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vendredi 28 Nov, 2025
Catégorie : Actu flash

Les dessous du dossier ACI Groupe

Virements suspects, voitures de luxe et fonds escroc : les dessous du dossier ACI Groupe, au bord de la liquidation

En redressement depuis fin septembre, la holding industrielle lyonnaise est à bout de souffle. Les administrateurs préparent sa liquidation. Le groupe défraie la chronique avec des « flux anormaux de gestion » de plusieurs millions d’euros, qui seraient au profit de son actionnaire majoritaire Philippe Rivière.

Philippe Rivière est dans le viseur du procureur de la République de Lyon. Une plainte le visant a été déposée par ACI Groupe pour des « flux anormaux de gestion ». Elle pointe vers des soupçons d'abus de biens sociaux.
Philippe Rivière est dans le viseur du procureur de la République de Lyon. Une plainte le visant a été déposée contre ACI Groupe pour des « flux anormaux de gestion ». Elle pointe vers des soupçons d’abus de biens sociaux. (Photo Joel Philippon/Photopqr/Le Progrès/Maxppp)

Par Guillaume Guichard    LES ECHOS

Publié le 25 nov. 2025

L’échec et mat se profile. Sauf apparition quasi miraculeuse d’une nouvelle pièce maîtresse, la partie semble perdue pour la holding industrielle ACI Groupe. Employant, via une trentaine de filiales, 1.400 personnes en France et 200 à l’étranger dans la sous-traitance industrielle, la société cocréée par Philippe Rivière risque grandement d’être liquidée ces prochains jours par les juges du tribunal de commerce de Lyon.

Une requête pour liquidation avec poursuite d’activité a été déposée par les administrateurs judiciaires en vue d’une audience qui se tenait mardi après-midi et s’est conclue par une mise en délibéré au 9 décembre, a-t-on appris de sources proches du dossier. « Cela permettrait de mettre fin à toute possibilité de reprise de la holding ACI Groupe par son actionnaire majoritaire Philippe Rivière et de pallier le manque de financement », précise une source.

« Flux anormaux de gestion »

Une autre source précise que des déclarations de cessation de paiements ont été préparées pour toutes les filiales en vue de l’audience. A moins d’un ultime rebondissement, l’issue semble donc faire peu de doute. D’autant plus que Philippe Rivière, jusqu’en septembre habitué des plateaux de télévision et des conférences sur la réindustrialisation, est dans le viseur du procureur de la République de Lyon, le lancement d’une enquête pénale a été confirmé par l’AFP. Une plainte le visant a été déposée par ACI Groupe pour des « flux anormaux de gestion ». Elle pointe vers des soupçons d’abus de biens sociaux.

Au fil de rachats effectués sur un rythme compulsif, ACI Groupe s’est retrouvé actif dans l’aéronautique, l’automobile, le nucléaire civil et la défense, certaines de ses filiales faisant partie de la base industrielle de défense. Les administrateurs judiciaires ont repris la main sur la société depuis le 18 octobre. Le groupe s’effrite. Avant l’audience de mardi après-midi, « tous les sites ont été placés en procédure collective, deux pour l’instant sont en redressement et cinq ont été liquidés », liste Samy Tabti, délégué syndical CGT au sein de la filiale RMT, elle-même en redressement.

Assiégé par les créanciers

Ecarté de la direction opérationnelle, Philippe Rivière avait promis de financer la période d’observation depuis son placement en liquidation judiciaire le 25 septembre. Mais les derniers versements ont dû être rendus par l’entreprise « à cause de l’origine des fonds », indiquent deux sources au fait du dossier. Ils proviendraient de comptes personnels de Philippe Rivière, qui n’est pas actionnaire directement mais à travers sa société Capart.

Or, Capart serait assiégé par les créanciers. Le moindre centime qui transiterait sur ses comptes serait saisi, explique-t-on aux « Echos ». Seule solution pour le dirigeant de sauver son entreprise : arriver mardi après-midi avec suffisamment de fonds, immédiatement disponibles et vérifiables par le tribunal de commerce.

Les travaux de Finasens mettent en lumière l’existence d’une quarantaine de virements injustifiés à date […] d’un montant de 3,7 millions d’euros.

Ce mardi, les juges économiques devaient également étudier les conclusions d’un rapport d’audit du cabinet Eight Advisory, commandé par les deux administrateurs judiciaires, comme l’a révélé L’Informé. Il s’agit de recouper les conclusions d’un premier audit, commandé en septembre par les actionnaires minoritaires GEI (fonds d’investissement) et Patrick Rives, ex-directeur général, cofondateur du groupe et également actionnaire minoritaire.

