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Par : piwi
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mardi 03 Oct, 2023
Catégorie : Technique

Rétrofit hydrogène : RH2 transforme les moteurs diesel

Rétrofit hydrogène : RH2 transforme les moteurs diesel
Ciblant dans un premier temps les poids lourds et les véhicules de chantier, la jeune société auxerroise Retrofit Hydrogène travaille sur une conversion à des véhicules lourds, non pas en adoptant une architecture électrique à pile à combustible, mais en adaptant le bloc thermique d’origine. Ce qui en ferait une solution bien plus supportable financièrement. C’est ce qu’ont expliqué lundi 25 septembre 2023 David Mourre et Jacques Bouvy, respectivement président et directeur technique de RH2. C’était au cours d’un webinaire organisé par les clubs Hydrogène du Grand Est et de Bourgogne-Franche-Comté.

En 2016, les fondateurs de RH2 ont recherché une solution permettant de faire fonctionner les moteurs diesel avec une énergie plus durable et soutenable. Ils avaient en tête deux problèmes majeurs. Tout d’abord une pollution atmosphérique responsable de la mortalité en France à hauteur de 9 % et qui impose à 92 % de la population mondiale de respirer un air trop nocif. L’autre, c’est le pétrole qui rend l’Hexagone dépendant des pays exportateurs et devrait nous soumettre à des prix à la pompe de plus en plus élevés avec le peak oil.

En interrogeant l’histoire, ils ont remarqué que l’on attribue la première voiture électrique à Thomas Davenport en 1834 et la pile à combustible à William Grove 5 ans plus tard. C’est-à-dire avant l’apparition de la voiture à essence de Karl Benz (1885) et du bloc mis au point par Rudolf Diesel (1892). Retrofit Hydrogène aurait pu ajouter une étape encore plus parlante pour leur démonstration sur la frise du temps : 1860. Cette année-là, l’inventeur franco-belge Etienne Lenoir dépose son brevet et fabrique son moteur fonctionnant au gaz d’éclairage.

Pour les gros moteurs diesel

Les représentants de Retrofit Hydrogène ont également appuyé leur présentation sur un rapport de l’Hydrogen Council qui indique que, dans le monde et d’ici 2050, près de 400 millions de voitures, 15 à 20 millions de poids lourds et 5 millions de véhicules de transports publics devront être convertis à l’hydrogène. Et ce, soit par le remplacement pur et simple de ces engins, soit en le rétrofitant.

Les utilitaires légers et les voitures particulières n’intéressent pas aujourd’hui RH2 qui envisage plutôt pour eux une architecture électrique à pile à combustible. Ils imaginent en revanche une solution comme la leur sur de gros moteurs, comme ceux des bateaux, des locomotives, des groupes électrogènes, des camions, et des engins de construction. Ce sont ces deux dernières catégories qui sont aujourd’hui ciblées par l’entreprise auxerroise, avec une ouverture aux autocars et autobus si des demandes pour ces véhicules lui étaient formulées.

Pour répondre à la question « Est-il possible de convertir à l’hydrogène un moteur diesel ? », les dirigeants de RH2 ont identifié toute une liste de petits problèmes qu’ils ont décidé de résoudre petit à petit, les uns derrière les autres. Jusqu’à finalement parvenir à mettre au point une solution viable, qui s’approche de la commercialisation.

Permettant très vraisemblablement de décrocher le Crit’Air1, la solution mise au point par RH2 repose sur des injections directes d’hydrogène et d’eau brumisée dans la culasse. Une importante étude thermodynamique a été menée pour parvenir aux meilleurs scénarios tout en conservant la mécanique d’origine, y compris les chemises et les pistons. A la clé, un rétrofit au coût serré. Ce qui n’aurait pas été possible avec une injection indirecte où l’hydrogène aurait été en contact pendant deux temps sur quatre avec les pièces, les fragilisant en s’y immisçant, jusqu’à la casse. Des tests sur la durée devraient confirmer la possibilité de faire fonctionner le moteur avec le chemisage d’origine.

La combustion débute aux alentours des 715 ° C. C’est l’injection d’eau qui permet de freiner la combustion. Intervenant à une température plus basse, cette dernière s’effectue avec une réduction très importante des émissions d’oxydes d’azote. « Nous sommes ainsi à 70 ppm sans système de dépollution ou 7 ppm en conservant celui d’origine. Elles sont donc descendue à l’état de trace », a souligné Jacques Bouvy. Pour comparaison, il y a dix ans, sur une voiture, on admettait comme valeurs pour les NOx : 50 à 200 ppm au ralenti, et entre 600 et 2 500 ppm à puissance maximale.

