Comment développer une industrie vertueuse dans une république qui ne l’est pas du tout ?
Chères résistantes, chers résistants, chers soutiens,
On en parlera lors de notre prochain diner parisien, le 11 mars prochain. Inscription ici.
Cela fait maintenant des mois que les grands industriels alertent sur la panne de notre réindustrialisation. Dénonçant des normes devenues folles, des coûts de l’énergie et une fiscalité bien trop élevée, ils défilent dans les médias, au Sénat, à l’Assemblée, pour dire qu’ils vont réduire la voilure, fermer des usines, remettre à plus tard des investissements si on continue comme ça.
Mais :
- Les géants de l’automobile et de la chimie qui, après avoir alerté des années, annoncent aujourd’hui des fermetures d’usines en Europe et des ouvertures aux US.
- Les énergéticiens (ENGIE, TotalEnergies et EDF) qui s’écrient en coeur « quel enfer d’investir en France ».
- Le patron de Michelin qui a listé, devant des sénateurs médusés, les raisons pour lesquelles notre pays est devenu un cimetière de productivité.
- Ou le journal Les Échos qui titrait avant-hier « Acier français : dernière chance avant extinction »…
Ça ne passionne pas nécessairement les foules.
Il a fallu attendre la sortie de Bernard Arnault, comparant la fiscalité française à une arme de délocalisation massive, pour voir le polémicotron s’affoler. Malheureusement, ce n’était pas pour demander une réforme urgente de notre système, mais plutôt pour savoir s’il était ou non moral qu’un homme aussi riche que lui soit Français.
Même chose pour l’audition de Luca de Meo, DG de Renault Group, dont les députés ont préféré faire le procès de son salaire plutôt que de se demander si on n’avait pas mis en place, à coup de lois « écologiquement responsables », « socialement morales » et forcément généreuses, une merveilleuse machine à perdre pour l’industrie française.
Non, devant la montée au créneau des plus puissants représentants du monde de l’entreprise, notre establishment n’a pas jugé bon de se remettre en cause.
Que voulez-vous, en France, on trouve que les meilleurs analystes de football sont d’anciens footballeurs. Mais quand il s’agit d’économie ou d’industrie, on a du mal à prendre au sérieux ce que disent nos champions en la matière, c’est-à-dire les chefs d’entreprise.
D’ailleurs, il n’y a pas que nos élus pour penser cela.
« Avec les grands patrons, on se demande toujours s’ils ne sont pas en train de nous désinformer afin de polluer plus tranquillement et mieux servir les intérêts du grand capital », me disait un internaute sur le sujet.
Quand je lui ai dit : « Les petits patrons disent exactement la même chose que les grands : Trop de taxes, trop de complexité administrative et une énergie bien trop chère. D’ailleurs, ils n’ont jamais été aussi nombreux à déposer le bilan depuis un bon moment », il ne voyait pas le rapport.
C’est pourtant simple. L’industrie est une affaire d’écosystème. Quand les grands éternuent, les petits s’enrhument. Quand les grands partent, les petits, ne pouvant pas suivre, meurent.
Mais voilà, entre la parole des grands patrons que l’on trouve douteuse et celle des petits que personne n’écoute faute d’une représentation suffisamment bruyante, on n’entend pas la voix de l’industrie.
Ce sont donc les non-spécialistes qui prennent des décisions pour elle. Et quand leurs erreurs éclatent au grand jour, ce qui ne manque pas d’arriver quand on fait de l’idéologie et de la morale avec les entreprises, quand l’économie flanche, que les usines ferment, ils se rejettent la faute les uns les autres ou lancent des polémiques faciles, histoire d’occuper l’opinion. Et ça marche.
On dit que les Français sont passionnés par la politique. Je pense, quant à moi, qu’ils sont passionnés par la polémique et la morale. Le débat d’idées ? Oui. Les petites phrases ? Évidemment. Le vote de grandes lois nappées d’idéologie et de valeurs universalistes ? Bien sûr. Les mouvements de boycott pour désigner un infréquentable ? On adore ! Par contre, la partie la plus concrète de la politique, qui consiste à décider, agir, appliquer, contrôler et mesurer l’efficacité des actions prises et des moyens investis, les électeurs français m’ont toujours donné l’impression qu’ils avaient mieux à faire.
Voilà ce que je pensais jusqu’à la semaine dernière quand j’ai lu un drôle d’échange sur LinkedIn. C’était sous un post qui se demandait – je caricature un peu – si s’indigner de la hausse des impôts sur les entreprises dans le pays le plus fiscalisé d’Europe était un signe de néolibéralisme à tendance climatosceptique.
