«Dès l’âge de quinze ans, je me suis intéressé aux arts et à la sculpture», raconte Gilles Perrault, piqué par le gêne pourrait-on dire. Car avec des grands-parents sculpteurs, la voie était tracée. Après l’école Boulle, il travaille comme chef atelier à la restauration des cadres pour le musée du Louvre. «Lorsque je suis entré au Louvre, on m’a dit qu’il fallait que j’apprenne la dorure, raconte l’expert. J’ai été à Versailles pour cela.» Versailles où il rencontrera le conservateur en chef Gérarld Van der Kemp qui le poussera à passer le concours de restaurateur d’État. «J’ai été admis, je suis parti travailler à Versailles où je suis resté neuf ans, jusqu’en 1984.» Gilles Perrault va alors créer le premier laboratoire d’analyses d’objets d’art privés avec Yvonne Trenard, «à la demande des Monuments historiques».
«À l’époque, Yvonne Trenard était la seule spécialiste en dendrochronologie c’est à dire la datation du bois par l’étude des cernes annuelles, complète l’expert. J’ai installé le laboratoire rue Montbauron, à Versailles.» Il mènera alors de célèbres expertises, comme celles liées à la mission Arctique et Antarctique française et les pirogues découvertes sur le chantier de Bercy. «En tant que restaurateur d’État, j’ai beaucoup travaillé pour le Louvre, le château de Versailles ou les Monuments historiques. J’ai aussi réalisé une copie d’une table à gibier (il y en avait trois, il en fallait quatre) dans la Galerie des Glaces au château de Versailles.» L’atelier de restauration de Gilles Perrault comprenait un chef menuiserie, un chef ébéniste et un chef sculpteur doreur. Dix-huit personnes y travaillaient, principalement pour le Louvre ou Versailles mais aussi pour des institutions étrangères comme le musée d’art et d’histoire du Luxembourg. «En 1995, j’ai commencé à moins travailler pour les institutions françaises pour me tourner vers l’étranger. J’ai d’ailleurs installé mes bureaux à Paris (rue de la Paix), car les gens ne viennent pas jusqu’à Versailles. J’ai récemment travaillé pour la fondation Chi Mei à Taïwan qui a participé à l’ouverture du premier musée d’art occidental de Chine et le premier musée consacré aux instruments de musique du monde.»
Le faussaire Driessen
Pour le musée d’art occidental, Gilles Perrault a réalisé pas moins qu’une copie de la fontaine d’Apollon du château de Versailles, en marbre de carrare, «à l’échelle 1». «Cela a demandé six ans de travail et 25 personnes, souligne le sculpteur. J’ai aussi travaillé pour la ville de Paris durant treize ans à la restitution de bronzes qui étaient sur l’île Saint-Louis et qui avaient été fondus pendant la guerre.» La sculpture “Le lion et le serpent“ a ainsi été refaite dans l’atelier bucois. Outre cette activité de restauration, Gilles Perrault est aussi un expert mondialement reconnu. «Je m’étais rendu compte qu’il arrivait que Drouot vende des cadres qu’il disait authentique alors que ce n’était pas le cas, explique Gilles Perrault. J’ai voulu changer cela, en me disant qu’il valait mieux entrer à l’intérieur ! J’ai permis d’arrêter une dynastie d’antiquaires qui travaillaient à Drouot. La provenance des experts judiciaires a été rééquilibrée, ce qui a aussi permis d’ouvrir la porte aux scientifiques et historiens. Pour moi, l’expertise comporte plusieurs volets. Il y a l’œil mais c’est aussi connaître les techniques, la traçabilité, etc.»
À titre d’exemple, Gilles Perrault est ainsi intervenu à la demande de Christie’s pour savoir si une tête en pierre de Modigliani était «conforme à l’histoire». Prix de vente de l’objet : 43 millions d’euros. «J’ai aussi travaillé sur l’affaire du faussaire Driessen en Allemagne, raconte l’expert. 1 200 faux Giacometti avaient été retrouvés à Stuttgart. Ce faussaire hollandais s’est lui-même dénoncé car le journal allemand Spiegel avait dit que Beltracchi était le plus grand faussaire du siècle. Driessen les a appelés pour leur dire que c’était lui le plus grand ! Il a été arrêté par la police allemande et va être jugé pour la réalisation de 1 200 faux bronzes d’Alberto Giacometti et de 200 faux de Diego Giacometti, le frère cadet du premier.»
Ce métier, Gilles Perrault ne l’échangerait contre aucun autre. «On fait de belles découvertes et on est toujours à la recherche de la vérité. Le métier d’expert, c’est aussi prouver à des gens qu’il faut arrêter de rêver. Avec Internet, beaucoup de personnes nous contactent car ils pensent avoir retrouvé un trésor dans leur grenier. Il faut souvent être diplomate et leur faire comprendre que ce n’est pas la peine de s’embarquer dans les frais d’une expertise. L’expertise, c’est un sacerdoce où l’on ne se fait pas d’ami !»
pratique
www.gillesperrault.com
On lui doit la tête de piwi n’est-ce pas ?
J’aurai aimé avoir un ami comme Monsieur Gilles Perrault,pour qu’il puisse m’initier sur l’art et la sculpture,c’est un travail passionnant que j’aurai payé pour apprendre.