Aujourd’hui, quelques années après son départ en retraite, j’étais vivement intéressé de savoir ce qu’il restait de son séduisant et étonnant style de mangement. Ce vendredi 27 novembre, j’étais pressé de découvrir comment cela fonctionnait avec son successeur et avec les opérateurs.
9h30 pétantes, deux mots seulement d’accueil par Dominique Verlant le nouveau patron et trois groupes rapidement constitués partent pour une visite de deux heures pendant lesquelles aucune photo n’est autorisée, un petit drame perso pour Piwi qui accepte d’en comprendre les raisons.
1ère escale au bureau d’études fonderie, voisin du BE Automatisme où une dizaine de boîtes de vitesse différentes nous dévoilent leurs entrailles. 4, 5 ou 6 fourchettes se répartissent au cœur de chacune comme autant de stents aux couleurs du cuivre, ou plutôt à la couleur du laiton, encore plus jaune.
C’est avec un immense intérêt pour son métier, ses responsabilités et une passion pour son imprimante 3 D Polyjet « objet 30 » que M. Vassal nous affranchit des caractéristiques de sa machine aux dimensions A4 dont la tête d’impression évolue de 3/100è à chaque passage – épaisseur maximale 3 cm. Elle permet d’avoir dans les mains, avec la 3D du client, une pièce flashée solidifiée à l’échelle 1 en 12 heures seulement. Un outil qui change tout dans la relation au client pour se faire comprendre.
2ème escale une unité de moulage sous pression avec son four de fusion bi-bassin, son robot-louche pour « cueillir » le métal liquide et l’introduire dans le piston de la machine à couler. Quelques secondes plus tard, c’est un autre robot qui lui « cueille » la grappe dans le moule ouvert pour un dégrappage. Les lingots titrés sont achetés à la maison mère AFICA suivant leurs spécifications – chaque lingot reçoit une couleur en fonction de son analyse.
3ème escale l’entretien des outillages où leur maintenance est nécessaire après chaque équipe. La dernière grappe est conservée comme témoin. L’atelier d’outillage utilise des fraiseuses, tours, machines d’électroérosion et UGV.
4ème escale nous sommes ici dans une des 12 mini usines avec 20 ou 30 opérateurs animés par un leader ancien opérateur qui s’est révélé avec un charisme , organise les équipes en 1×8 à 3/8, gère les approvisionnements (axe, crosse, rivets, …) définit les investissements qui favorisent le plus, le mieux et le moins cher pour le client. L’unité d’usinage à grande vitesse, le dégrappage, la découpe, l’assemblage, le montage sont pensés en autant de mini-usines autonomes dédiées chacune à un client : Valéo, Renault, VW…ou autres. Elles réalisent une trentaine d’opérations en collaboration avec le BE automatisme. Ilot de production en ligne, ces min-usines fournissent des fourchettes et sous-ensembles complets. Chaque mini-usine possède un parrain qualité et un parrain productivité choisi parmi les commerciaux garants de l’interface usine/client, où s’exprime l’identité forte du client auprès des opérateurs. Ces derniers peuvent même se rendre sur les lignes d’assemblage de leur client qui devient ainsi une entité concrète. Peu de hiérarchie, peu de structure, peu de cloisonnement, les experts authentiques peuvent échanger et se comprendre.
Les opérateurs ont la parole parce que « dire c’est faire», « Z’ont raison ? Z’ont tort ? Why not ? », « Faut aller voir ailleurs, pour s’assurer qu’on n’est pas le nombril du monde ». Aussi les visites génèrent des idées et même des points de vue. Un opérateur m’a même exprimé être dubitatif sur la rigueur allemande !!! L’équipe ici s’autogère pour comprendre et trouver une solution commune.
5è me escale au laboratoire des essais mécaniques qui accompagne la destinée des nouvelles pièces, de la phase calcul aux tests prototypes en flexion et boucle ainsi le travail depuis la simulation-modélisation en fonction des résultats réels. Des bancs d’essais usure sont disponibles ici.
