Ben, vous savez, on court le monde pour voir des choses extraordinaires et on ne voit pas le merveilleux qui est à notre porte. Eh bien, c’est ce qui vient de se passer encore une fois pour moi.
Le copain sculpteur JP Gendra, bien connu de JFBA, me propose de m’emmener chez un vrai imprimeur du temps de Gutenberg, il devait lui faire graver un petit texte sur de la cire pour le transférer ensuite sur une de ses statues en bronze. Je ne savais pas qu’il y avait encore un endroit au monde où l’on imprimait à la mode de mon grand-père.
Jusqu’ici, je n’avais vu ces bécanes que dans des musées (comme à Troyes), là ça y ressemble sauf que c’est du vivant, ça respire, tout est en état de marche et fonctionne !
M. Tachot est le dernier à savoir entretenir, utiliser, régler, réparer toutes ces machines du passé. Après lui, le déluge, le savoir et le savoir-faire seront irrémédiablement perdus.
Qui est ce M. Tachot ? Un personnage de caractère, gai, hors du commun, haut en couleurs, qui n’a pas la langue de plomb comme je l’ai vu écrit, très cultivé (chevalier de l’ordre des Arts et des lettres), qui a touché à tout dans tous les lieux du monde, passionné et passionnant.
Vous voyez, rien à voir avec ces politiques qui nous bassinent et nous dépriment à longueur de journée… après avoir vu M. Tachot on croit à nouveau en l’Homme.
Bref si vous voulez en savoir plus, vous achetez le livre « Les typographes » Frédéric Tachot, Jean-Paul Deschamps de Laure Bernard, Editions Paccoud.
Je vous recopie la 1ère phrase du 1er chapitre pour donner le ton : » « Tachot » et « Geffroy » : je suis né du jeu de mot qui avait amusé cette dame, la sténotypiste, et l’a décidée à organiser la rencontre entre mon père et ma mère… »
»
Et je vous recopie le résumé au dos de l’ouvrage :
« Chez les Tachot, on est typos depuis sept générations…Ainsi, la vie se passe en trois temps : un temps où l’on apprend, un deuxième temps où l’on se sert de ce qu’on a appris pour vivre et un troisième temps où l’on doit restituer. J’en suis au troisième stade là, au stade de la restitution. Mais qu’est-ce que je peux transmettre, et à qui ? Toute la question est là. La tradition typographique, l’esprit du métier, ne sont plus transmissibles puisque le monde qui leur était rattaché est mort. »
M. Tachot, maintenant à la retraite, a récupéré un tas de machines destinées à la casse et a profité d’une belle opportunité grâce à la commune de Saran (et à son ancien maire communiste Michel Guérin) qui lui a mis à disposition gratuitement 3 salles de l’ancienne école primaire pour faire revivre tout le matériel de l’imprimerie, le tout avec le chauffage et sans aucune contrepartie.
Mais M. Tachot ne se croise pas les bras pour autant, il accueille des groupes de jeunes ou adultes (immigrés, gens du voyage, jeunes en difficulté, écoles primaires…) qui mènent un projet qui sera ensuite imprimé avec son aide technique sur les machines d’antan.
Mais Frédéric est aussi sollicité de toutes parts, dans le monde entier, notamment par l’imprimerie nationale pour refaire des caractères prestigieux que nul autre que lui sait encore fabriquer, pour former aux anciennes techniques etc. En effet, si quelques machines sont encore en vie, les hommes qui les faisaient tourner ont disparu, c’est tout un corps de métier prestigieux qui n’est plus : l’aristocratie de la classe ouvrière (les mieux payés), le fer de lance du prolétariat, à la tête de toutes les revendications, une nébuleuse d’anarchistes… avec l’immense pouvoir de bloquer la parole.
Ce monde de l’imprimerie était un monde à part, avec un vocabulaire spécifique qui nous a légué plein de mots dont on ignore aujourd’hui qu’ils viennent de l’imprimerie : la casse et casserole, sabot et saboter *… police, taille, caractère, composition, point (le point Didot par exemple -0,376mm- créé par Napoléon pour uniformiser tous les corps de caractères de l’imprimerie; cette unité de mesure, qui définit la taille d’un corps, est en base 12, les révolutionnaires n’ayant pas réussi à trouver une unité en base 10 pour l’imprimerie. Les unités de longueur étaient auparavant basées sur une référence au corps, symboliquement le pied du roi), maigre, gras, italique, capitale, matrice, clavier, justifier, mise en page, blanc, ligne, interligne, frappe, espace, marge, correcteur, etc. »
Bon, maintenant je vais sous mettre quelques photos mais je suis loin de comprendre à quoi sert précisément tout ce matériel et comment il fonctionne, mais je me suis juré de retourner voir M. Tachot pour plus d’explications.