Un rétrofit réalisable en une semaine en atelier

Si la culasse d’origine est conservée, elle est toutefois modifiée. Ainsi par l’ajout de bougies d’allumage et d’injecteurs spécifiques à 30 bars placés sur une rampe commune. Selon les deux intervenants, la transformation sera accessible « aux mécaniciens des ateliers de maintenance des transporteurs habitués à déculasser.

Elle pourra être réalisée en une semaine par une équipe de trois personnes ». A défaut, RH2 prévoit d’ouvrir son propre garage, mais aussi et surtout l’installation du kit par les établissements aujourd’hui spécialisés dans la maintenance des poids lourds. Dans l’ensemble qui sera fourni, les bougies et le calculateur ajoutés ne pèsent pas trop sur les tarifs.

Les deux éléments les plus coûteux sont les réservoirs et les injecteurs : « En 2016, il n’existait pas d’injecteurs à hydrogène. Ceux habituellement utilisés pour le gaz ne pouvaient pas convenir à cause des fuites dues à la petite taille des molécules H2. Il nous a fallu les concevoir et les faire réaliser, ce qui nous a pris un an et demi ». Actuellement, le rendement atteint par Retrofit Hydrogène est de 40 %, avec l’objectif de l’inscrire très vite dans l’intervalle 46-49 %, et peut être même au-delà. A comparer aux 41-45 % des moteurs diesel et à celui des piles à combustible, crédité de 55 %, mais qui peut s’écrouler à 35 % en pleine charge.

Le procédé retenu par RH2 impose de prévoir des réservoirs pour l’hydrogène mais aussi pour l’eau, avec un nombre qui dépendra de l’autonomie souhaitée : « Il est possible d’installer jusqu’à 5 réservoirs derrière la cabine du conducteur, et 2 à la place de ceux de gazole ». Le poids total pourrait alors atteindre les 900 kg. Ce que le châssis supporte déjà avec les deux réservoirs pleins de carburant.

L’hydrogène pourra y être stocké à 350 ou 700 bars, selon les distributeurs à disposition, sachant qu’avec la pression maximale on obtient une autonomie doublée. Avec une pression qui descend très bas dans le moteur thermique, il sera possible de consommer une plus grande partie du gaz contenu dans les réservoirs. Toujours en comparaison avec la pile à combustible, le moteur thermique accepte des qualités moindres. Ce qui autorise à exploiter le produit de la pyrolyse, de la gazéification ou l’hydrogène fatal issu de l’industrie. Pour retrouver l’autonomie permise par 300 kg de gazole, il faudra un dimensionnement pour 100 kg d’hydrogène.

Dans un second temps, l’entreprise pourrait se tourner vers l’hydrogène liquide qui gagne actuellement en maturation.

De la Golf au moteur Caterpillar

Le premier moteur modifié, « en mode startup garage », était celui d’une Volkswagen Golf diesel, histoire de vérifier que l’intuition de départ pouvait se confirmer. Depuis février dernier, l’entreprise travaille sur un moteur 4,4 l Caterpilar qui équipe un grand nombre d’engins de chantier.

Après 30 heures d’essais sur un banc du CRMT, ce bloc diesel a quasiment retrouvé la puissance et le couple d’origine en fonctionnant à l’hydrogène. RH2 pense faire mieux encore. Avec à peine un mois d’écart, l’équipe a attaqué le bloc d’un camion Iveco de 16 tonnes avec la société Danielson installée à côté du circuit de Nevers-Magny-Cours.
 
Au début de l’année prochaine commencera le rétrofit d’un tracteur routier dont la marque n’a pas encore été arrêtée. En septembre 2024, Retrofit Hydrogène a programmé sa réalisation des kits de rétrofit, avec un démarrage des productions en série au cours de l’année suivante.

D’ici là, les dirigeants espèrent que des transporteurs et autres professionnels intéressés se manifesteront afin de faire baisser les coûts le plus rapidement possible. Sur les premières conversions, RH2 partirait sur une homologation à titre isolée au niveau de la Dreal comme un simple changement de carburant. Le scénario s’orienterait ensuite à une réception de type présérie, voire de série si les constructeurs devenaient partenaires de RH2.

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