Plainte au pénal

Le résultat de ce premier travail de fouille dans les comptes de la holding d’ACI avait fait l’effet d’une bombe sur la place de Lyon. Ce document pointe des « flux anormaux de gestion » et soulève de forts soupçons d’abus de biens sociaux de la part de Philippe Rivière, doté jusqu’alors de très solides relations dans le milieu des affaires de la région Auvergne-Rhône-Alpes. D’où la plainte déposée au pénal fin septembre par ACI.

Dans un document transmis aux administrateurs judiciaires, dont « Les Echos » ont eu connaissance, le fonds résume les griefs et soupçons à l’encontre de Philippe Rivière. « Les travaux de Finasens [qui a réalisé l’audit, NDLR] mettent en lumière l’existence d’une quarantaine de virements injustifiés à date, réalisés par ACI Groupe entre le 7 novembre 2023 et le 12 août 2025 d’un montant de 3,7 millions d’euros », dont 2,175 millions atterrissent sur les comptes de sa société Capart entre le printemps 2024 et l’été 2025, écrivent les responsables de GEI.

Mouvement le plus massif, Philippe Rivière aurait reçu le 25 juillet un virement de 900.000 euros d’ACI vers sa société personnelle, « justifié par aucune prestation […] étant précisé que Capart perçoit par ailleurs une rémunération annuelle de 300.000 euros au titre de son mandat social de président ».

Voitures de luxe et voyages en jet privé

Parmi les millions problématiques, des mouvements de 956.000 euros seraient réalisés vers ACI Pacific, filiale à 70 % d’ACI située en Malaisie, où Philippe Rivière détiendrait également un compte, a-t-on appris de plusieurs sources au fait du dossier. « Rien ne justifie ces virements, ACI Groupe n’a dans cette région qu’une participation minoritaire dans une entreprise locale de services aéroportuaires », s’énerve-t-on en interne.

S’ajoute à cela une liste à la Prévert de versements totalisant 1,3 million d’euros, réalisés par ACI pour des services et produits bien éloignés de son objet social. Près d’un million d’euros seraient ainsi partis dans des contrats de leasing et des achats de véhicules de luxe et de collection. Dans ce garage de rêve, des Porsche 911 et 356 T5B, des Mercedes GLA et Classe S. Mais aussi une Jeep Wrangler et un pick-up Ford 150, ainsi qu’une camionnette de transport de chevaux. Finasens relèverait également deux VTT facturés 11.235 euros à ACI en novembre 2024, mais livrés à la villa du dirigeant à Mougins, ainsi que des voyages en jet privé « à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros ».

Les espoirs de reprise

Comme imperméable à ces rebondissements, le médiatique industriel travaille depuis début octobre, avec quelques proches issus de son ancien comex, sur un plan de redressement. Il estimait début novembre qu’il lui fallait trouver une trentaine de millions d’euros, ont appris « Les Echos ». « Les besoins aujourd’hui sont moindres grâce au recentrage envisagé, ce qui ouvre des perspectives sur les candidats potentiels au redressement », assurait mi-novembre une porte-parole de Philippe Rivière.

De multiples sources indiquent que Philippe Rivière aurait travaillé à un plan de refinancement avec un fonds luxembourgeois, Nymrod. Ce dernier était – la société semble aujourd’hui radiée – dirigé par Darius Modaressi-Tehrani. L’homme d’affaires n’est pas non plus un inconnu pour le tribunal de commerce de Lyon. Ce dernier l’a interdit de gestion pour quinze ans en janvier 2022. « C’est une connaissance, mais il n’est pas impliqué, aucun accord de financement n’a été signé », réfutait de son côté la porte-parole de Philippe Rivière la semaine dernière.

En cinq mois, Philippe Rivière et ACI Groupe ont vécu une descente précipitée aux enfers. En juin, l’industriel triomphait au Salon du Bourget. Il annonçait une prochaine introduction en Bourse avec pour conseil le banquier Rémy Thannberger. Le tout, après avoir signé en début d’année pour une levée de fonds de 82 millions d’euros avec un fonds d’investissement baptisé « Fortuna ». La somme n’est jamais arrivée sur les comptes d’ACI, précipitant le placement en redressement judiciaire. Selon un faisceau concordant d’indices, Fortuna se révélerait être une escroquerie. Une plainte en ce sens a été déposée à ce sujet par ACI fin septembre.

Guillaume Guichard

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