« Dans les années 1870, après la défaite face aux Prussiens, le gouvernement, veut redonner l’élan patriotique aux Français, et lance une grande promotion de l’armée », passant notamment « par le jeu », raconte M. Pemzec.
Portée par des dizaines de milliers d’enfants « plutôt aisés », qui « rêvent de diriger artilleurs et généraux », jusqu’à tenir entre leurs doigts la réplique de Napoléon, l’entreprise prospère.
« Début 1900, elle emploie 400 personnes rien que pour la peinture ». Mais le développement de l’aluminium, dans l’entre-deux guerres, puis du plastique, contrarient l’épopée. Après une « traversée du désert », le jouet devient objet de collection.
– 12.000 possibilités –
Un temps fermée en 1992, la fabrique est installée en Anjou par Edouard Pemzec, père de Loïc et « très grand collectionneur », dont le grenier « regorge alors de 200.000 soldats », clowns, danseurs, gendarmes et autres « figurines civiles ».
Aujourd’hui, l’ancienne fonderie est à l’arrêt et ne sert que pour les démonstrations. Empilés dans l’atelier, les « cinq à six mille moules d’origine » constituent un trésor.
« Les normes ont évolué, le contact avec le plomb est interdit. Pour continuer, il aurait fallu tout rénover et investir 400.000 euros », explique le dirigeant. « Une partie de la fabrication est donc sous-traitée », mais « le savoir-faire artisanal demeure ».
La société partenaire basée à Paris s’occupe désormais du coulage des 300 pièces fabriquées chaque semaine, à l’aide de centrifugeuses et de moules en silicone, mais aussi de « l’ébarbage », correction des minuscules défauts du métal. Elle soude les accessoires, et applique un « enduit d’apprêt ».
Le site angevin reçoit les commandes, « puisées parmi les 12.000 références du catalogue », crée des figurines originales « personnalisées » avec l’aide d’un sculpteur, « à partir de tableaux, de photographies », et accueille l’atelier de l’une des trois peintres chargées d’offrir aux figurines des expressions, uniformes et parures colorées.
La longue bâtisse abrite enfin, à l’étage, une exposition de plus de 100 m2, « pour beaucoup composée des collections familiales », où Marie-Antoinette côtoie en vitrine des romains, des croisés, des mousquetaires et quelques dinosaures pâlis par le temps.
« Nous avons deux tiers de soldats, dont une moitié issus des régiments de Napoléon, et un tiers de civils », issus notamment des appréciés « cirques, Tour de France et pompiers », détaille le propriétaire.
« Il faut compter 20 à 40 euros pour un personnage », et plusieurs centaines pour un « diorama », saynette agrémentée d’un décor. Les créations originales, pouvant atteindre des milliers d’euros, sont souvent « commandées par des entreprises ou institutions », comme Michelin, le Crazy Horse ou la gendarmerie nationale.
Mais les collectionneurs rivalisent d’inventivité, comme cet habitué, « qui voulait un sous-marin vu à la télévision », sourit M. Pemzec. Nostalgiques, ou très grands enfants, ils sont encore prêts à payer cher pour « figer leurs rêves » dans le métal.