6ème escale la salle pour les échanges particulièrement fructueux sur l’entreprise avec d’abord Denis Declerck, Directeur de Fabrication
puis avec Dominique Verlant, Directeur Industriel et Commercial.
Les marchés de FAVI :
– Si aujourd’hui, FAVI est la référence pour les fourchettes de boîte de vitesse en laiton à destination de l’Europe,
on se rappellera qu’à sa création en 1957 le siphon de lavabo était le produit phare.
Une nouvelle métallurgie commence à fournir des pièces en aluminium hyper-silicié, preuve que l’entreprise réagit aux attentes des marchés.
– Les rotors à cage en cuivre surmoulés représentent aujourd’hui 6% du chiffre d’affaires.
– L’alliage antimicrobien AB+ pour les poignées de porte, plaques push et autres produits de la gamme ABEVIA appréciés pour leur efficacité anti microbienne.
– L’agriculture pour des semoirs distributeurs de graine.
– L’adduction d’eau avec des compteurs d’eau.
La diversification est à l’œuvre.
Quelques chiffres et généralités sur la FAVI__
On retiendra : 71 millions de CA – 391 salariés – 45 % export – environ 4 000 tonnes de laiton / an – 1 camion tous les jours pour chacun des constructeurs automobiles – FAVI Fournisseur de rang 1 pour la plupart des constructeurs automobiles – La « fourchetterie », c’est 13 millions de fourchettes / co-concepteur qui représente 80% du CA, – 15 millions kwh/h pour la maîtrise de l’énergie – différentes certifications ILO OSH 2001 – ISO 9001 vs 2000 – ISO TS16949 – ISO 50001 -Management QS2EE – métallurgie des Laitons : 10 alliages proposés (pour les caractéristiques mécaniques, la résistance à l’usure, les pièces d’aspect, la résistance à la dézincification, peu ou absence de plomb) – Consommation de l’eau de ville divisée par 4 en 10 ans – 2004 bâtiment HQE – Peu de turn over parmi le personnel qui est ainsi bien formaté aux exigences – Beaucoup d’apprentis surtout en maintenance électrotechnique -. « Toute la structure doit s’adapter tous les jours pour fournir le camion journalier de chacune des usines clientes ».
L’HUMAIN AU CENTRE DE L’ENTREPRISE
Si Jean François Zobrist a appliqué une formule qui lui a permis de transformer l’organisation de la Favi aujourd’hui hissée au rang de leader européen avec 50% de part de marché, son proche collaborateur qui lui a succédé, Dominique Verlant croit lui aussi que : l’homme est bon » et promeut l’amour du client partout dans l’entreprise où l’équipe toute entière est tournée vers la satisfaction du client.
Ces propos qui semblent simples voire naïfs ont impliqué de véritables changements que l’on peut qualifier de révolutionnaires au niveau de l’organisation de l’entreprise.
Si l’homme est bon, plus besoin de contrôleur car chacun cherche naturellement à bien faire son travail que ce soit pour lui-même et pour les autres. Nous faisons bien les choses, non pas parce qu’on nous les a demandées, mais parce que nous avons une bonne raison de les faire. « C’est aussi ça l’amour du client. Je sais pourquoi je le fais. » Ce style de management apparemment complètement utopiste a fait ses preuves ici et perdure. Faire réellement confiance à ses employés n’est pas ici aberrant, la méthode FAVI ne semble poser aucunes limites à la liberté qu’elle accorde à ses travailleurs. Ainsi, on ne vient plus au travail que pour réaliser sa tâche, ses heures, chercher son chèque.
A l’heure où plus personne ne croit en rien, où la confiance au sein des organisations est en berne, la FAVI et son étonnant et atypique système de management ont permis ces performances hors normes que Pascal Paul Constant et les visiteurs de ce vendredi ont apprécié. Ils ont, tout au long de cette visite, croisé des heureux Picards toujours contents de nous saluer au passage dans les allées des ateliers.
Tous le monde en parle, tous le monde applaudit, et personne n’essaye…
on oublie souvent que la principale richesse d’une entreprise, c’est d’abord les femmes et les hommes qui la composent….