Renault devrait représenter moins de 50% de l’activité en 2026. Quant au poids du secteur automobile, il baisserait à 60%. Plus concrètement, cette trajectoire de relance entend s’appuyer sur une nouvelle dynamique managériale, fondée sur la ré-implication et la reconstitution des équipes. L’usine compte 301 salariés, dont quelques CDD et alternants. Or, elle a subi de nombreux départs avant la reprise, y compris dans des compétences techniques. Le plan de mobilité mis ensuite en place par Renault a concerné 16 personnes. Les autres salariés sont restés, et cette année, la fonderie a recruté 31 personnes et créé une direction commerciale.
Réduire la consommation énergétique de 30% à cinq ans
Sur le plan des investissements, les gros chantiers en perspective sont la modernisation de l’outil industriel, la maîtrise des coûts de production et l’amélioration des process, tels que le grenaillage (traitement des surfaces).
L’usine investit dans une nouvelle ligne de montage permettant de réaliser des pièces plus volumineuses, et des travaux ont démarré pour l’implantation en mars 2024 d’un nouvel atelier de noyautage (moulage). L’installation de l’ensemble des nouveaux équipements sera effective entre novembre 2024 et septembre 2025 pour une mise en service fin 2025-début 2026.
« Sur la partie fusion (travail du métal liquide), la technologie va être transformée entre mars 2024 et fin 202,5 sans arrêt de production, avec la conversion des fours basse fréquence vers la moyenne fréquence. À la clef, nous obtiendrons une économie d’énergie conséquente de l’ordre de 20% » évalue Jérôme Dupont.
Cette transformation représente un investissement de près de 15 millions d’euros. Financé par une fiducie Capex, l’ensemble du plan de modernisation s’élève à 32 millions d’euros. Le changement de machines aura aussi un impact sur les coûts de l’entreprise, dont le plan d’économies général (installation de compteurs de mesure et de surveillance, optimisation des fours…) a déjà permis de gagner 350.000 euros sur une année. L’autre grand plan de bataille de la Fonderie de Bretagne porte en effet sur l’efficacité énergétique. L’usine qui dépense 50 gigawattheures (GWh) par an ambitionne de réduire ses factures de 30% à cinq ans.
Revente par Callista à moyen terme
Lutte contre les fuites, destratification de la chaleur, autoconsommation (projet de parc photovoltaïque), éclairage led : une série de projets est mise en action et, cette année, la Fonderie de Bretagne se targue d’avoir réduit sa consommation électrique de 8%. L’entreprise a aussi signé un contrat d’effacement électrique, afin d’économiser un million d’euros sur 2024 et 2025.
Elle travaille enfin sur l’amélioration du ratio entre le poids de métal injecté dans les fours de fusion et le poids de pièces bonnes en fin de fabrication en vue de gagner trois à cinq kilos par moule, soit l’équivalent de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Engagée sur la voie de l’autonomie et du redressement, la Fonderie de Bretagne se dégage un horizon pour demain, avec le soutien des collectivités locales. Au-delà de l’implication des salariés (et des responsables syndicaux) et de la modernisation du site, son succès reste cependant conditionné à la pérennité de l’engagement de Renault et des choix, à moyen terme, de Callista. Ce fonds affiche un cycle d’investissement de trois à cinq ans. La réflexion sur une revente possible se posera donc assez rapidement.
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