Et là, un chef d’entreprise a osé poser des questions stupéfiantes : « OK, on nous dit qu’il faut payer plus. Mais où va le pognon ? Comment ça se fait que plus ça coûte et moins ça marche ? »
Ces questions seraient passées pour banales dans tous les pays démocratiques du monde. Mais dans un pays qui qualifie de « budget de rigueur » un budget qui prévoit de dépenser 40 milliards de plus que l’année précédente, je peux vous dire que cela en a choqué plus d’un.
Je sais qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, ni qu’un tel commentaire ne transformera pas le rapport de la Cour des comptes en livre de chevet de nos élus (d’autant que les gens qui le rédigent s’entêtent à porter des robes ridicules quand ils passent à la télé, ce qui nuit à leur crédibilité), mais j’ai pris cela pour un signe d’espoir.
Je me suis tout à coup dit qu’il y avait peut-être enfin des gens prêts à se demander si on dépensait l’argent de nos impôts de façon efficace, si on ne pouvait pas améliorer notre système en écoutant ceux qui créent des emplois sur le terrain. Avant de se demander s’il on ne pouvait pas trouver un moyen pour faire encore plus payer les riches.
Autre élément rassurant : le score des auditions du Sénat et de l’Assemblée nationale sur les sujets économiques. Certaines interviews de patrons, durant souvent plus de deux heures, dépassent le million de vues sur YouTube.
Même les grands journaux se mettent à investiguer sur le sujet. Ce week-end, par exemple, j’ai lu un incroyable article paru dans Le Figaro. Il parle des « notes secrètes de Bruno Le Maire sur le dérapage du déficit ».
Je vous le résume ici : Notre ex-ministre de l’Économie aurait effectivement vu déraper le déficit public – celui qu’on nous a caché pendant les élections et dont on a dit après : « Oh ben ça alors ?!? Quelle surprise !! » Il aurait même lourdement alerté les Premiers ministres (Borne et Attal) et le président Macron. Bon, pas au point de démissionner, hein – tout le monde n’est pas le général de Gaulle. Mais il a alerté à plusieurs reprises.
Malgré ses mises en garde, ses supérieurs ont quand même ouvert le carnet de chèques pour acheter la paix sociale en période électorale, afin d’éviter une débâcle (ça, c’est raté). Le tout en oubliant de signaler aux électeurs que ces dépenses non prévues allaient faire déraper le déficit public. (Question : une République qui se comporte ainsi avec l’argent publique est-elle légitime pour exiger que son Industrie soit parfaitement vertueuse ? Vous avez 3 heures…)
Certes, cet article est passé inaperçu alors que, n’importe où ailleurs dans le monde, il aurait suffi à faire démissionner une dizaine d’ex-ministres, le chef de l’État, et à faire exploser des partis entiers sous les huées d’un peuple courroucé… Mais nous étions le week-end, il y avait rugby à la télé… Et puis il fallait s’occuper de savoir si Elon Musk avait vraiment voulu faire un salut nazi ou s’il avait eu une crampe au moment de se gratter le nez, vous comprenez ? Donc on peut se dire que l’indifférence des Français avait des circonstances atténuantes. Non ?
En tout cas, nous, aux FFI, on a décidé de prendre cela pour un signe. Le signe que les Français envisagent de reprendre le contrôle de leur classe politique.
Et, pour les y aider, nous avons décidé de balayer devant notre porte et de faire le boulot sur les sujets touchant à l’industrie en nous lançant, dans les prochains mois, dans la rédaction d’une plateforme de propositions politiques (non partisanes) permettant de refaire de la France un pays où l’on produit, cultive et construit… Dans le respect, bien sûr, de notre environnement et de nos compatriotes.
C’est-à-dire :
• Qu’on va prendre comme base l’ouvrage d’Olivier Lluansi, plus d’infos ici.
• Qu’on va poser plein de questions à des personnalités de tous bords qui connaissent la politique. On avait reçu Arnaud Montebourg, Yves Jégo, Fabien Roussel, Roland Lescure, Yannick Jadot, Sylvain Maillard, Cédric Villani, on continue la semaine prochaine avec Nicolas Dupont-Aignan. Inscription ici.
• Qu’on va l’enrichir d’exemples et de spécificités sectorielles remontés par nos membres lors de séance de travail de notre Think-Tank.
• Puis qu’on demandera à de nombreux industriels de s’exprimer dessus, lors de nos événements en région.
L’objectif est de faire monter la pression pour que nos politiques cessent de prendre l’industrie comme une terre de fantasme qui n’est bonne qu’à illustrer leurs leçons de morale. Plein de gens travaillent déjà ces sujets. Mais ils sont généralement trop discrets. Et nous, comme on sait chanter fort, interpeller l’opinion, on va aller les voir, relayer leur travail, le joindre au nôtre, et crier avec eux.
Z’en dites quoi ? On fait du bruit pour l’industrie ? Ou on continue à se dire que le plus important, c’est de débattre pour savoir s’il faut fermer son compte sur X ?
Pour nous rejoindre, candidatez ici.
Par Laurent Moisson