Automobile : requiem pour un V12
Jadis synonymes de luxe et de sportivité, les moteurs 12 cylindres, emblèmes ostentatoires de décennies d’abondance automobile, sont aujourd’hui
En bordure de l’autoroute M6, à mi-chemin entre Manchester et la cité ouvrière de Stoke-on-Trent, le calme champêtre qui entoure les usines Bentley de Pyms Lane a de quoi étonner. C’est pourtant bien une révolution silencieuse qui se joue à Crewe depuis cet hiver, dans cette manufacture aux allures de ville dans la ville s’étendant sur 551.000 m2 et employant près de 5.000 personnes : l’abandon du très symbolique moteur 12 cylindres en W de la marque au symbole ailé. Un moteur mythique aux allures de bijou mécanique ; l’apogée du savoir-faire automobile anglais. Une ère désormais révolue qui autorisait ce que l’on considère désormais comme une hérésie : pousser tous les curseurs techniques et sportifs, sans entrave, pour le seul plaisir du grand tourisme.
Pour un peu, il y aurait là comme une affaire d’Etat. Voire, pour cette marque préférée de la Couronne britannique, un bouleversement semblable à un changement de dynastie. Car derrière ces moteurs ahurissants et les bâtisses de briques rouges qui les abritent, se cache une histoire glorieuse qu’on ne saurait sacrifier sur l’autel de la modernité. Toucher au V12, c’est toucher aux symboles et – shocking ! – au souvenir de l’Empire et de l’effort de guerre auquel contribua ardemment Bentley.