- Le mot sabot est probablement la racine du mot sabotage : les travailleurs qui voulaient un congé, ou qui voulaient lutter contre le patron pour moins d’heures de travail, jetaient certainement un sabot dans les machines d’une usine ou d’une ferme et ne travaillaient plus jusqu’à ce que la machine soit réparée, mettant ainsi en difficulté le patron. Des syndicats radicaux, comme l’IWW, défendent également le sabotage comme un acte d’auto-défense et d’action directe contre les mécanismes de l’oppression patronale. Les courants écologistes portés à l’action directe pratiquent le sabotage.
M. Tachot compose le texte manuellement, caractère par caractère, ligne par ligne (les mots sont à l’envers)
Il presse la plaque de plomb sur la cire
Le premier résultat n’est pas satisfaisant, il faudra régler la pression et qu’elle soit plus uniforme, c’est un métier de réglages perpétuels. La troisième épreuve sera parfaite.
Je ne connaissais que la police de choc
Une linotype ? (La Linotype est une machine de composition au plomb qui utilise un clavier alphanumérique à 90 caractères permettant de produire la forme imprimante d’une ligne de texte d’un seul tenant, d’où l’étymologie, de l’anglo-américain « line o’ type ».)
Une monotype (Contrairement à la Linotype, les étapes de composition et de fonte sont séparées dans la monotype. Le typographe chargé de la composition saisit le texte sur un clavier, qui le convertit en un enregistrement par bande perforée. C’est aussi à ce niveau que la justification est résolue par l’opérateur. Le typographe peut choisir une grande variété de tailles de caractères.).
Le fameux sabot qui permet de récupérer les caractères usés destinés à être refondus (le terme « saboter » est un terme venu de l’imprimerie, car c’est dans un sabot que l’on jetait les caractères abimés. Et cela s’appelle saboter. Il était donc grave de saboter intentionnellement les caractères neufs afin d’arrêter le travail, car le droit de grève n’existait pas !)
Si les années de plomb ont disparu, ce n’est pas pour ça qu’on est arrivé à l’âge d’or.
Chapeau bas M. Tachot !
Bon, c’est l’heure de la soupe
Jf braille qui a composé, spécialement pour ce billet, en caractère Garamond, police maigre 12, à l’aide de son clavier… sans se presser et avec le correcteur orthographique automatique. – Jfbraille (jfbradu pour les non avertis) – jfbraille <jfbraille@free.fr>
le texte « Je ne connaissais que la police de choc » s’applique à 2 photos au-dessus où l’on voit la casier avec inscrit le nom de cette police (Choc), A moins que la plaque en plomb au-dessus soit en police « choc » ?
Le texte « Le fameux sabot qui permet de récupérer les caractères usés destinés à être refondus (le terme « saboter » est un terme venu de l’imprimerie, car c’est dans un sabot que l’on jetait les caractères abimés. Et cela s’appelle saboter. Il était donc grave de saboter intentionnellement les caractères neufs afin d’arrêter le travail, car le droit de grève n’existait pas !) » devrait se trouver sous la photo du sabot.
JF Bradu
Bonjour
Les caractères dans la galée ne sont pas du Choc, qui était un caractère très moderne dans les années 70, il est vraisemblable que ce soit un Garamond dont la casse est sur le rang.
Est-ce que les visites sont possible. Je suis un ancien typo reconverti dans le numérique mais avec une grande nostalgie du temps à Gutenberg.
visite possible sans pb à Saran .pw
Les anciens de l’Imprimerie nationale vont le nommer : « typographe orientaliste d’honneur » en mars prochain. Comme il forme le personnel de l’atelier patrimonial de Douaix à la fabrication de matrices à partir de caractères existants, à l’utilisation de fondeuses, composeuses-fondeuses et à la fonte de stéréotypes, ils l’ont jugé digne. Dign d’un don…c’est cloche !!!
Cela se passera discrètement dans les anciens locaux de l’Imprimerie nationale en présence probable de ministres dont Laurent Fabius.
Avec ses précédents titres et décorations il va ressembler à un sapin de Noël.
Ses amis fondeurs sont fiers de lui.
Mon père tenait une fonderie à base de matériel Monotype dans les années 70-80 et j’ai jeter beaucoup de pièces monotype mal stockées.. toutefois, il me reste des moules hauteur constante sur du 6, 8, 10 et 11 didot qui sont à remettre en fonctionnement. Je m’appétais à les mettre à la ferraille. Si intéressé, je vous les donne. N’hesitez à me contacter sur mon mail.
Cordialement
Cyrille CERLEBonjour,