Les Echos – extraits Jean Marc Vitorri
Jamais les entreprises n’ont fait des marges aussi élevées qu’en 2021. Elles vont devoir gérer de trop bonnes nouvelles dans une campagne présidentielle où les assauts de démagogie ont déjà commencé.
« Le taux de marge des entreprises devrait atteindre 35 % cette année, d’après la dernière prévision de la Banque de France. »
Le millésime 2021 sera exceptionnel. Pas dans les châteaux bordelais qui ont subi gel et pluies. Mais dans les entreprises françaises, qui vont faire des profits comme jamais. C’est une bonne nouvelle pour elles. Voire une trop bonne nouvelle. Car ces bénéfices extravagants risquent d’être compliqués à gérer.
La performance est assurée. Au premier semestre 2021, les résultats des entreprises du CAC 40 ont progressé d’un tiers par rapport à l’excellent premier semestre 2019,
De plus, les entreprises ont bénéficié d’ un soutien public massif depuis le premier confinement en mars 2020. Avec d’abord des mesures temporaires de sauvegarde, comme les subventions reçues du fonds de solidarité mis en place par le ministère des Finances pour compenser les réductions d’activité décidées pour enrayer la circulation du virus. Ensuite avec des mesures de relance, sous la forme notamment d’ une baisse des impôts de production de 10 milliards d’euros à partir de 2021.
Rechute en 2022
La baisse des impôts de production est pérenne et conséquente, puisqu’elle représente près d’un point de la valeur ajoutée des sociétés non financières. Mais les autres causes de la profitabilité hors normes des entreprises françaises, elles, vont disparaître. Les 35 % constituent un pic, non un plateau. Les conjoncturistes de la Banque de France prévoient un retour vers un niveau plus habituel en 2022 et 2023, autour de 33 %.
Les profits, un gros mot
Les entreprises vont devoir ensuite discuter avec leurs salariés, qui ont des fourmis dans les jambes. Pour l’instant, les grèves qui fleurissent ici et là ne sont pas motivées par des revendications salariales.
Mais même si les entreprises ont laissé beaucoup plus de plumes dans la crise sanitaire que les salariés dans leur ensemble, la tension va fatalement monter avec la publication des profits 2021. En particulier dans un pays où le profit est encore souvent considéré comme un gros mot, voire la preuve aveuglante d’une exploitation du travail par le capital.
Encore plus compliqué : dans ce pays va se dérouler une campagne présidentielle au moment où les entreprises vont publier des résultats flamboyants.
En attendant, les entreprises font le gros dos. Leurs comptables explorent toutes les solutions pour araser la bosse des profits, et pas seulement pour des raisons fiscales. Décidément, 2021 aura été une trop bonne année.