« Le discours de la direction est assez anxiogène », confie Christine Virassamy, à la CFDT. « Les salariés attendent des réponses, et il faut mettre en place au plus vite un grand plan de formation et d’adaptation des compétences », renchérit Franck Don, à la CFTC.
Moins de main-d’oeuvre
Ces trois élus et leurs collègues ont tous en tête l’annonce faite par Herbert Diess, le patron de Volkswagen, selon lequel les objectifs de Bruxelles de baisse des émissions de CO2 pourraient coûter 100.000 emplois au géant allemand dans le monde . Ce dernier a d’ailleurs annoncé cette semaine qu’il allait garantir jusqu’en 2028 les emplois de deux usines allemandes dédiées aux véhicules électriques, et dépenser 1,2 milliard d’euros en formation sur un autre site du pays, celui qui produit la Golf. En Allemagne, une étude financée par IG Metall et les industriels automobiles a aussi estimé que 75.000 emplois (en net) pourraient être perdus outre-Rhin d’ici à 2030, soit un huitième des effectifs actuels, avec l’électrification.
Batteries électriques : Berlin et Paris veulent convaincre les industriels d’y aller
Un moteur électrique réclame en effet bien moins de main-d’oeuvre qu’un moteur thermique, a fortiori diesel. Sans oublier que la batterie représente entre 30 et 40 % de la valeur ajoutée d’une voiture électrique, valeur qui échappera aux constructeurs automobiles. « Il y a 60 % de composants en moins sur une voiture électrique, on peut se retrouver dans dix ans avec des effectifs divisés par 5 dans les usines. Il va falloir parler réduction du temps de travail et formation », souffle Thomas Baudouin, à la CGT.
« Une question de vie ou de mort »
Pas sûr que Xavier Chéreau, le DRH de PSA, puisse répondre immédiatement à l’attente des représentants du personnel, ne serait-ce qu’à cause des incertitudes qui planent sur le sujet et de l’aspect très progressif de la chose. « Nous sommes dans notre démarche de co-construction avec les syndicats. Nous allons entamer avec eux un travail de longue haleine sur le sujet », dit-on à la direction du groupe, qui, depuis des mois, pèse et soupèse trois scénarios pour le diesel : à 30 % des ventes, à 20 % et à 10 % . Avec, à chaque fois, l’étude des répercussions sur les finances, l’appareil industriel et la moyenne CO2 des ventes du groupe, sachant que le diesel émet moins de CO2 que son équivalent essence.
« C’est une question de vie ou de mort. Un gramme de trop en 2020 par rapport à notre objectif, c’est 400 millions d’amende », rappelait Jean-Philippe Imparato, le patron de Peugeot, au Mondial de Paris. Pour éviter les dérapages mortels, les responsables pays du Vieux Continent doivent désormais ériger la moyenne CO2 de leurs ventes au même plan que leur chiffre d’affaires ou que leur marge. Un logiciel calculant le niveau d’émission en temps réel est par ailleurs en train d’être déployé.
« Etre darwinien »
Surtout, une cellule de travail a été mise en place début octobre, sitôt les objectifs européens 2025-2030 énoncés . Lancée par le président du directoire, Carlos Tavares, à l’issue d’une réunion de crise réunissant les huiles du groupe, celle-ci doit passer en revue toutes les voitures prévues ces prochaines années, tous les investissements et trouver de nouvelles sources d’économies structurelles ou technologiques, quitte à en passer par des partenariats.
« Tout est en train d’être revu au crible du CO2, qui devient un critère très important de prise de décision. Nous voulons respecter nos objectifs et participer à l’effort environnemental. L’idée, c’est de ne pas subir et d’agir vite et fort pour ne pas se retrouver en position de faiblesse », explique une source interne. « Il faut avoir la force mentale de s’adapter en permanence, d’être totalement darwinien », martelait Carlos Tavares, au Mondial.
En attendant les grandes décisions, lui et sa garde rapprochée ont déjà discrètement accéléré l’électrification de l’offre. Du 100 % électrique sera finalement disponible sur les gros engins (il n’était jusqu’à récemment prévu que pour les petits modèles), et le Mild-Hybrid, une technologie 48 volts permettant de gagner quelques pourcents de CO2 pour un surcoût d’environ 1.000 euros par voiture, sera largement déployé.
Julien Dupont-Calbo