En temps normal, un ouragan de la force de Laura se dirigeant vers les côtes américaines aurait fait bondir les cours du pétrole. Mais avec l’épidémie de Covid-19, la situation est bien différente. Le baril de brent est certes passé au-dessus des 46 dollars cette semaine, pour la première fois depuis début mars, mais au final, la progression sur les quatre derniers jours est inférieure à 3%. Jeudi après-midi, il cédait 0,5%, à 45,40 dollars.
Laura a été classé en catégorie 4, sur une échelle qui en compte 5. Les vents soufflant jusqu’à 185 km/h ces derniers jours ont déjà contraint la plupart des compagnies pétrolières à fermer leurs plates-formes en mer dans le Golfe du Mexique. Près de la moitié des plates-formes ont évacué leurs employés, provoquant l’arrêt de plus de 80% de la production de la région, selon le Bureau of Safety and Environmental Enforcement. Quelque 2 millions de barils de brut ont été retirés de la production quotidienne, soit près de 2% de l’offre mondiale.
«Les dégâts pourraient être importants»
L’ouragan a touché terre jeudi aux confins du Texas et de la Louisiane avec des vents de plus de 200 km/h, exactement là où sont installés une grande partie des raffineries et des usines pétrochimiques de la région. Toutes ces installations fonctionnaient au ralenti depuis plusieurs jours en prévision de Laura et des inondations probables que l’ouragan provoquera sur son passage. Jeudi, la plupart étaient fermées, dont le site du français Total à Port Arthur. L’ouragan devrait affecter plus de 40% des capacités de raffinage des Etats-Unis, et plus de la moitié de l’industrie chimique basée sur le vapocraquage des hydrocarbures.
Pétrole : le schiste américain mettra du temps à se relever
«De sévères perturbations sont attendues dans chaque segment de la chaîne d’approvisionnement pétrolière, commentent les analystes de Citi dans une note jeudi. Les dégâts pourraient être importants», même s’il est difficile à ce stade de connaître leur ampleur et le temps qu’il faudra pour remettre en service les sites endommagés. Jeudi, 3 millions de barils par jour de capacités de raffinage avaient été arrêtées, à comparer avec 5 millions lors de l’ouragan Katrina en 2005.
Fermetures éphémères
L’impact sur le marché pétrolier reste pour le moment limité et localisé néanmoins. Les variétés de pétrole du Golfe du Mexique se vendent avec une prime de 2 à 2,50 dollars au-dessus du WTI, la référence pour le pétrole américain. «Les marchés sont conscients que les fermetures de capacités causées par les ouragans sont généralement éphémères, et il est encore un peu trop tôt pour savoir si Laura aura un effet prolongé sur les prix ou non», explique Bjornar Tonhaugen, analyste chez Rystad Energy.
Crise du pétrole : récit d’un chaos inédit
En attendant, les cours du brent s’inscrivent au-dessus des 40 dollars depuis la fin du mois de juin, une période de stabilité particulièrement longue en comparaison des violentes variations du printemps. Mais toute remontée significative semble exclue pour le moment, car la demande mondiale peine à retrouver de la vigueur .
Covid-19, «le plus gros ouragan de tous»
Rystad l’estime à 90,5 millions de barils quotidiens en août, soit encore 10% en-dessous du niveau d’avant-crise qui était de 100 millions. Elle ne progresserait que lentement au cours des prochains mois et resterait inférieure à 95 millions en décembre. «Les ouragans peuvent limiter l’offre cette semaine, aidant les prix à se maintenir et même à monter légèrement, poursuit Bjornar Tonhaugen. Mais le marché va bientôt se focaliser à nouveau sur le plus gros ouragan de tous, Covid-19».
Vincent